Richard Martineau et la « danse du bacon »

2015/04/03 | Par Martin Lachapelle

La chasse aux manifestants du printemps 2015 est ouverte depuis à peine deux semaines et les étudiants en grève s’en prennent plein la gueule. Au sens propre comme au figuré. Dans la rue, les médias et les réseaux sociaux, pas de pitié pour les manifestants. Même pas pour une jeune étudiante blessée sauvagement maintenant victime de cyber-intimidation.

Bien que cette saison de chasse digne du Far-West pourrait être moins longue que prévue, suite au sage repli stratégique proposé par l’ASSÉ, certains chasseurs de primes, comme Richard Martineau, ont toutefois déjà largement dépassé leurs quotas d’« enfants révoltés ». Yeeeee-haaaaa!

On savait déjà que le timing n’était pas aussi favorable qu’en 2012 pour la tenue d’un autre long printemps érable mouvementé déclenché par une grève dans le mouvement étudiant.

Malgré les effets néfastes et bien réels qu’auront les compressions en éducation et les autres mesures du budget libéral sur l’augmentation des inégalités, une grève contre l’austérité pour forcer le gouvernement à annuler les coupures et réinvestir dans le système public n’est évidemment pas aussi « vendeur » que de mobiliser les étudiants contre une méga hausse des frais de scolarité.

Plus personne ne pourra toutefois accuser les étudiants en grève d’être nombrilistes, puisque leurs revendications contre les projets d’hydrocarbure (pipelines) et les mesures d’austérité (éducation, santé, CPE, régimes de retraite…) s’inscrivent, au nom du bien commun, dans la défense des services sociaux, de l’environnement et des futures générations.

Autres éléments défavorables, le déclenchement précipité d’une grève étudiante et d’un appel à une grève sociale générale avant même l’arrivée des alliés syndicaux prévue pour l’automne, sans compter que le gouvernement libéral commence son mandat et dispose donc d’un meilleur rapport de force qu’en 2012.

Ajoutez à cela une répression policière encore plus musclée difficile à expliquer, puisque les policiers, au même titre que d’autres employés de la fonction publique, affichent eux-mêmes partout leur opposition à des mesures d’austérité touchant injustement leur régime de retraite qu’ils n’ont effectivement pas volé.


Richard Martineau : champion chasseur

Difficile de prédire si les administrations des cégeps et des universités vont réussir à atteindre les quotas d’expulsions d’au moins 2 ou 3 étudiants « perturbateurs » par jour de grève suggérés par le Sheriff au ministère de l’Éducation, François Blais.

Mais on peut d’ailleurs déjà couronner Richard Martineau champion chasseur de manifestants du printemps 2015, dans la catégorie « trash média », avec une dizaine d’articles contre la grève étudiante en moins de 2 semaines!

Tellement vite sur la gâchette ce Martineau, qu’il a même dégainé sur des manifestants imaginaires créés délibérément pour conforter la droite réactionnaire dans ses préjugés.

Bon poisson d’avril en avance collé au dos du couple Martineau-Durocher de la part d’un étudiant fictif en socio appelé Léon!

Martineau a également tiré sur les profs et les parents solidaires des étudiants en grève.

Des « faux-jeunes », selon le vieil adage totalement déconnecté de la réalité voulant que les gens de plus de 40 ans encore de gauche seraient devenus dingues et immatures.

Alors que le véritable anachronisme, en 2015 est plutôt de penser que le néolibéralisme de la droite individualiste représente encore aujourd’hui l’avenir de l’humanité.


Les « alliés » paternalistes de la jeunesse étudiante

Belle vision surtout pas paternaliste et condescendante que celle du ministre de l’Éducation François Blais et sa métaphore infantilisante du bon père de famille employée durant une entrevue à la radio, pour illustrer son appel aux quotas et à une « gradation des sanctions ».

« On fait ça avec les enfants. Quand on veut corriger leurs comportements, on ne dit pas, du jour au lendemain : “ Va dans ta chambre, tu n’auras pas de souper. ” On commence par leur dire : “ Écoute, il va y avoir une sanction pour ce que tu as dit à ta mère, etc. ” ».

Tout un bon père de famille nationale raisonnablement autoritaire, ce François Blais. Surtout devant la violente répression policière :

« On t’aime beaucoup ma p’tite chouette, mais si tu vas jouer en plein milieu de la rue en criant trop fort avec tes p’tits amis, ben… Papa François, au lieu de t’envoyer dans ta chambre ou de te priver de souper, ce qui serait une punition beaucoup trop sévère, n’aura pas le choix de laisser tes gardiennes policières les plus zélées te tirer une balle de fusil lance-gaz en pleine face, à bout portant, avant de te poivrer ben raide avec du poivre de Cayenne.

Car c’est pour ton bien, Naomie, même si c’est une punition un peu ‘‘incorrecte’’ qui fait bobo. »

De son côté, l’autre super papa sociétal digne d’un prix citron remis par la DPJ, Richard Martineau, propose la stratégie d’ignorer les p’tits enfants tannants, en rêvant à une « Manif dans le beurre ».

C’est-à-dire une manif sans règlement P-6, sans police et sans journaliste, car il pense que les manifestants contre l’austérité et les projets d’hydrocarbure se comportent comme une bande de bébés pleurnichards en manque d’attention et rentreraient ensuite rapidement à la maison :

« C’est comme un enfant qui fait la danse du bacon dans la rangée des biscuits au IGA. Plus tu essaies de le raisonner, plus il crie et donne des coups de pieds. Mais si tu le laisses là et que tu continues tranquillement tes courses dans le rayon des fruits et légumes comme si de rien n’était, bingo, il se calme. C’est la magie de l’indifférence. »

Martineau aurait-il manqué d’attention après avoir été abandonné à l’épicerie dans le rayon des biscuits, durant son enfance, parce qu’il s’amusait à faire cette fameuse « danse du bacon » dont parle aussi Patrick Lagacé (l’emmerdeur auto-proclamé des Tout-puissants toujours en vacances) ?

Ça pourrait peut-être expliquer pourquoi Martineau, qui a vieilli prématurément en entrant au Journal de Montréal après la grève étudiante de 2005 (qu’il a appuyée sans parler de boycott et sans infantiliser les étudiants), fuit maintenant la jeunesse pour se réfugier dans le rayon des fruits, mais surtout des légumes, en nous livrant ses chroniques par amour des navets.

Et par amour pour la « danse du bacon ». Celle qui, en vieillissant, consiste peut-être à se dépouiller de ses valeurs collectivistes pour danser sur la table de l’individualisme néolibéral d’une droite médiatique anachronique.

Chose certaine, avec des « alliés » comme Martineau, des ministres banquiers et un premier ministre libéral ayant déjà placé de l’argent dans un paradis fiscal, la jeunesse d’aujourd’hui sacrifiée sur l’autel de l’austérité profitable au 1 % de riches fortunés n’a officiellement plus besoin d’ennemis.

Pis ça prétend être de meilleurs alliés pour la jeunesse que les syndicats, qui défendent pourtant un système public profitant à tous et des jobs décentes que les jeunes pourront un jour occuper. Si la droite néolibérale en faveur de l’austérité des libéraux et de la CAQ ne réussit pas à démolir le filet social pour mieux le vendre à rabais à ses amis du privé.