Deux ans de lockout et de résistance

2015/03/26 | Par Paul-André Lapointe

L’auteur est professeur en relations industrielles à l’Université Laval

Les employés de garage au Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ), affiliés à la CSD, ont en février 2013 rejeté à 99 % les demandes patronales qui leur étaient soumises parce qu’elles représentaient un recul majeur dans leurs conditions de travail.

Ayant ainsi osé résister à la dégradation de la qualité de leur emploi, leurs employeurs, regroupés dans la Corporation des concessionnaires du SLSJ, ont déclaré un lockout général pour les forcer à accepter des conditions de travail inférieures à celles qu’ils avaient réussi à négocier et à consigner dans leurs conventions collectives.

Ce lockout, qui dure depuis deux ans, a mis sur le trottoir 450 salariés travaillant pour 26 concessionnaires. Il n’y a pas vraiment eu de négociations depuis le début du lockout, et les deux tentatives de conciliation se sont soldées par un échec.

Les employeurs demandent des assouplissements majeurs à la clause protégeant les salariés contre la sous-traitance. Ils font la promotion d’un nouveau modèle d’affaires en se concentrant sur la vente d’automobiles neuves et en ayant principalement recours aux garages indépendants pour la réparation et l’entretien des véhicules. Ils veulent également revenir à un horaire de 40 heures par semaine réparties sur cinq jours de travail.

En l’an 2000, les employés de garage du SLSJ, misant sur le précédent établi un an plus tôt par leurs collègues de Québec, ont réussi à réduire la durée hebdomadaire du travail à 36 heures, réparties sur quatre jours. Les employeurs souhaitent enfin introduire un statut de salarié à temps partiel, dans un secteur où 95 % des emplois sont à temps plein. L’emploi est donc au coeur du lockout.

L’acceptation du projet patronal de convention collective serait susceptible d’entraîner la suppression d’un emploi sur trois parmi les syndiqués. La qualité des emplois est également en cause. En effet, avec la sous-traitance, il s’agit de remplacer des emplois syndiqués bien rémunérés par des emplois non syndiqués mal rémunérés et jouissant d’une faible qualité.

L’enjeu, c’est la sous-traitance économique recherchée en vue de réduire les coûts de main-d’oeuvre. Un mécanicien d’automobile, pleinement qualifié, gagne 33,81 $ l’heure chez un concessionnaire, tandis que lorsqu’il travaille dans un garage indépendant, régi par un décret, il gagne 22,51 $ l’heure, soit un différentiel de 33 %. Sans compter qu’il n’a pas de fonds de pension ni d’autres avantages sociaux.

Le lockout des concessionnaires du SLSJ est tout à fait en phase avec la nouvelle dynamique des relations du travail au Québec. Pendant que l’intensité des arrêts de travail a considérablement diminué depuis les années 1970 et 1980, l’importance des lockouts n’a cessé de croître. Au cours des 15 dernières années, le nombre de jours-personnes perdus par 1000 travailleurs pour cause d’arrêt de travail a chuté de 200 à 100, pendant que la part relative des lockouts dans l’ensemble des arrêts de travail a bondi de 20 à 65 %.

Le lockout des concessionnaires du SLSJ fait en outre partie du palmarès des principaux lockouts que le Québec a connus ces dernières années. Il est en passe de devenir le plus long lockout d’importance que le Québec ait vécu. Selon les données les plus récentes du ministère du Travail en date du 5 mars dernier, les travailleurs des concessionnaires du SLSJ mis en lockout représentent 75 % de tous les travailleurs en arrêt de travail. Il s’agit de loin du plus grand conflit de travail en ce moment.



Photo : lelacstjean.com