Des sociétés de façade pour des contrats de recherche militaire à McGill

2015/02/12 | Par Démilitarisons McGill 

Des militant.e.s pour la campagne «Démilitarisons McGill» ont découvert que des professeurs dans le département de génie mécanique de l’Université McGill dirigent des sociétés de façade depuis leurs domiciles, afin de signer des contrats de recherche avec les forces armées canadiennes pour le développement d'explosifs, en évitant toute règlementation, loin de tout regard indiscret.

Un des dits contrats a été obtenu par le biais d'une demande d'Accès à l'information auprès du Département de la défense nationale. Ce document démontre que l'institution étatique s'est procuré un contrat de recherche nommé « Reactivity Study for Gasless System » (Étude de la réactivité pour un système sans gaz) avec la compagnie ZND Inc. Vous pouvez lire les documents obtenus au complet ici :http://www.scribd.com/doc/253896192/ATI-ZND-DRDC-Reactivity-Study-for-Gasless-System

Des archives de cette entreprise démontrent que le professeur mcgillois David Frost est son principal actionnaire et exécutant. Une évaluation foncière de la Ville de Montréal confirme que l’adresse officielle de l’entreprise est aussi celle de la résidence de Frost. Le groupe Démilitarisons McGill a surveillé de près Frost en raison de son engagement dans la recherche impliquant des explosifs thermobariques au sein du groupe mcgillois « Shock Wave Physics » (Physique d'ondes de choc :http://demilitarizemcgill.com/military-research/swpg/).

Les documents nouvellement obtenus énoncent que « ZND Inc. » était chargé de « comprendre et améliorer la performance de mélanges explosifs hétérogènes … qui contiennent des particules métalliques réactives ».  Ce langage désigne des explosifs thermobariques.[1]

En collaborant avec la recherche militaire par le biais de la compagnie ZND, Frost a fui la responsabilité de déclarer si oui ou non la recherche sur les bombes thermobariques avait des conséquences nocives. Une bombe thermobarique « consomme l'air au-dessus de la cible, puis aspire l'oxygène des poumons de tout malheureux ou malheureuse qui ait survécu à la première explosion ».[2]

Le contrat avait été signé en 2009, lorsque la règlementation sur la conduite en recherche en vigueur à McGill déclarait ce qui suit : « les personnes appliquant pour des contrats ou des subventions provenant d'une agence militaire gouvernementale doivent indiquer dans la liste de vérification ou dans le formulaire d'approbation du Bureau de transfert technologique ou du Bureau de subventions de recherche si la recherche en question a des effets nocifs ».[3]

Il existait alors le premier groupe «Démilitarisons McGill» qui, suivant attentivement les liens entre le professeur Frost et le militaire, faisait pression sur l'administration de l'université pour que celle-ci règlemente davantage la recherche militaire.

D'autres archives indiquent que deux autres collègues de recherche de Frost, membres du « Shock Wave Physics Group », le professeur Samuel Goroshin et le professeur Andrew Higgins, gèrent ensemble la compagnie Reactive Energetics Inc., qui est basée dans le domicile de Goroshin. Comme pour ZND Inc., cette compagnie a signé des contrats de recherche avec le Département de la défense.

En 2013, l'entreprise avait soumis un rapport de contrat au «Weapon Systems Section» (Section des systèmes d'armes) de RDDC, soit l'agence de recherche du Département de défense. Ce document traitait sur les technologies de propulsion aérobie, dont l’application sert au développement des missiles hypersoniques et des avions de combat. Les auteurs du rapport sont Goroshin, Higgins et Frost, qui ont été assistés par onze étudiant.e.s au premier et deuxième cycles à McGill.

Les documents démontrent un modèle selon lequel des chercheurs dirigent ce qui sont en effet des sociétés de façade. Les compagnies effectuent des contrats avec le militaire pour des recherches devant être menées à McGill, dans lesquelles des étudiant.e.s participent et se servant des ressources universitaires.

Tout cela est entrepris pour contourner les réglementations sur la recherche en place, pour semer la vigilance de toute personne s'opposant à la recherche militaire, et pour s'enrichir, soutiennent les étudiant.e.s ayant effectué les découvertes.

Cette pratique complique toute procédure pour en savoir plus sur les recherches. Ainsi, les documents émis par McGill en réponse aux demandes d'Accès à l'information concernant les professeurs Frost et Higgins n'incluent pas de référence quelconque aux accords avec les compagnies ZND et Reactive Energetics.

Par ailleurs, le lien avec ces entreprises dévie de toute sanction typique dirigée envers la relation entre l'université et le privé : ces sociétés ne constituent pas un moyen pour commercialiser les fruits de la recherche à McGill et ne peuvent pas être considérées comme des partenaires de recherche industrielle. Leur rôle est plutôt orienté dans l'établissement d'accords avec le militaire, prenant la place de McGill dans ces procédures.

« Le problème n'est pas dans les intentions subjectives des chercheur.e.s, qui de toute façon demeurent inconnues. Ce qui est aggravant est le fait que ces compagnies ont pour effet de protéger les recherches visant le développement d'armes contre les sanctions impliquant l'écart aux règlements à McGill et contre tout examen éthique pouvant être effectué publiquement », déclare un étudiant en troisième année de droit, Kevin Paul.

Lina Rodriguez, étudiante au premier cycle à l’UQAM ajoute: « En permettant que ces collaborations de recherche soient effectuées par le biais des sociétés de façade, McGill admet implicitement qu'elle a encore beaucoup de choses à cacher en ce qui concerne la recherche et le développement d'armes dans le campus ».

Le contrat de recherche obtenu et analysé par «Démilitarisons McGill» est l'un sur au moins neuf contrats que ZND et Reactive Energetics ont signés avec l'Armée canadienne depuis 2009 pour un montant total de 965 058 $, selon des documents portant sur l’approvisionnement gouvernemental. L'accord de plus grande envergure d'une valeur de 252,000 $ est encore actif.

En vertu d'une demande d'Accès à l'information, McGill a nié avoir des documents impliquant la compagnie ZND Inc. Les étudiant.e.s ne prétendent pas avoir découvert tout ce qui concerne les plans des chercheurs. Les entreprises ZND et Reactive Energetics ont été incoporées en 1995 et 2004, respectivement.

Les étudiant.e.s affirment qu'ils/elles ont l'intention d'agir pour faire en sorte que leurs camarades à McGill soient sensibilisé.e.s à l'importance de mettre fin aux pratiques menées par des professeurs dans la faculté de génie et ainsi promouvoir l'engagement de la communauté étudiante.

Le règlement de McGill sur la conduite en recherche implique l'obligation de base pour les chercheur.e.s de « maintenir les plus hauts standards d'honnêteté, d'intégrité et de comportement éthique dans toute recherche ».

*Pour des copies des documents mentionnés plus haut, autres que celui sur la demande d'Accès à l'information, écrivez à demilitarizemcgill@riseup.net.

[1] http://www.mabs.ch/spiezbase/mabs19/Zhang.pdf

[2]http://archive.wired.com/politics/law/news/2003/03/58094

[3]http://www.mcgilldaily.com/2009/11/mcgill_removes_research_regulation/