Couillard et la «Harperisation» de l’information

2015/04/28 | Par Martin Lachapelle

Philippe Couillard ressemble de plus en plus à Stephen Harper pour son obsession de contrôler l’information transmise à la population par les fonctionnaires, les élus et les « mauvais » médias qui ne font pas partie de son fan-club. Sa dernière crisette concernant deux nouvelles embarrassantes commentées par à peu près tous les médias sauf La Presse en est un exemple éloquent.

L’obsession contrôlante du premier ministre conservateur Stephen Harper est bien connue, comme le rappelle cet extrait d’une lettre d’opinion (« L'information sous Stephen Harper - De la transparence à la propagande ») publiée dans le Devoir, en juin 2010, par un collectif de journalistes affectés à la couverture de la politique fédérale :

« (…) Sous le règne du premier ministre Stephen Harper, l'information émanant d'Ottawa s'est tarie. Les ministres et les fonctionnaires sont muselés (…) La transparence a cédé le pas à une forme de propagande léchée dont l'objectif est de manipuler l'opinion publique. »

Le même parallèle s’applique maintenant au premier ministre libéral Philippe Couillard. Depuis février dernier, les élus libéraux sont tenus d’apprendre la cassette de propagande officielle avant de répondre aux questions des journalistes.

Même musèlement des fonctionnaires provinciaux. Tel que le mentionnait un article publié il y a environ 2 mois sur le site d’ICI-Radio-Canada intitulé « Les agents de communication s'opposent à la ‘‘propagande’’ du gouvernement Couillard » :

« Les agents de communication du gouvernement du Québec craignent de devenir des « instruments de propagande politique » depuis que le Conseil exécutif leur envoie des lignes directrices visant à ‘‘enrober’’ le message d'austérité du gouvernement Couillard… »

Enfin, troisième élément de ressemblance entre Stephen Harper et Philippe Couillard, les deux partagent la même obsession de contrôler l’information médiatique transmise à la population. Un élément de ressemblance de plus en plus apparent…


Couillard critique les médias, prise 3

Deux nouvelles embarrassantes ont récemment mis Philippe Couillard en colère. La première concerne une certaine apparence de conflit d’intérêts pour l’octroi d’une importante subvention de 100 M$ à Canadian Royalties.

Une entreprise minière à laquelle il a déjà été lié en tant que membre du conseil d’administration, en compagnie de son bon ami Arthur Porter.

Si la subvention à Canadian Royalties est peut-être justifiée et si le premier ministre libéral peut effectivement se défendre en prétextant qu’Investissement Québec l’aurait accordée sans demander l’avis du gouvernement, il n’est quand même pas banal de mentionner que son gouvernement a cependant nommé à la présidence de la société d’État un contributeur du parti. Les soupçons de conflit d’intérêts seraient beaucoup moins grands si les libéraux avaient laissé en poste le président nommé par le gouvernement précédent.

La seconde nouvelle embarrassante pour le premier ministre Couillard, d’abord publiée par Québecor, porte sur les déboires d’un autre ami douteux maintenant accusé de fraude, après Arthur Porter et le scandale des « malversations » du CUSUM. Hans Black, celui-là, que Philippe Couillard a fréquenté lorsqu’il fut administrateur et membre du conseil d’administration d’Amorfix Life Science.

Bien que le premier ministre libéral n’ait probablement rien à se reprocher pour les agissements de ses amis, qui deviennent toutefois de simples « connaissances » lorsque leurs démêlés avec la justice se retrouvent sur la place publique, il n’en demeure pas moins que les nouvelles sur Canadian Royalties et Amorfix étaient d’intérêt public.

La quasi-totalité des médias et des chroniqueurs politiques en ont d’ailleurs parlé.

Michel David du Devoir soulignait dans son article intitulé « Le distrait » que Philippe Couillard n’est pas particulièrement alerte lorsque vient le temps de se poser des questions sur ses fréquentations :

« Le moins qu’on puisse dire est que M. Couillard n’avait pas de très bonnes antennes. On ose espérer qu’il était moins distrait quand il siégeait au comité de surveillance du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). »

Si on peut comprendre que Philippe Couillard n’ait pas apprécié que des « connaissances » douteuses de son curieux passé viennent encore le hanter, comme Hans Black et Arthur Porter, ni que certains médias relatent l’apparence de conflit d’intérêts dans le cas de la subvention à Canadian Royalties, sa critique à l’égard du traitement médiatique dont il dit souffrir était toutefois ridiculement pathétique.

D’autant plus que c’était la 3ème fois en quelques semaines que Philippe Couillard se plaignait du travail de certains médias.

La première remonte à la controverse sur le voyage coûteux chez nos cousins français de 6 ministres libéraux, en pleine période d’austérité. Un voyage que le premier ministre avait cherché à mieux faire accepter en prétextant que la France allait assumer une grande part des dépenses. Le problème est que les Français n’ont pas aimé apprendre que le gouvernement Couillard profite de la générosité de la France après avoir grandement augmenté les frais de scolarité des étudiants étrangers.

Ayant dénoncé la « distorsion » de ses propos dans cette affaire par les médias d’ici et d’ailleurs, comme Le Figaro, Philippe Couillard a à nouveau critiqué le travail des journalistes suite à la médiatisation des nouvelles reliées à Canadian Royalties et à Amorfix.

Car il s’estime victime d’un « effort de démolition » et se dit indigné par le « traitement de l’information qui est fait dans le milieu politique ».


Couillard se plaint le ventre plein en parlant de PKP…

Le comble de l’ironie est que le premier ministre Couillard a voulu détourner l’attention en ramenant sur le tapis l’hypocrite débat sur la séparation des pouvoirs médiatique et politique qu’il cherche à circonscrire au cas PKP, au moment où la relation d’une ministre libérale avec un animateur-radio ayant déjà siégé pour les libéraux était médiatisée!

Or, quand on réalise que Philippe Couillard pratique de plus en plus la Harperisation de l’information par le musèlement des élus libéraux et des agents de communication du gouvernement, il est particulièrement risible de l’entendre se plaindre également du « traitement de l’information » dans le secteur médiatique, alors que le Parti libéral est depuis longtemps le seul parti provincial à profiter du support constant de médias et de chroniqueurs politiques.

Ainsi, le journal La Presse et Alain Dubuc contribuent à l’effort de propagande pro-austérité imposé aux fonctionnaires en critiquant également les autres médias si ces derniers accordent trop d’importance aux manifestants.

Mais personne n’a entendu Philippe Couillard se plaindre du fait que le département de propagande indirecte de La Presse, non pas La Presse + mais bien La Presse -, a mystérieusement oublié de commenter les deux dernières nouvelles embarrassantes reliées à son passé dont tous les autres grands médias et pas seulement Québecor ont pourtant parlé…