Premier débat : PKP avait des airs de Boisclair

2015/03/13 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Au cours de ce premier débat de la course à la chefferie 2015, le candidat Pierre Karl Péladeau nous rappelait le candidat André Boisclair de la course à la chefferie 2005, l’art oratoire en moins.

Comme Boisclair en 2005, PKP, se sentant confortablement en avance dans les sondages, s’est fait un point d’honneur d’éluder des questions essentielles pour que les militantes et les militants du Parti Québécois puissent faire un choix réfléchi.


Syndicalisme et social-démocratie

Les questions étaient d’autant plus pertinentes et justifiées qu’elles faisaient référence à l’exposé de politique « Propulser notre économie pour réussir » que le candidat PKP avait rendu public la veille.

Dans ce document, PKP proclame la nécessité de « prendre les mesures requises pour continuer d’atténuer l’opposition historique entre capital et travail » et de « s’intéresser à l’évolution des modèles de concertation dans les pays scandinaves, l’Allemagne et le Japon ».

Nous aimerions bien pouvoir applaudir ce virage à 180 degrés de celui qui, à la tête de Québecor, a été responsable de 38,9 % des jours-personnes perdus en grève ou lock-out dans le secteur privé entre 1990 et 2000, mais nous demandons de voir à quel point ses positions sur le mouvement syndical ont évolué.

Par le passé, il s’est prononcé contre la modernisation de la loi anti-briseurs de grève, contre la formule Rand, pour le vote obligatoire pour l’accréditation syndicale, et pour l’imposition fiscale des prestations de grève.

Son refus de répondre à la question de Martine Ouellet sur la loi anti-briseurs de grève est de mauvais augure.

De même, son insistance, dans son document, sur le modèle allemand n’est pas non plus rassurant quant à son adhésion à la social-démocratie. Le modèle allemand est en crise. Le taux de syndicalisation a chuté drastiquement au cours des dernières années, et la représentation à l’instance de la concertation, le conseil d’entreprise, est celle des salariés et non des syndicats.


Paradis fiscaux et évitement fiscal

S’appuyant sur des déclarations de l’expert international Alain Deneault, le candidat Pierre Céré a soulevé à bon droit la question de l’utilisation des paradis fiscaux par Québecor, puisque PKP a lui-même mis le sujet à l’ordre du jour. « Travailler sur les mesures visant à accélérer la lutte à l’évasion fiscale et aux paradis fiscaux », fait partie du titre du chapitre 3 du document de PKP.

Après avoir refusé de répondre lors du débat, PKP a affirmé, lors du point de presse qui a suivi, que « Québecor sous ma direction n’a jamais eu de filiale dans des paradis fiscaux », tout en précisant que « l’État du Delaware, où sont incorporées des filiales de Québecor, ne constitue pas un ‘‘ paradis fiscal’’ mais une tête de pont pour le marché américain » (Le Devoir, 12 mars 2015).

Dans l’entrevue qu’il a accordée à Marie-France Bazzo, Alain Deneault mentionnait le Panama, la Barbade et le Luxembourg comme États avec des « législations de complaisance » où Québecor aurait également eu des filiales. Le débat est à suivre.

Dans son document, PKP proclame qu’il « faut prendre les mesures appropriées afin que tous paient leurs impôts et ne puissent utiliser des échappatoires ou des schémas d’optimisation fiscale pour esquiver leurs responsabilités sociales et fiscales ».

Pierre Céré a évoqué, dans son intervention, les gains en capital résultant d’options d’achat d’actions, imposés à seulement 50%, contrairement aux salaires des travailleurs qui sont imposables à 100 %. Il aurait été intéressant que cela se traduise par une question à PKP qui, en 2013, a touché, de ses revenus totaux de 8 282 487 $, une somme de 1 430 000 $ d’options d’achat d’actions.

Dans La Presse du 12 mars, les chercheurs de l’IRIS démontrent que 85% des gains en capitaux sont déclarés par seulement 0,2% des contribuables québécois et que l’abolition de ce privilège fiscal amènerait 628 millions $ de plus dans les coffres de l’État.

Est-ce que cela fait partie des « mesures appropriées afin que tous paient leurs impôts » dont PKP se fait l’avocat? Les candidats auront sans doute l’occasion d’y revenir.


Priorité à l’économie ou à la souveraineté ?

Évidemment, pour les souverainistes, l’enjeu majeur et sous-jacent aux débats des chefs est leur position sur la marche à suivre pour accéder à l’indépendance. Chacun a eu l’occasion de rappeler sa position et Bernard Drainville a été le plus actif en critiquant la position d’un Alexandre Cloutier qui, reprenant l’idée d’un référendum d’initiative populaire sur la souveraineté sans le nommer, veut recueillir un million d’inscriptions dans un registre avant de déclencher un référendum.

Drainville a aussi voulu entraîner PKP dans un débat sur l’action d’un gouvernement péquiste dans l’hypothèse où il serait inapproprié de tenir un référendum, en lui demandant s’il était prêt à utiliser des fonds publics pour faire la promotion de l’indépendance.

Les partisans de PKP s’attendaient sans doute à ce qu’il réponde qu’il tiendrait un référendum dans un premier mandat, mais il a plutôt déclaré qu’il confierait le mandat de la promotion de l’indépendance à son futur Institut québécois de recherches appliquées sur l’indépendance.

En fait, si les partisans de PKP avaient lu attentivement le document « Propulser notre économie pour réussir », ils auraient constaté que PKP ouvre la porte au report du référendum après la redynamisation de l’économie québécoise.

Dans la préface du document, il est écrit : « Avec de meilleurs emplois, un effort soutenu pour la création de nouvelles PME notamment en régions et de plus grandes entreprises, le Québec deviendra plus fort. C’est cette force qui contribuera à briser les campagnes de peur encore récemment entretenues par les tenants du régime fédéraliste. Face à une économie québécoise plus vigoureuse que l’économie canadienne, les arguments trop simplistes des fédéralistes ne tiendront plus. Les récentes offensives indépendantistes en Écosse et en Catalogne confirment qu’une économie nationale forte favorise le soutien à un projet d’indépendance nationale ».

Les nationalistes se divisent en deux camps. D’un côté, ceux qui croient qu’il faut faire l’indépendance pour développer l’économie. De l’autre, ceux qui affirment qu’il faut que le Québec soit plus fort économiquement afin de pouvoir faire l’indépendance.

François Legault a d’abord été un des plus chauds apôtres de la première option, avant de basculer dans la seconde. On peut légitimement se demander dans quel camp se situe PKP.

Legault fait également un prérequis de l’assainissement des finances publiques. Il n’est pas sans intérêt de constater que PKP a refusé, lorsqu’interrogé par Drainville, de se prononcer sur le report d’une année de l’atteinte du Déficit zéro.


Des propositions du SPQ Libre reprises

Soulignons, en conclusion, la qualité des interventions de l’ensemble des candidats pour déculotter l’argument de la péréquation et faire la promotion de l’indépendance. Nous y avons reconnu plusieurs des analyses développées dans le cadre des États généraux pour la souveraineté, telles que colligées dans le livre Forger l’avenir.

Il nous faisait particulièrement chaud au cœur de voir une belle unanimité en faveur de l’électrification des transports, une proposition que seul le candidat du SPQ Libre, Pierre Dubuc, avait mis de l’avant lors de la course à la chefferie de 2005. Le summum était d’entendre Bernard Drainville faire sien le projet de monorail, une proposition que nous avons défendue au sein du Parti Québécois.