Centres d’éducation populaire menacés d’expulsion

2014/12/08 | Par Donald Nolet et Isabelle Aubin


Fatigués d’attendre en vain des débouchés concrets dans leur dossier, une cinquantaine de participants des centres d’éducation populaire de Montréal se sont rendus hier à l’Hôtel du Parlement déposer une pétition et livrer au ministre Yves Bolduc une carte postale géante pour demander des solutions.

Les 6 centres d’éducation populaire de Montréal, logés depuis 40 ans dans des bâtiments de la Commission scolaire de Montréal, ont appris en 2012 que la CSDM ne reconduirait pas leurs baux finissant le 31 mai 2015 et qu’elle cesserait de les financer.

Depuis, les centres ont multiplié les démarches auprès des gouvernements successifs pour rester dans leurs locaux et poursuivre leur mission d’éducation populaire. Mais, à 25 semaines de l’expulsion, la survie des organismes n’est toujours pas assurée. Les six centres demandent depuis des mois au ministère une solution permanente incluant du financement pour la rénovation des centres, le maintien du caractère public des bâtiments et des subventions pour assumer les frais d’opération et les activités.


Annonces du ministre Bolduc : des pas en avant, des nœuds qui restent entiers

Suite au dépôt à l’Assemblée nationale de la pétition du Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles par la députée de Québec Solidaire Manon Massé, les représentants des 6 centres ont pu rencontrer le ministre Bolduc, fermement décidés à obtenir des réponses. Ils en ressortent avec un constat mitigé.

« Le gros pas en avant est sans aucun doute l’annonce du ministre d’un montant pour rénover les centres, et ce à la hauteur des besoins. Le ministre s’est engagé à débuter les travaux dès 2015, et à remettre les centres en état, peu importe les imprévus en cours de travaux » relate Isabelle Aubin, du Centre social Centre sud. Autre fait significatif, le ministre a annoncé sa volonté de porter personnellement le dossier des 6 centres et de le régler dans un avenir rapproché.

Le ministre propose aux centres un bail sur trois ans avec la CSDM, le temps d’effectuer les travaux, dans la perspective que les organismes deviennent ensuite propriétaires de leurs centres. « Devenir propriétaire d’un centre remis en état est toujours mieux que d’être pris avec des toits qui coulent et des briques qui tombent. Mais nous sommes à l’inverse de notre demande au ministère de garder les bâtiments publics » explique Donald Nolet, du Carrefour d’éducation populaire. Et, si le ministre Bolduc affirme que la menace d’expulsion du 31 mai 2015 est levée, la volonté de la CSDM de prolonger le bail semble beaucoup plus incertaine.

Le ministre a également indiqué être prêt à financer les centres en couvrant les sommes versées historiquement par la CSDM pour la mission et les frais d’exploitation des centres. Gros bémol, ce financement serait seulement sur trois ans, et dégressif jusqu’à atteindre zéro. Qu’arrivera-t-il après ? Le ministre parle de diversifier les financements, auprès d’autres ministères et du privé.

« C’est très inquiétant, cette absence de garantie sur du long terme. D’où viendra ensuite l’argent pour les frais d’opération ? Le sous-ministre adjoint nous avait pourtant dit que la recherche de financements variés opérée l’an passé n’avait pas porté ses fruits.» se désole Isabelle Aubin.

Après des mois de stagnation et de ping-pong entre la CSDM et le ministère, les centres d’éducation populaire conviennent qu’il y a eu des avancées, même si on est encore loin d’une solution permanente. Ils soulignent l’implication du ministre et des députés des différents comtés concernés, tous partis confondus. « Le ministre a tenu à s’adresser aux participants pour les assurer de son soutien. Il est temps maintenant de passer aux actes et de concrétiser les promesses d’ici Noël. Nous lui rappelons que notre demande fondamentale, c’est que le gouvernement reconnaisse et finance l’éducation populaire. » conclut Donald Nolet. Les 6 centres ont proposé de mettre sur pied une table de négociation où tous les acteurs siègeront, afin de poursuivre les discussions.


Un centre d’éducation populaire, parce que tout le monde a le droit d’apprendre, toute sa vie.

Les centres d’éducation populaire ont à leur actif 40 ans de travail d’éducation avec des milliers de personnes exclues dans les quartiers les plus défavorisés de Montréal. Ce sont des adultes qui ne s’inscrivent pas dans une démarche d’éducation formelle ou traditionnelle, isolées et vivant des difficultés d’intégration à la société pour diverses raisons. Fréquenter les centres leur permet de briser leur isolement, de développer des réseaux d’entraide, d’améliorer leurs compétences, de s’impliquer dans leur quartier, de défendre leurs droits, de profiter d’un milieu de vie accueillant et de reprendre le contrôle sur leur vie.

La politique d’austérité ne doit pas priver ces personnes d’un droit inaliénable : l’éducation. C’est au ministère de l’éducation et au gouvernement de garantir à tous le droit d’apprendre tout au long de sa vie. Le ministre Coiteux doit entendre le message : on ne peut atteindre la prospérité économique au détriment du droit à l’éducation pour tous.

Liste des 6 centres d’éducation populaire de Montréal :

  • Ateliers d’Éducation Populaire du Plateau

  • Carrefour d’Éducation Populaire Pointe-Saint-Charles

  • Centre d’Éducation des adultes St-Henri/Petite Bourgogne

  • Centre Éducatif Communautaire René-Goupil

  • Comité Social Centre-Sud

  • Pavillon d’Éducation Communautaire Hochelaga-Maisonneuve