Réponse à Sylvain Lévesque

2014/12/15 | Par Kathleen Courville

L’auteure est présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ)

Dans une lettre publiée dans La Presse, l’ex-président de l’Association des garderies privées, Sylvain Lévesque, porte une attaque virulente contre ses collègues du milieu familial et tient le même discours que nos politiciens libéraux.

Cela est déplorable à un moment où les orientations gouvernementales appellent tous les acteurs de la petite enfance à se serrer les coudes afin de défendre les services de garde de nos tout-petits, un volet central de la politique familiale du Québec.

Mais plus grave est l’utilisation, par M. Lévesque, de chiffres absolument infondés concernant les revenus des responsables d’un service de garde en milieu familial (RSG). Ces erreurs ne peuvent rester sans réponse.

La lettre de M. Lévesque montre éloquemment qu’il connaît mal le réseau de garde en milieu familial et qu’il est bien risqué de s’improviser fiscaliste. Allons-y par ordre tant les erreurs sont nombreuses.

D’abord, M. Lévesque l’ignorait visiblement, le ministère de la Famille verse la subvention quotidienne de 27,27 $ par enfant, non pas pour 261 jours mais pour seulement 236. Une petite erreur de départ de plus de 4 000 $. Les revenus bruts varient d’une responsable d’un service de garde à l’autre en fonction du nombre d’enfants qu’elles accueillent, mais la FIPEQ-CSQ estime ces revenus bruts à 50 470 $. Poursuivons.

À titre de travailleuses autonomes, les responsables d’un service de garde en milieu familial peuvent déduire les frais d’exploitation de leur entreprise de leur revenu. M. Lévesque estime ces dépenses à 10 000 $ sans donner aucune explication.

En 2010, le ministère de la Famille avait estimé ces dépenses à 12 215 $, ce qui équivaut aujourd’hui à plus de 13 000 $ compte tenu de l’inflation. Autre petite erreur de 3 000 $. Poursuivons !

Il est également important de souligner que, contrairement à l’affirmation de M. Lévesque, les RSG ne peuvent déduire « presque en totalité » les frais de résidences.

Le régime fiscal prévoit que si les RSG utilisent 50 % de leur domicile pour leur service de garde, elles peuvent déduire uniquement 50 % de leurs dépenses liées au domicile.

D’autre part, il est faux de prétendre que les RSG auraient à assumer la totalité de ces dépenses si elles n’opéraient pas le service de garde.

Cependant, là où notre apprenti fiscaliste dérape totalement, c’est lorsqu’il prétend que les RSG peuvent, en plus de leur dépenses d’exploitation, ajouter d’autres déductions fiscales d’un montant de 22 000 $. Mais d’où tient-il ce chiffre ?

S’il existe, évidemment, quelques autres déductions fiscales telles que les cotisations au RRQ et au RQAP, elles n’ont rien à voir avec l’exploitation de l’entreprise. Bref, on est à des années-lumière des 22 000 $ avancés par M. Lévesque, chiffre qui est pure fabulation.

Finalement, M. Lévesque y va d’une charge contre la syndicalisation des éducatrices en service de garde, soulignant que les coûts des réseaux syndiqués sont « exorbitants » et que cela explique la hausse des coûts du programme des services de garde à la petite enfance.

Nous voudrions porter à l’attention de M. Lévesque les chiffres du ministère des Finances publiés dans le budget de juin dernier.

On y apprenait qu’en 2013-2014, la subvention moyenne par place en milieu familial était de 27,83 $, en hausse de 30 % par rapport à 2004-2005, alors qu’elle était de 43,03 $ pour les garderies subventionnées, en hausse de 37 %.

Si l’on considère les taux de plaintes pour 1000 places en 2013-2014, de 3,7 pour le milieu familial, de 23 pour le privé subventionné et de 24,8 pour le privé non-subventionné (chiffres du ministère de la Famille), il nous semble que les services de garde en milieu familial constituent une très bonne affaire pour la population québécoise.

La qualité des services offerts en milieu familial est au cœur des priorités des milliers de femmes qui accueillent quotidiennement les tout-petits et façonnent le Québec de demain.


Photo : Radio-Canada