Le débat Garber-PKP sur les performances financières de Québecor

2015/04/01 | Par Pierre Dubuc

Coup de tonnerre à l’émission Tout le monde en parle (TLMP) du 29 mars dernier. Interrogé par l’animateur Guy A. Lepage sur la venue en politique de Pierre Karl Péladeau, l’homme d’affaires Mitch Garber, président de Caesars Acquisition Company et investisseur à l’émission Dans l’œil du dragon, n’y est pas allé avec le dos de la cuiller.

Après avoir précisé que son opinion n’avait rien à voir avec sa position constitutionnelle, il a déclaré : «L’économie du Québec, c’est mon économie. Pierre Karl, pour être franc avec vous, depuis qu’il est PDG ou l’actionnaire majoritaire de Québecor, la performance est très mauvaise. C’est l’un des pires taux de croissance dans le domaine des communications ou des médias au Canada et en Amérique du Nord »

«C’est important pour moi de dire aux gens que ce n’est pas parce qu’il porte le nom de Péladeau qu’il est un excellent PDG. Je veux juste qu’il gère mon économie mieux qu’il a géré Québecor depuis que son père est mort. C’est tout.»

Le lendemain, Québecor émettait un communiqué pour « rectifier les faits » suite aux « propos mal avisés de Mitch Garber à TLMEP ». L’entreprise faisait ressortir que, pour la période 1999 à 2014, la croissance du bénéfice d’exploitation était « de plus de 80 %, passant de 770 millions $ à plus de 1,4 milliard $ ».

Le communiqué ajoutait que, selon des sondages Léger Marketing, Vidéotron était « l’entreprise la plus admirée des Québécois » et détenait le titre de « meilleur détaillant en télécommunications » et que le Journal de Montréal était le « numéro un à Montréal » et que « TVA demeure le réseau le plus regardé au Québec ».


Une réplique lapidaire

La réplique de Mitch Garber a été lapidaire. Il ne s’est pas attardé à rappeler que Jean-Marc Léger, pdg de Léger Marketing, siégeait au conseil d’administration de Québecor, ni que les revenus du secteur médias, soit le Journal de Montréal, le Journal de Québec et TVA, étaient en déclin.

Dans un tweet, il a tout simplement souligné que le communiqué de Québecor ne répondait pas à ses propos et il a publié deux tableaux du « Marché de la croissance des capitaux » pour les années 2000-2013.

Le premier comparait la croissance des entreprises des télécommunications et des médias. La croissance était la suivante : Telus (248%); Rogers (197%); Shaw (59%); Bell (25%) et Québecor (8%).

Le deuxième tableau comparait la croissance des principales entreprises québécoises. La croissance était la suivante : Couche Tard (2800 %); Saputo (624%); Metro (603%); Jean-Coutu (132%) et Québecor (8%).


Sans la Caisse et Harper, que serait Québecor?

Dans son communiqué, Québecor expliquait que le succès de Vidéotron en téléphonie mobile était la principale raison de la croissance de la valeur de son action au cours de la dernière année.

Cela confirme l’analyse développée dans notre livre PKP dans tous ses états et dans de récents articles.

Vidéotron est la vache à lait de Québecor. Déjà, en l’an 2000, son acquisition, avec l’aide du plus important investissement de son histoire de la Caisse de dépôt et placement du Québec, avait littéralement sauvé Québecor de la faillite, comme l’a affirmé Michel Nadeau, le vice-président de la Caisse lors de la transaction, dans un article de la revue Forces intitulé « Comment Vidéotron a sauvé Québecor ».

La croissance récente de Québecor est due en grande partie aux politiques du gouvernement conservateur de Stephen Harper qui a accordé un traitement de faveur aux petites entreprises de télécommunications, lors des enchères du spectre, afin qu’elles puissent concurrencer les trois grands que sont Bell, Telus et Rogers. Au Canada, les trois grands ont plus de 25 millions d’abonnés, comparativement à 630 000 pour Vidéotron.

Dernièrement, Vidéotron a obtenu quatre licences pour un montant de 31,8 millions $ pour couvrir 100% de la population québécoise et celle de la région d’Ottawa.

Le gouvernement fédéral a encaissé 2,1 milliards $ pour cette vente de spectre aux enchères. Mais les revenus auraient été beaucoup plus importants, s’il n’avait pas privilégié les petits joueurs. Ces derniers n’ont payé que 11 cents le megahertz, alors que Telus a déboursé 3,02 $ et Bell 2,96$ le megahertz. Des représentants de Bell ont calculé que Vidéotron avait ainsi bénéficié d’une subvention de 857 millions $.

Nous n’avons pas la naïveté de croire que de telles faveurs accordées par Ottawa à Vidéotron ne sont motivées que par le désir d’assurer le développement d’une « saine concurrence » dans le marché de la téléphonie.

Cette décision du gouvernement Harper est à mettre en relations avec les déclarations de PKP remettant en question « la pertinence du Bloc Québécois » et, lors du dernier débat, en faveur de l’oléoduc d’Énergie Est de TransCanada, deux déclarations « retour d’ascenseur » à Stephen Harper.


Une gestion aventureuse, hasardeuse et troublante

La piètre performance financière de Québecor est à mettre en liens avec les nombreuses décisions d’affaires aventureuses de PKP qui ont mal tournées.

  1. La faillite de Québecor World en 2008. Québecor était devenu le plus important imprimeur commercial au monde en achetant, dans un marché en déclin, des imprimeries en faillite qu’il remettait sur pied. Le marché l’a rattrapé.

  2. La vente en 2014 de l’empire Sun Media pour moins du quart du prix déboursé pour son acquisition. Il a liquidé pour seulement 316 millions $ une entreprise acquise au coût de 1 338 millions $, soit 983 millions $ pour Sun Media en 1998 et 355 millions $ pour Osprey Media en 2007.

  3. La liquidation de Sun News. PKP a récemment débranché la prise du réseau de télévision Sun News, après quatre années d’opération, et un déficit accumulé d’environ 50 millions $.

D’autres décisions sont en suspens.

  1. Vision Globale. Des actionnaires minoritaires – en l’occurrence Jarislowsky Fraser – trouvent que la somme payée – 118 millions $ – est trop chère pour une entreprise qui était au bord de la faillite.

  2. La télédiffusion des matchs de hockey à TVA Sports. La première année s’est soldée par une perte d’environ 20 millions $.

Mais il y a eu un « bon coup » : l’amphithéâtre de Québec.

Après avoir échoué à faire l'acquisition des Canadiens de Montréal et du Centre Bell, PKP a manœuvré pour faire construire un amphithéâtre à Québec en faisant miroiter la venue – hautement improbable – d’une équipe de hockey de la LNH et il s’est fait confier la gestion du nouvel amphithéâtre pour la modique somme de 33 millions $, refilant la facture de la construction de l’édifice à l’ensemble des contribuables québécois (200 millions $) et aux contribuables de la Ville de Québec (187 millions $).

Les clauses du contrat liant Québecor à la ville de Québec sont si particulières que PKP et le maire Labeaume ont fait des pieds et des mains pour que l’Assemblée nationale vote une loi pour mettre l’entente à l’abri des poursuites judiciaires.

Denis de Belleval, ancien directeur de la ville de Québec et ancien ministre dans le cabinet de René Lévesque, a analysé le contrat et a évalué à 40 millions $ le cadeau des contribuables québécois à PKP!

Il serait plus que temps que les autres candidats à la chefferie du Parti Québécois et les journalistes de la section Affaires des médias s’intéressent de près à la gestion de Québecor par celui qui nous demande de lui confier les finances du Parti Québécois et du Québec!