Chronique d’un jeune bloquiste

2015/02/10 | Par Louis-Philippe Sauvé

L’auteur est président du Forum Jeunesse du Bloc Québécois

Je suis heureux de débuter aujourd'hui une chronique hebdomadaire dans l'aut'journal. Mon but sera d'offrir aux lecteurs un éclairage sur ce qui se passe à Ottawa à travers le regard d'un jeune indépendantiste de gauche.

Pourquoi l’aut’journal ? Encore aujourd’hui, la presse québécoise est plus concentrée que jamais. Les médias de masse reflètent l’opinion de la classe qui les possède. Cette minorité possédante nous enfonce chaque jour ses valeurs au moyen de ses instruments de propagande et de ses chroniqueurs. La gauche, les écologistes, les féministes, les syndicalistes, les indépendantiste et les républicains ont besoin d’un journal. Un journal pour le peuple. C’est aussi vrai en 2015 qu’en 1984.

Depuis 2011, les Québécois portent moins attentions à la politique fédéral et il y a quelque chose d'affligeant là dedans. Affligeant, parce que malgré notre indifférence envers les enjeux qui sont débattus à la Chambre des Communes, les conséquences des décisions qui sont prises de l'autre côté de l'Outaouais ne nous ignorent pas.

Prenons pour simple exemple le projet d'oléoduc d'Énergie Est, qui malgré l'opposition de 49% des Québécois selon un récent sondages CROP-L'Actualité, nous sera selon toute vraisemblance imposé par Ottawa avec la complicité du NPD et du PLC. Nous prenons les risques, l'industrie des sables bitumineux empoche. Ou encore l'appui de ces mêmes partis au financement du projet terre-neuvien du projet du Bas-Churchill, concurrence déloyale au Québec. En matière environnementale, le laxisme du gouvernement Harper finira par coûter cher au Québec.

Qu'il s'agissent de développement durable, de relations internationales, de culture, de pensions de vieillesse ou de l'assurance emploi, le Québec sera toujours mieux servi que par lui même et c’est ce que j'entend démontrer dans ces pages en traitant de questions d'actualités, de retours sur notre histoire et d’analyses politiques.

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L'année 2015 sera une année de transition politique. D'abord à Québec, le Parti Québécois se dotera d'un nouveau chef. Cette course à la direction se tiendra avec en toile de fond une grande contestation sociale. L'Austérité fait grincer des dents. D'une part, les offres salariales ridicules que le gouvernement a faites à ses travailleurs, d'autre part les coupures dans les universités, la modulation des frais de garderies et la réforme Barette passée sous le bâillon. La «rigueur» du gouvernement Couillard affecte toute la société sauf sa classe la plus aisée.

En plus du mécontentement populaire et de celui de ses salariés, il devra composer avec le mouvement Printemps 2015 organisé par le militant de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), ce mouvement de grève bien qu'il soit peu probable qu'il réussisse à ébranler les colonnes du temple, ne sera pas sans plomber le taux de satisfaction du gouvernement libéral.

La question qu'il faudra se poser cette année, c'est de savoir qui sera en mesure de canaliser ce mécontentement pour que la volonté populaire se matérialise à court et moyen terme. Si tant est qu’une organisation ou un parti puisse le faire.


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Au Canada, la stratégie des Conservateur est assez claire. Avec les attentats du Charlie Hebdo, le gouvernement Harper remet les enjeux sécuritaire de l'avant avec notamment le projet de loi C-51 qui permettra aux agents du SCRS « d’intervenir afin de perturber les complots terroristes ».

Ce projet de loi, de même que la réaction de l'opposition, a de quoi nous inquiéter comme le soulignait à juste titre Alec Castonguay dans son blogue cette semaine. L’atteinte de l’équilibre budgétaire et le saupoudrage de cadeaux habituels en fin de mandat est un autre pivot de la stratégie conservatrice. Il ne serait guère surprenant que le M. Harper soit réélu. Les Canadiens ont l’habitude des longs règnes.

La vraie bataille se fera entre les partis d’opposition. Les libéraux tenteront de séduire l’électorat de la classe moyenne. Ils s’érigeront en alternative au gouvernement Harper. Les Néo-démocrates feront la même chose en moins crédible. Dans une conjoncture où ces deux partis se battent férocement pour les mêmes circonscriptions, il est difficile d’envisager un changement de gouvernement.

C’est au Québec que la joute électorale sera la plus intéressante, non pas que nous puissions changer radicalement la distribution des sièges, mais bien pour l’observateur de la scène politique. Dans plusieurs régions, des courses à trois parfois quatre se dessinent. Dans une telle situation, l’organisation et la sortie de vote font souvent la différence et les résultats peuvent surprendre.

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À mon sens, la prochaine élection fédérale sera cruciale pour le mouvement indépendantiste de même que pour le Parti Québécois. Aveugle est le souverainiste qui croit que la disparition du Bloc serait «une bonne affaire».

Tous les candidats à la chefferie du PQ, parfois à contre-cœur, se sont commis en faveur du parti de Mario Beaulieu. Cet appui tacite devra se concrétiser sur le terrain, car une défaite bloquiste à l’automne affecterait nécessairement l’aura du nouveau chef péquiste. Les André Pratte de ce monde s’empresseraient de déclarer la mort clinique de l’option.

Dans le passé, lorsque le Parti Québécois traversait des moments difficiles après la désastreuse ère Boisclair, il a pu jouir de l’appui du Bloc. Advenant la disparition de ce dernier, quelle police d’assurance aurait le PQ en cas de défaite ?

Si le prochain chef du PQ est résolument déterminé à faire du Québec un pays, il serait malavisé de se priver de l’appui du potentiel que le Bloc a à offrir. Non seulement le Bloc a pour position historique de contribuer à l’élection d’un gouvernement indépendantiste à Québec, mais celui-ci peut s’avérer un allié précieux dans une campagne référendaire.

Le 19 octobre 2015 sera également un date cruciale, car il s’agit d’un test pour l’approche de l’indépendantisme décomplexé prôné par la frange très militante de la société civile. Depuis 2012, les jeunes bloquistes se sont battus avec beaucoup d’ardeur pour un mouvement politique plus revendicateur, plus clair et davantage centré sur sa raison d’être. Dans quelques mois les Québécois nous en donneront le cœur net.