L’histoire politique du Québec selon Philippe Couillard

2014/11/24 | Par Louis Duclos

L'auteur est un ex-député fédéral de Montmorency-Orléans ( 1974-1984 )

Il est franchement désolant d’entendre le premier ministre Couillard tenir, depuis son entrée en fonctions en avril dernier, un discours plutôt bancal chaque fois qu’il aborde la question du statut politique du Québec.

À titre d’exemple, on se souviendra que notre premier ministre s’est particulièrement surpassé au lendemain du référendum en Écosse. Il a alors affirmé sans rire que le Non des Écossais et la nouvelle dévolution de pouvoirs promise par Londres renforcerait leur Parlement régional, et ce, contrairement au Non des Québécois lors des référendums de 1980 et 1995 qui aurait affaibli le Québec dans ses rapports avec le Canada anglais.

À vrai dire, il s’agit là d’un étrange raisonnement qu’il faut, du moins dans le cas du référendum de 1980, mettre sans doute sur le compte de son jeune âge à cette époque et de sa méconnaissance des évènements politiques qui ont marqué le règne de Pierre Elliott Trudeau à Ottawa.

C’est pourquoi, il est nécessaire de lui rappeler que ce dernier caressait depuis déjà longtemps le projet de rapatrier la Constitution canadienne de Londres et de donner au Canada une charte des droits et libertés.

C’était un secret de polichinelle que tôt ou tard il allait entreprendre le combat de sa vie pour mettre fin comme il l’entendait à cette saga constitutionnelle vieille de plus de 50 ans.

C’est d’ailleurs parce qu’il appréhendait une offensive fédérale imminente sur ce terrain que Robert Bourassa appela le Québec aux urnes à l’automne de 1976 en vue d’obtenir le mandat de contrer le projet du premier ministre Trudeau et de lui couper ainsi l’herbe sous le pied.

L’arrivée au pouvoir du Parti québécois de René Lévesque au terme de cette campagne électorale n’allait pas pour autant détourner le premier ministre du Canada de son objectif ultime.

C’est ainsi qu’en 1980, dans une opération post-référendaire particulièrement odieuse, il entreprit non seulement de rapatrier la Constitution canadienne, mais également de doter le Canada d’une charte des droits et libertés.

Or, contrairement à ce qu’il avait laissé entendre pendant la campagne référendaire, cette charte réduisait les pouvoirs de l’Assemblée nationale du Québec, notamment en matière de langue d’enseignement, et ce, en dépit de l’opposition d’une écrasante majorité de ses membres.

Certes, le premier ministre Couillard a raison de faire valoir qu’on a ainsi affaibli le Québec, mais il omet commodément d’ajouter que c’est la mauvaise foi de ses amis fédéralistes d’Ottawa et du Canada anglais qui en est responsable.

Bref, référendum ou pas au Québec, la dynamique de la politique canadienne à cette époque nous amenait inévitablement à ce résultat.

Et c’est la même mauvaise foi des autorités fédérales qui a affaibli encore davantage le Québec par l’adoption de l’infâme « Loi sur la clarté référendaire » au lendemain du référendum de 1995.

Profondément antidémocratique, cette loi accorde au Parlement fédéral le pouvoir de décréter a posteriori à quelles conditions les résultats d’un référendum gagnant sur l’indépendance du Québec seraient reconnus par le reste du Canada. Quelle parodie de la démocratie !

Et si l’on en croit Philippe Couillard, ce sont les souverainistes québécois qui doivent être tenus responsables de ce nouvel affaiblissement du Québec. Le moins que l’on puisse exiger de notre premier ministre, c’est qu’il s’abstienne de tenter de réécrire l’histoire.

Autant Philippe Couillard a tout à fait le droit de promouvoir le maintien du lien fédéral,  autant il a également le devoir, à titre de chef du gouvernement du seul État francophone en Amérique, de réclamer un élargissement de l’espace vital du Québec à l’intérieur de la Fédération canadienne.

Et ce n’est pas en attendant que ce soit le Canada anglais qui prenne l’initiative d’entreprendre une réforme constitutionnelle, comme il l’a proclamé à plusieurs reprises, que cet objectif pourra être atteint.

Aussi bien dire que tout changement au fonctionnement du fédéralisme canadien est reporté à la semaine des quatre jeudis.

Ce comportement de pleutre face au reste du Canada n’est pas digne du chef de cette grande formation politique que fut le Parti libéral du Québec. Les Lesage, Bourassa et Ryan, qui  ont tous recherché avec acharnement une réforme du régime fédéral dans le respect des intérêts supérieurs du Québec, doivent se retourner dans leur tombe devant tant de mollesse de la part de leur successeur.