Formation : eau trouble difficile à avaler

2015/02/03 | Par Richard Perron

L’auteur est président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

C’est devenu un euphémisme d’affirmer que ce gouvernement fait fausse route. Au menu de sa nouvelle ineptie : il entend modifier la loi du 1 % sur la formation professionnelle afin d’épouser davantage les besoins du marché. Sur cette voie, il risque d’enfoncer encore plus la fonction publique dans la perte d’expertise et de renforcer son caractère répulsif auprès des jeunes. 

Dans le dialecte gouvernemental, le verbe « modifier » se veut un synonyme de couper, abolir, tronçonner, charcuter, car le gouvernement doit retrancher le dernier milliard nécessaire à l'atteinte du déficit zéro au budget du printemps, au risque de voir les méchants hommes en noir venir en meute pour « décoter » le Québec.

Plutôt que de s’attaquer sérieusement à l’évasion fiscale, à la corruption, à la sous-traitance abusive et au favoritisme, le gouvernement préfère s’attaquer aux conditions de travail, déjà bien malmenées, de ses employés. Il fait le choix de sacrifier son expertise et, en corolaire, de déléguer davantage au privé.

Mais au-delà de cette absence évidente de réflexion et de logique, une anecdote récente rapportée par l’un des membres du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec démontre toute la vacuité de cette orientation. Depuis le déversement de diesel qui a contaminé l'eau potable à Longueuil, en janvier dernier, les dirigeants politiques ont été sensibilisés à l'importance des enjeux de sécurité civile.

À cet effet, une demande a été formulée au ministère de la Sécurité publique (MSP) afin de développer des formations d'une demi-journée pour les sous-ministres du gouvernement, les attachés politiques, les directeurs de cabinet et les directeurs de communication des ministères et organismes. Ces formations visent à transmettre des notions clés sur le système de sécurité civile du Québec, ainsi que les principes de coordination et de concertation qui régissent ce système unique au Canada.

Le 5 février, la première des formations est prévue pour les directeurs de cabinet des ministres. Ils seront tous présents dans les bureaux du MSP à Québec. Un exercice développé par les professionnels du ministère leur sera présenté. Par la suite, ils seront entretenus pas les gestionnaires responsables et le sous-ministre du MSP.

Dans ce contexte, il est parfaitement ironique de demander à ces professionnels d'organiser des formations, sur leur temps de travail, alors que ce temps de travail pourrait être consacré à offrir des services aux citoyens. Et c’est encore plus ironique que cela soit demandé par ceux qui estiment que ces mêmes professionnels ne méritent pas de recevoir des formations, qu'elles soient continues ou d'appoint. 

Cela nous renvoie à une question cruciale : si les employeurs les plus performants ont compris que la formation ne constitue pas une dépense, mais bien un investissement fructueux et un levier d’accroissement de la performance, pourquoi le gouvernement refuse-t-il de reconnaître ces faits et d’agir à l’inverse du bon sens?