Couille, couillard, couillardise, couillonnade…

2014/12/03 | Par Gaétan St-Pierre

L’auteur est professeur de littérature à la retraite, auteur de Quand la rue parle (Septentrion, 2014) portant sur le vocabulaire des luttes sociales et ses origines étymologiques

Nous parlerons donc de couille. Le mot couille, orthographié coille dans le Roman de Renart (fin XIIe) vient du latin populaire colea, mot d’usage «vulgaire» correspondant au terme usuel testiculus (mot dérivé de testis «témoin» et signifiant étymologiquement «petit témoin de virilité»). Couille «testicule» est depuis assez longtemps employé au figuré dans des locutions comme avoir (ne pas avoir) des couilles (XVIe), c’est-à-dire «du courage» ou encore être une couille molle (milieu XIXe) «être un homme sans courage, un lâche». On retrouve aussi le mot dans des expressions plus récentes comme tenir (quelqu’un) par les couilles «l’empêcher d’agir» ou encore casser les couilles (à quelqu’un) «l’importuner».

Parmi les dérivés de couille, deux sont attestés dès l’ancien français.

Il y a d’abord le terme couillard, mot servant à qualifier certains mâles d’animaux ayant de gros testicules et, au figuré, une personne arrogante, prétentieuse. Mais, par un curieux glissement de sens, le mot couillard désigne aussi, depuis le XVIe (peut-être sous l’influence de couard «qui a la queue basse») une personne «lâche», «peureuse» et, par extension, une personne «fourbe», «sournoise», «qui trompe en feignant l’honnêteté», d’où le dérivé couillardise «fourberie, tromperie hypocrite».

Il y a aussi le nom couillon, mot signifiant proprement «testicule», mais surtout utilisé au sens figuré de «sot», de «personne qu’on dupe facilement». Les deux dérivés de couillon, qui datent du XVIe siècle, reprennent en partie cette idée de «sottise» mais se rattachent surtout à celle de «tromperie». Il s’agit du verbe couillonner «duper, tromper» et du nom couillonnade «bêtise» et aussi «duperie», «affaire dont il n’y rien à attendre de bon».

Le terme couillardise, longtemps considéré d’emploi rare, est depuis peu entré dans l’usage courant où il sert à désigner le mensonge, la tromperie, voire la fourberie en politique. Il s’applique notamment à ces dirigeants politiques, à ces élus qui, une fois portés au pouvoir, s’empressent de faire le contraire de ce qu’ils avaient promis ou annoncé. «On n’a pas voté pour ça» est en quelque sorte la réponse à la couillardise.

Quant au nom couillonnade – mot frère de couillardise, il s’emploie surtout dans le sens de «duperie». On parlera de (vaste) couillonnade quand, par exemple, on confie le redressement et le «ménage» des finances publiques à ceux-là mêmes qui se sont rempli les poches, aux vrais profiteurs du système, à ceux-là aussi, banquiers et financiers, qui il y a quelques années à peine ont plongé le monde dans une crise financière sans précédent. La couillonnade, c’est le voleur qui crie «Au voleur!», c’est l’égorgeur qui crie «À l’assassin!».