Le pipeline, le CRTC, Harper, PKP… et le Bloc !

2015/05/07 | Par Pierre Dubuc

PKP est-il pour ou contre le projet de pipeline d’Énergie Est? Au départ, il ne s’opposait pas au projet, tout en disant qu’il devait être soumis à une consultation.

Aujourd’hui, il se retranche derrière la Constitution : « Ce sont aux Québécois de décider. Or, la constitution de 1867, aux articles 91 et 92, interdit aux Québécois de se prononcer sur cette question », proclame-t-il.

Alors, quoi !, on se croise les bras?! On attend d’être indépendant? Alors, que, de toute évidence, le pipeline serait déjà construit.

Ou bien, on vote, au mois d’octobre prochain, pour un parti à Ottawa qui va stopper le projet.

Le problème, c’est que les trois partis politiques susceptibles de former le prochain gouvernement, soit le Parti conservateur, le Parti libéral et le NPD, sont favorables au projet !

Reste à voter pour le Bloc Québécois pour exprimer son opposition au pipeline et soutenir ainsi, au plan politique, l’action citoyenne sur le terrain.

Mais Pierre Karl Péladeau a déjà affirmé « douter de la pertinence du Bloc » et que « le Bloc ne sert strictement à rien, sauf à justifier le fédéralisme »!

Alors, les bloquistes feraient mieux de ne pas trop compter sur l’appui d’un PQ dirigé par PKP, lors de la prochaine campagne électorale.


Tirer sur le sans-fil

Comment démêler l’écheveau des positions de PKP sur l’oléoduc et le Bloc?

Tout simplement, en tirant sur le fil – ou plutôt le sans-fil – de Vidéotron et des récentes décisions du CRTC sur les frais d’itinérance et l’octroi du spectre par le ministère fédéral de l’Industrie, deux décisions avantageuses pour Québecor.

Depuis son arrivée au pouvoir, Stephen Harper favorise l’émergence de nouveaux joueurs dans le marché, aujourd’hui évalué à 20 milliards $, de la téléphonie. Si, en 2006, les Trois Grands, soit Bell, Rogers et Telus, détenaient 98% du spectre, il est prévu que, dès cet été, les nouveaux joueurs en possèderont 25%. Cependant, les Trois Grands contrôlent toujours 90% des abonnés.

Depuis 2008, le gouvernement fédéral réserve du spectre aux nouveaux joueurs à un prix de beaucoup inférieur à celui que doivent payer les Trois Grands.

Par exemple, lors des plus récentes enchères, Vidéotron n’a payé que 11 cents le mégahertz, alors que Telus a déboursé 3,02 $ et Bell 2,96$. Des représentants de Bell ont calculé que Vidéotron avait ainsi bénéficié d’une subvention de 857 millions $.

Lors d’enchères précédentes, Vidéotron a acquis du spectre dans trois autres provinces du Canada (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique) mais, pour l’utiliser, l’entreprise doit pouvoir compter sur un réseau d’antennes.

Monter un tel réseau serait prohibitif pour Vidéotron et les autres petits joueurs, aussi ont-ils demandé de pouvoir utiliser à bas tarifs les antennes des Trois Grands.

C’est ce que le CRTC vient de leur accorder. Il réglementera les frais d’itinérance facturés par les Trois Grands aux petites entreprises qui ont recours à leur réseau pour les cinq prochaines années.

Le CRTC précise toutefois que Bell, Rogers et Telus auront jusqu’au 4 novembre pour proposer leurs tarifs. Le CRTC décidera si leur proposition est raisonnable.

La date est importante. La décision interviendra APRÈS l’élection fédérale.


Une élection cruciale pour PKP

Comme il est loin d’être certain que les libéraux ou le NPD avantageraient les petits joueurs de la téléphonie comme l’ont fait les conservateurs, Vidéotron, Québecor et PKP ont grand intérêt à ce que le Parti conservateur soit réélu.

Il serait donc « inapproprié » qu’un Parti Québécois, dirigé par PKP, se prononce contre ce projet chéri de Stephen Harper que constitue l’oléoduc de TransCanada, d’autant plus que le nouveau gouvernement néo-démocrate de l’Alberta a déjà annoncé qu’il renonçait aux projets de pipeline Northern Gateway et Keystone, qui devaient écouler le pétrole des sables bitumineux respectivement vers le Pacifique et les États-Unis.

La nouvelle première ministre de l’Alberta a cependant déclaré qu’elle appuyait avec enthousiasme le projet Énergie Est de TransCanada.

Il serait encore plus mal vu par Stephen Harper que PKP vienne compromettre les chances du Parti conservateur de faire élire plus de députés au Québec. Avec la déconfiture des conservateurs en Alberta, l’élection d’un gouvernement majoritaire conservateur dépendra peut-être de ses succès au Québec.


Des relations à examiner de près

Ces relations « amicales » entre Harper et PKP ne sont pas nouvelles. Sun Media et Sun News, détenues jusqu’à tout récemment par Québecor, appuyaient allègrement le gouvernement conservateur et ses politiques.

La veille de la dernière campagne électorale fédérale, les journaux de Sun Media avaient publié en page frontispice une photo de Stephen Harper avec ce titre : « He’s our man ».

Quel est aujourd’hui l’état de ces relations? Il serait intéressant que les journalistes s’y intéressent et, plus particulièrement, au fait que Brian Mulroney, qui a introduit PKP auprès de Harper et de l’élite d’affaires nord-américaine, est aujourd’hui président du Conseil d’administration de Québecor.


Vidéotron, la vache à lait

Enfin, soulignons l’importance de Vidéotron pour Québecor. Déjà, l’achat de Vidéotron en 2000, avec l’aide de la Caisse de dépôt et placement du Québec, avait sauvé Québecor de la faillite, selon Michel Nadeau, vice-président de la Caisse à l’époque.

Aujourd’hui, après les déconfitures de Quebecor World, Sun Media, Sun News, des journaux régionaux de Québecor, Vidéotron est plus que jamais la vache à lait de l’empire Québecor.

Le Journal de Montréal et le Journal de Québec perdent de l’argent, TVA est déficitaire et le nombre d’abonnés au câble chez Vidéotron est en régression.

L’avenir est à la téléphonie sans-fil. Mais le marché est hautement compétitif. Selon les analystes, Vidéotron n’a pas les reins assez solides pour se lancer à la conquête du Canada. L’hypothèse la plus plausible est que Vidéotron cède le spectre qu’il détient hors-Québec à Wind Mobile en échange d’actions de la compagnie.

Mais la clef du succès pour Vidéotron demeure de conserver de bonnes relations avec un gouvernement conservateur, ce qui implique ne pas l’embêter en s’opposant au projet Énergie Est et s’assurer qu’il soit réélu!

Que les candidats et les partisans du Bloc Québécois se le tiennent pour dit!