Commission Robillard : Rien ne justifie le mode panique

2014/11/25 | Par Richard Perron

L’auteur est président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec 

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) n’est nullement surpris de voir la Commission de révision permanente des programmes (CRPP) compléter le scénario rédigé pour elle par le gouvernement qui, à force de le répéter, voudrait faire croire aux Québécoises et aux Québécois qu’il y a péril en la demeure au point où nous devons absolument couper dans les services à la population.

Selon le SPGQ, le rapport Robillard multiplie les mesures nuisibles pour les familles, les régions et les moins nantis, pendant que rien n’est fait pour récupérer des milliards engloutis en pure perte, commission Charbonneau et bordel informatique à l’appui.

Encore une fois, au nom d’une idéologie stérile d’austérité, il est proposé d’ébranler les colonnes du temple en attaquant les jeunes familles, les agriculteurs et les régions. Mais en parallèle se poursuit la culture du copinage et du laisser-faire.

À titre d’exemple, les Québécoises et les Québécois paient à ne rien faire Jean-Marie Lévesque – ancien patron de l’organisme qui doit gérer le bordel informatique du gouvernement, le Centre de services partagés du Québec – qui touche un salaire annuel de 190 840 $.

Le SPGQ rejette complètement les arguments de la présidente de la CRPP, Lucienne Robillard, comme quoi ses recommandations sont guidées par l'urgence de redresser les finances publiques et de freiner la croissance de la facture à payer comme intérêt sur la dette.

Cette urgence est parfaitement arbitraire, car comme l’indique M. Pierre Fortin, nommé économiste de la décennie par ses pairs, la tentation de contracter brutalement et précipitamment les dépenses pourrait plonger le Québec en récession.

Dans son blogue publié le 24 novembre dernier, l’Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) en rajoute en affirmant qu’il n’y pas eu de croissance excessive des dépenses au Québec au cours des dernières années. L’IRIS remet d’ailleurs en question la volonté du gouvernement de démanteler l’État social en sabrant les services publics et les programmes sociaux, tout en amplifiant la tarification.

Du même souffle, le SPGQ déplore la multiplication des comparaisons avec l’Ontario afin de justifier l’alarmisme ambiant. Rien ne justifie le mode panique du gouvernement, car le produit intérieur brut par habitant au Québec est passé de 34 673 $ en 2003 à 44 267 $ en 2012, une hausse de 27,7 % en 9 ans. Cette performance est donc supérieure à celle de la riche Ontario dont l’économie est pourtant l’une des plus prospères en Amérique.

De plus, le ratio déficit/PIB du Québec est de 0,6 %, alors que celui de l’Ontario est presque trois fois plus élevé à 1,6 %. Ces chiffres incontestables ont pourtant été portés à l’attention de M. Coiteux et Mme Robillard lors de ma présentation devant cette commission, mais le scénario écrit par le gouvernement, qui tient à couper pour couper, reste plus fort que la réalité.

Par ailleurs, le SPGQ s’explique mal le choix des mesures ciblées de 2,2 milliards $ d'économies potentielles pour le gouvernement, dont plus de la moitié, soit 1,3 milliard $, viendrait d'une autre ponction sur les transferts aux municipalités qui ont pourtant déjà fait les frais des mesures d’austérité.

Considérant que le premier ministre a salué le travail pédagogique de la CRPP, il devrait également faire preuve de pédagogie auprès des Québécois en leur expliquant pourquoi l’addition des dépassements de coûts de projets informatiques comme GIRES, Dossier santé Québec, SAGIR, RENIR et PSTI totalise 3,2 milliards $, une somme entièrement volatilisé du Trésor public en raison d’une gestion suspecte, pour ne pas dire absente, et de l’omniprésence de firmes privées qui veillent à réaliser des profits mirobolants.

À trop vouloir minimiser les enjeux et les impacts des mesures d'austérité et de compressions sur les conditions de travail et de vie des Québécois, le gouvernement semble vouloir faire oublier qu’il lui a suffi de six mois pour démontrer tout son potentiel de carnassier des services publics, croit le SPGQ.

Même si la population a développé une remarquable tolérance aux demi-vérités sans cesse répétées du gouvernement, elle ne doit pas perdre espoir, car il arrive parfois que le gros bon sens fasse son chemin. Espérons que le réalisme et la nécessaire bonne gestion de l’économie québécoise supplanteront l’austérité et l’alarmisme déclamés à des fins électoralistes, comme le laisse entendre Pierre Fortin.