La Caisse de dépôt et les infrastructures : les principaux intéressés n’ont pas été consultés

2015/01/19 | Par Paul de Bellefeuille

Le gouvernement du Québec a signé une entente avec la CDPDQ afin de créer une nouvelle entité au sein de la Caisse, CDPQ Infra. Celle-ci développerait, financerait et exploiterait des projets en infrastructures dans le secteur des transports.

Les deux premiers projets envisagés sont le système de transport collectif sur le pont Champlain et le futur Train de l’Ouest dans la région de Montréal.

Cette intention politique, qui nécessitera des amendements législatifs à la Loi sur la Caisse, provoque déjà des questionnements et des inquiétudes chez plusieurs observateurs.

Toutefois une question n’a pas été soulevée, soit la consultation des principaux intéressés, le citoyen et le travailleur. En effet, chaque travailleur et travailleuse du Québec serait en droit de donner son avis à ce sujet puisqu’ils sont les principaux bailleurs de fonds de la Caisse.

En effet, m’a-t-on demandé mon avis, moi, le citoyen-travailleur syndiqué et non syndiqué qui cotise au régime de retraite de la RRQ (Régie des rentes du Québec)? On pourrait aussi ajouter à ce groupe tous ceux et toutes celles qui ont pris leur retraite et qui ont donc cotisé au régime de retraite de la RRQ. Ils et elles ont aussi droit au chapitre.

 

Un peu d’Histoire

Lors de la création de la Caisse de dépôt, la RRQ fut le premier déposant auprès de la Caisse. La RRQ et la CDPDQ furent créées suite à une décision politique. Le gouvernement Lesage avait pris soin d’obtenir un mandat en ce sens lors de son élection. Et Jean Lesage avait aussi pris soin de définir le mandat et les objectifs de cette nouvelle entité politique que serait la Caisse dans le projet de loi qui la créait.

Cette entente entre le gouvernement et la Caisse change fondamentalement sa mission et ses objectifs. N’aurait-il pas été logique que le citoyen-travailleur soit consulté avant que le gouvernement ne fasse prendre à la Caisse cette nouvelle direction?

La décision de créer une nouvelle entité au sein de la Caisse, œuvrant dans le secteur des infrastructures, ne vient-elle pas modifier ses objectifs qui sont de soutenir l’économie du Québec et de réaliser des rendements financiers adéquats au nom de ses déposants? J’en suis personnellement convaincu.

Et les autres déposants?

Une autre partie importante des travailleurs et travailleuses sont des déposants, et pas des moindres, à la Caisse. En effet, tous les employés syndiqués du secteur public qui contribuent à leur régime de retraite, le RREGOP, voient leur dépôt confié à la CDPDQ afin de réaliser les rendements nécessaires à une future rente de retraite convenable.

Ceux-ci cotisent donc à deux régimes de retraite, le régime des rentes du Québec (RRQ) et le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). Les cotisations au RREGOP sont confiées à la Caisse pour réaliser des investissements, selon les orientations données par le comité de retraite propre à ce régime de retraite. L’histoire ne dit pas si le comité de retraite du RREGOP a été consulté ou informé de ce projet de créer CDPQ Infra, pas plus que les autres déposants à la Caisse.

J’aurais dû être consulté à plus d’un titre. Je suis d’abord un citoyen et un changement aussi important n’aurait-il pas dû être préalablement annoncé lors de la campagne électorale qui a conduit le PLQ au pouvoir? Il s’agit, me semble-t-il, d’une règle élémentaire en démocratie.

Que je sois aussi un travailleur syndiqué ou non syndiqué, je suis le plus important déposant à la CDPDQ. N’aurais-je pas dû être consulté avant que la Caisse ne signe une telle entente avec le gouvernement?

Mais comment une telle chose aurait pu être possible puisque je ne suis pas représenté au sein du conseil d’administration de la Caisse. En effet, il n’y a plus depuis 2012 de représentants des travailleurs et travailleuses au sein du conseil d’administration de la Caisse, contrairement à la volonté énoncée lors de la création de la Caisse par Jean Lesage. (1)

En conséquence, je ne pouvais donc pas être informé qu’un tel projet était dans les cartons de la Caisse et je ne pouvais pas non plus participer au débat et donner mon avis au sujet de cette entente entre la Caisse et le gouvernement en tant que principal déposant dans notre bas de laine collectif.

Je suis donc floué en tant que citoyen et floué en tant que travailleur, grand absent au sein du conseil d’administration de la Caisse. Mais, en définitive, c’est moi le citoyen et moi le travailleur qui paiera pour les pots cassés, si le pot se brise, bien entendu.

Mais je ne pourrai pas non plus manifester ma joie si le projet réussit, car je n’aurai pas été, moi le citoyen-travailleur, partie prenante de la décision. Ces deux postures, réussite ou échec, sont celles de la responsabilité face à l’Histoire pour le meilleur et pour le pire.

Tous les lauriers, si ce projet est un succès, seront alors déposés sur la tête de ceux qui auront parlé en mon nom, sans me demander mon avis, mais en ayant eu l’assurance, pour les initiateurs de ce projet, que j’aurai fourni les capitaux nécessaires pour sa réalisation.

Le principe bien américain, « No taxation without representation » n’est pas preneur dans ce projet. Vive la démocratie!


  1. http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=5581