Le radotage de Martineau sur les fachos

2015/04/10 | Par Martin Lachapelle

Les couvertures médiatiques des grèves étudiantes se suivent et se ressemblent pour Richard Martineau depuis son arrivée au Journal de Montréal. Peu importe les porte-paroles ou les revendications du mouvement étudiant. On pourrait presque faire un copier-coller de ses textes de 2012. Car Martineau, trois ans plus tard, se complait toujours autant dans le sensationnalisme, la mauvaise foi et la généralisation grotesque pour discréditer les opposants au gouvernement qu’il qualifie à nouveau de fachos.

Avez-vous déjà lu l’article « Les fachos » publié en 2012 ? Un texte dans lequel il demandait aux manifestants de dénoncer les dérapages d’une infime minorité d’éléments jugés radicaux ? Pas la peine de vous taper cet article si vous ne l’avez pas lu. Puisque Martineau vient de sortir un remake intitulé : « Les petits fachos ».

Pardon ? Oui, on parle du même Martineau qui a récemment affirmé que Jacques Parizeau radotait.

Je précise aussi que ce conte manichéen ne dit pas si les « petits fachos » de 2015 sont moins dangereux que les simples « fachos » de 2012. Tout comme il ne précise pas plus qui personnifie le « gros » facho dans tout ça. Puisque Martineau est l’incarnation même du propre de l’idéologie : l’enfer, c’est les autres.

On pensait que Martineau, qui n’en est pas à un galvaudage de mot près, avait eu le temps de lire les définitions de « fascisme » et de « facho » avant d’affubler à nouveau les grévistes étudiants de cette étiquette. Ce n’est visiblement pas le cas.

On ne peut donc pas lui en vouloir d’ignorer le fait que les définitions de fascisme et de facho parlent essentiellement de partisans d’un régime « autoritaire, conservateur et réactionnaire ». Même si ces deux définitions lui vont pourtant comme une belle paire de gants.

Mais on devrait peut-être l’informer que les manifestants de la « gogauche », qui luttent contre les mesures d’austérité et les projets d’hydrocarbure en tentant simplement de faire respecter les votes de grève, ne forment pas le gouvernement…

En attendant qu’il finisse par ouvrir un dictionnaire, c’est quand même assez ironique que Martineau, qui voterait probablement pour le Front national de Marine Le Pen s’il vivait en France, puisse songer à traiter quiconque de facho…

Enflure verbale et comparaisons ridicules

Le climat de cette grève étudiante risquant de déboucher sur une crise sociale commence à s’envenimer sérieusement. Les faiseurs d’opinion de la droite néolibérale opposés aux manifestants, tel que Martineau, contribuent d’ailleurs activement à faire déraper le débat en tentant de créer une psychose générale.

Si personne ne saurait jamais cautionner des dérapages improductifs commis par une infime minorité de manifestants, comme des actes de vandalisme, il y a quand même des limites à faire des comparaisons entre des levées de cours visant à faire respecter des votes de grève et… les agissements des nazis!

Sauf pour Richard Martineau.

Nazis et étudiants faisant des levées de cours (qui ne devraient même pas avoir lieu si tout le monde respectait les votes de grève), même combat ?

Rendu là, j’imagine que vous ne serez pas surpris d’apprendre que Martineau a également fait un rapprochement avec la tuerie de Polytechnique :

« Il est quand même inconcevable que 26 ans après Polytechnique, il y a encore des imbéciles qui croient que c’est une bonne idée d’entrer dans une classe en portant un masque, en criant à pleins poumons et en insultant les élèves. »

Euh, Richard, désolé de te donner le punch du film de Denis Villeneuve, que tu n’as visiblement pas encore eu le temps de voir 6 ans après sa sortie, mais Marc Lépine ne s’est pas présenté dans une classe de l’école Polytechnique pour faire une levée de cours.

Ben non, voyons. Y’était pas assez malade pour ça! Tu sauras, mon Richard, que Marc Lépine est juste entré, comme ça, tout bonnement, sans crier comme un perdu et sans même porter de masque. Non Lépine n’était pas un dangereux « concombre masqué ». Lui, son fun, c’était plutôt de porter une arme. Un détail. Pourquoi ? Bah, juste pour commettre un attentat terroriste antiféministe.

Bon, je sais que tu n’aimes pas trop les féministes, mais tu sauras aussi que les « commandos » de terrifiants « concombres masqués » qui vont lever des cours, comme tu les qualifies, sont parfois plus constitués de « Rambettes » que de « Rambos ».

Mais bon. On commencera pas à s’attarder à des détails comme ça, n’est-ce pas?


Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Dans son article « Les petits fachos », Martineau nous livre ainsi une superbe démonstration de projection et de mauvaise foi en affirmant que les « brutes » de la « gogauche » conçoivent la vie selon une interprétation manichéenne :

« Dans leur petite tête confuse, le monde est divisé en deux: ceux qui sont avec eux et ceux qui sont contre eux. Exactement comme George W. Bush. »

On parle bien du même Bush, l’ancien cow-boy de la Maison-Blanche ? Le type légèrement arrogant, autoritaire, simple d’esprit et réactionnaire ? Le président républicain vendu aux intérêts pétroliers et de la droite néolibérale du 1 %, qui n’avait rien à foutre de l’accroissement des inégalités sociales ou de la destruction de l’environnement ?

Bref, un gars avec qui « l’anti-gogauche » Martineau n’a finalement rien à voir…

Alors le vertueux Martineau imagine probablement qu’il est bien placé pour reprocher aux étudiants en grève de ne pas dénoncer les dérapages commis par une infime minorité, sous peine d’être tous mis dans le même paquet.

C’est-tu beau le sens des nuances!

Or, Martineau a-t-il dénoncé le graffiti haineux suggérant le viol brutal de l’ex porte-parole de l’ASSÉ ?

A-t-il dénoncé le fait qu’un auditeur d’une radio-poubelle a suggéré de tirer à vue sur les manifestants ?

A-t-il dénoncé LES pages Facebook de cyber-intimidation contre l’INOFFENSIVE manifestante blessée sauvagement au visage par un tir à bout portant de fusil lance-gaz ?

A-t-il dénoncé la récupération vraiment honteuse du concept « Je suis Charlie » par des partisans du policier fautif en question ayant créé la page « Je suis matricule 3143 » ?

On rappelle que « Je suis Charlie » était un appui à la liberté d’expression et une dénonciation de l’intolérance par la violence. Soit tout le contraire de ce que ce policier incompétent a fait en violant le protocole d’utilisation d’une arme dangereuse pour blesser sauvagement une manifestante pacifique et la priver de sa liberté d’expression.

Martineau a-t-il dénoncé les autres pages toutes aussi dingues qui appuyaient les dérapages policiers et lançaient des incitations à la haine contre les manifestants ? Comme celle qui incitait « à shooter les étudiants dans la face » ?

À défaut de prêcher lui-même par l’exemple, car tout le monde sait que la dénonciation bien ordonnée de dérapages, à l’instar de la charité bien ordonnée, commence par soi-même, Martineau a-t-il demandé aux opposants de la grève étudiante de dénoncer LEURS propres dérapages ?

A-t-il demandé à UN seul de ses amis carrés verts de le faire, pour ne pas être tous mis dans le même paquet ?

Ben non, voyons.

À quoi bon ?

Depuis quand les « Gentils » doivent-ils prêcher par l’exemple et rendre des comptes aux « Méchants » manifestants contre le gouvernement ?

Comme quoi Martineau n’est surtout pas facho...