Le corps des filles est trop « dérangeant » pour certaines écoles

2015/06/08 | Par Rose St-Pierre

En novembre dernier, de jeunes filles de trois écoles secondaires du Nouveau-Brunswick se sont regroupées pour attirer l’attention sur leur code vestimentaire scolaire qu’elles jugeaient sexiste.

La semaine dernière, le père d’une élève fréquentant une école primaire de Saskatchewan s’est insurgé quand sa fille lui a expliqué que le code vestimentaire de son école lui interdisait de porter une camisole révélant ses épaules.

De jeunes filles du Connecticut ont reçu, de la part de leur direction, un avis les informant que toutes robes montrant leur dos étant interdites lors de leur bal des finissants : les étudiants ont alors démarré une pétition. 

En mars, des étudiantes de l’Illinois ont protesté contre l’interdiction de porter des leggings.

Récemment, une élève de 15 ans fréquentant une école en Floride s’est vue obligée de porter des pantalons rouges vifs trop grands pour elle et un large chandail avec l’inscription « Je n’ai pas respecté le code vestimentaire » en guise de punition après avoir porté une jupe. Cette dernière s’est alors adressée aux médias pour dénoncer le comportement de la direction.

Il y a quelques semaines, une mère de l’Indiana a refusé que sa fille de 12 ans participe à une fête à la piscine où toutes les filles devaient porter un chandail foncé par-dessus leur maillot.

Début juin, les étudiants de l’école FACE à Montréal ont tenu une journée de protestation, dénonçant l’interdiction de porter un chandail révélant leur ventre et des pantalons au-dessus des genoux.

De tels gestes de dénonciation envers les codes vestimentaires scolaires se multiplient depuis les derniers mois. Ils sont d’ailleurs à l’origine du populaire mot-clic #iammorethanadistraction (je suis plus qu’une distraction).

Dans tous les cas, les jeunes filles protestent contre leur code vestimentaire parce qu’elles le considèrent sexiste. Les règlements des codes vestimentaires scolaires s’adressent d’ailleurs majoritairement aux filles en plus de victimiser ces dernières lorsqu’elles sont victimes de comportements inappropriés, de gestes déplacés ou d’agressions. Il s’agit encore une fois d’accommoder les garçons en habillant les filles de façon à ne pas « déranger » ces derniers.

Les manquements subis par les filles contrevenant aux règlements paraissent souvent humiliants et honteux pour les jeunes femmes.

C’est d’ailleurs pourquoi les élèves du Nouveau-Brunswick dénoncent leur code vestimentaire : elles estiment que les règlements renforcent la culture du viol. Pour ces étudiantes, on victimise les femmes et on tient responsable leur corps pour tout comportement abusif.

Lauren Wiggins, une étudiante de troisième secondaire vivant à Moncton a dénoncé une décision de la direction lui interdisant de porter une robe longue dévoilant ses épaules parce que ce vêtement consistait « une distraction sexuelle » pour les autres étudiants.

Les mouvements de contestation envers les codes vestimentaires scolaires ne sont pas le fruit de quelques rébellions passagères, mais semblent davantage être le début d’un nouveau mouvement de contestation sociale et féministe.

Tandis que plusieurs se questionnent sur le discours envoyé par une femme qui porte le voile, ces jeunes filles fréquentant des écoles secondaires du Canada ou des États-Unis forcent maintenant leur direction à réfléchir sur les valeurs sous-tendant leur code vestimentaire.

Au fond, pourquoi est-il déplacé de montrer ses épaules, son dos, ses jambes, son ventre? N’est-ce pas parce que nous associons toujours le corps de la femme à un « objet de tentation » que l’on doit cacher et dont les femmes doivent avoir honte?

« Le code vestimentaire scolaire, en plus d’être inéquitable envers les filles et les garçons, enseigne davantage aux filles à cacher leur corps plutôt que de rappeler que le corps des femmes n’appartient à personne », peut-on lire en préface d’une pétition créée par de jeunes Américaines.

Certains règlements visent des fillettes d’âge primaire et contribuent à sexualiser leur corps d’enfant. Si une jeune fille en maillot de bain, lors d’une fête à la piscine, met certains mal à l’aise, ce n’est pas l’enfant qui en est responsable, mais bien la personne dérangée.

C’est d’ailleurs ce que plusieurs internautes ont dénoncé sur les réseaux sociaux, alors que circulait une photo montrant une jeune fille de 5 ans en camisole arc-en-ciel, un vêtement que son école primaire du Texas lui a interdit de porter.

Alors que plusieurs sexologues dénoncent le manque d’éducation sexuelle au niveau scolaire, des étudiantes ajoutent aujourd’hui que le respect du corps de la femme et de son intégrité devrait être enseigné à l’école.

Plutôt que de contrôler l’intimidation sexuelle et les agressions en voilant le corps des femmes, il faudrait plutôt faire de la prévention et inculquer quelques notions de respect et d’équité, rappellent-elles.

Des notions capitales dans une société où les jeunes filles évoluent dans un environnement hypersexualisé, où trop de jeunes « s’éduquent » avec la pornographie en ligne et où l’avancée de l’extrémisme religieux menace l’égalité sexuelle.