L’aveuglement volontaire, maladie dégénérative des partisans de PKP

2015/03/06 | Par Pierre Dubuc

Sur le site Vigile,Robert Barberis se porte à la défense d’Andrée Ferretti dont nous avons critiqué les virevoltes politiques dans notre réplique à sa condamnation de notre livre PKP dans tous ses états. (VoirAndrée Ferretti appuie PKP… pour le moment)

Contrairement à Andrée Ferretti, Robert Barberis affirme avoir lu notre livre.

« Et bien moi j’ai lu son livre deux fois et je n’ai pas l’intention de le résumer. Dubuc ne veut pas que Pierre Karl Péladeau devienne chef du Parti québécois et premier ministre du Québec parce qu’il est riche, parce qu’il a joué dur avec les syndicats de ses entreprises, parce qu’il a été obligé de composer avec Harper et continue de composer avec Brian Mulroney. Et parce que paraît-il que si PKP a à choisir entre les intérêts du Québec et le développement de Vidéotron, il choisira le développement de Vidéotron. »

Barberis poursuit en nous accusant de tourner « les coins un peu ronds » quand nous parlons « des péripéties qui ont accompagné la vie et l’évolution de chacune des entreprises de Québecor » en ajoutant qu’il ne « suffit pas de blâmer le propriétaire d’avoir décrété des lock-out ».

Selon lui, nous n’allons «  jamais au fond des choses comme, par exemple, est-il exact de dire que les journaux de Québecor étaient menacés de faillite si les conditions de travail accordées par Pierre Péladeau avaient été maintenues et que l’intransigeance des employés rendait les affrontements inévitables » et que, finalement, PKP ne serait pas l’antisyndical que l’on dit.

Cette thèse est aussi reprise parle blogueur Pierre Duhamel sur le site de L’Actualité qui, après avoir résumé certaines sections de notre livre, reconnaît que PKP a « acheté souvent trop cher » et a connu des échecs retentissants.

Mais, selon Duhamel, « pour sauver son investissement, Pierre Karl Péladeau devait diminuer les coûts d’exploitation de Vidéotron et rehausser la qualité du service, tout en investissant dans la technologie. Il fallait mener une véritable politique d’austérité et diriger la compagnie avec une main de fer. Ce n’était pas une question de choix, mais une nécessité absolue. Voilà qui explique les durs conflits de travail ».


Des investissements qui ont coulé l’entreprise

Nous avons démontré, dans notre livre, que les difficultés financières de Québecor ne relevaient pas de conditions de travail trop « généreuses » accordées à ses employés, mais des investissements inconsidérés de PKP dans QuébecorWorld et Sun Media, de même que le prix exorbitant payé pour l’achat de Vidéotron.

Au tournant du siècle, Québecor World est devenu le plus gros imprimeur commercial au monde. Pendant des années, PKP a acheté des entreprises en faillite pour les retaper, mais il n’a pas su voir qu’il opérait dans un marché en déclin. Le marché l’a rattrapé et Québecor World a fait faillite.

En 1998, enivré par le succès apparent, mais trompeur de Québecor World, PKP met 983 millions $ sur la table pour l’achat de Sun Media et il deviendra le plus important éditeur de journaux au Canada en incorporant à Sun Media, en 2007, les journaux d’Osprey Media, achetée pour 355 millions $.

983 millions $ pour Sun Media, c’était plus du double de l’offre de 411 millions $ sur laquelle son père avait refusé de surenchérir, deux ans auparavant, pour l’achat de la même entreprise, jugeant que c’était trop cher!

Quinze ans plus tard, PKP se départira de Sun Media pour un montant de 316 millions $, soit moins du quart des montants déboursés pour Sun Media et Osprey Media!

Cette absence de vision de PKP a mené Québecor au bord de la faillite. L’entreprise en a été sauvée par l’intervention de la Caisse de dépôt lors de l’achat de Vidéotron, comme l’a expliqué Michel Nadeau, vice-président de la Caisse au moment de la transaction, dans un article de la revue Forces, intitulé « Comment Vidéotron a sauvé Québecor ».

Faire fi des lois du travail québécoises

Venons-en maintenant à l’anti-syndicalisme de PKP. Laissons à ses partisans le soin de « justifier » sa décision, lors du déclenchement du lock-out à Vidéotron, de « vendre » 664 techniciens à une firme sous-traitante, de passer à la tronçonneuse les conventions collectives chez Vidéotron, au Journal de Québec et au Journal de Montréal, d’avoir été responsable, à travers 14 lock-out, de 38,9% des jours-personnes perdus dans le secteur privé au Québec au cours de la décennie 2000-2010.

Allons donc « au fond des choses », comme nous y invite Robert Barberis, au-delà de « il a joué dur avec les syndicats de ses entreprises », et attardons-nous plutôt à son attitude générale à l’égard des lois du travail au Québec.

Vice-président aux ressources humaines chez Québecor, il a décrété, en 1993, alors que l’entreprise était en bonne santé financière, un lock-out à l’imprimerie du Journal de Montréal et a installé des presses dans la ville de Cornwall pour contourner la loi québécoise anti-briseurs de grève.

Son père l’a relevé de ses fonctions, a réglé avec ses employés, et a expédié PKP en Europe.

PKP a aussi eu recours à des briseurs de grève, lors des conflits chez Vidéotron, au Journal de Montréal et au Journal de Québec, et s’est férocement opposé, comme nous le démontrons dans notre livre, à toute modernisation de la loi anti-briseurs de grève.

Dans un texte qu’il a fait paraître, en janvier 2010, dans le Journal de Montréal, PKP a pris position contre la formule Rand, contre la création d’une unité d’accréditation par la signature de cartes d’adhésion, comme c’est le cas actuellement, et a même demandé que les prestations de grève soient imposées fiscalement.

Depuis son adhésion au Parti Québécois, il a refusé systématiquement de revenir sur ces positions ouvertement antisyndicales, qu’il partage avec l’Institut économique de Montréal, le Réseau Liberté Québec et les radios-poubelles de la vieille capitale.

Partagez-vous ces positions, Monsieur Barberis?

« Composer » avec Harper et Mulroney

Barberis excuse PKP en disant « qu’il a été obligé de composer avec Harper et continue de composer avec Brian Mulroney ».

Il a fait plus que « composer » avec les deux hommes. Pour diriger la chaîne de télévision Sun News, PKP a embauché Kory Teneycke, l’ancien directeur des communications de Stephen Harper, et les journaux de Sun Media et Sun News ont appuyé sans réserve les pires politiques du gouvernement Harper.

La veille du dernier scrutin fédéral, les journaux de Sun Media publiaient en page frontispice une photo de Stephen Harper avec le titre « He’s our man ». En 2004 et 2006, PKP a contribué à la caisse électorale du Parti Conservateur, de ce « grand ami du Québec » qu’est Stephen Harper.

Peut-on résumer cela à « composer » avec Stephen Harper?

Les relations entre PKP et Brian Mulroney dépassent également le cadre de simples relations d’affaires épisodiques. Brian Mulroney est un ami de longue date de la famille Péladeau. Il est même le parrain du jeune Thomas du couple Péladeau-Snyder.

C’est Mulroney qui a introduit PKP auprès de Stephen Harper, mais qui l’a aussi chaperonné lors d’activités de l’élite économique nord-américaine, où il a frayé avec les Paul Desmarais, Conrad Black, David Koch, George Bush senior et plusieurs autres.

Aujourd’hui, Brian Mulroney est président du Conseil de Québecor et en dirige les destinées. L’avenir de l’entreprise dépend en grande partie de décisions du CRTC et du gouvernement Harper.

Peut-on résumer cela à « composer » avec Brian Mulroney, Monsieur Barberis?

Robert Barberis déclare avoir lu « deux fois » notre livre mais, manifestement, il a sauté plusieurs pages.

L’aveuglement volontaire

Les partisans de PKP font part d’un aveuglement volontaire absolument incroyable. Ils voudraient qu’il soit couronné sans qu’il y ait de débat (Richard Le Hir), lui recommandent de se taire pour éviter les faux pas (Andrée Ferretti), ou veulent limiter ses interventions à certains thèmes présélectionnés.

Ainsi, son organisateur, le député de Matane Pascal Bérubé, nous prévenait,le 9 février dernier, que PKP concentrerait ses interventions sur trois thèmes, l’économie, l’éducation et l’environnement, et que le candidat entend se tenir loin des débats sur l'identité comme la charte des valeurs et la refonte de la loi 101.

Le problème est que les militants du Parti Québécois n’ont pas à élire un ministre de l’économie, de l’éducation ou de l’environnement, mais un futur premier ministre qui aura à se prononcer sur tous les sujets.

On en vient donc, tout naturellement, à se demander si l’aveuglement volontaire des partisans de PKP ne témoigne pas de leur peu de confiance dans les talents de politicien de leur poulain.