Duceppe : le casseux de party des partis fédéralistes

2015/06/17 | Par Martin Lachapelle

Le retour en force du redoutable et populaire Gilles Duceppe à la tête du Bloc Québécois, suite à un très beau geste d’abnégation de Mario Beaulieu, n’était pas prévu dans le scénario fédéraliste de la prochaine élection fédérale, dont la scène finale devait se conclure par l’enterrement du Bloc québécois.

Il n’est donc pas étonnant que le retour au Bloc de Duceppe ait été plutôt mal accueilli par ses adversaires politiques, mais également par plusieurs chroniqueurs fédéralistes, qui auraient visiblement préféré ne pas le voir ressusciter.

Petit retour dans le temps. Au printemps 2011, une majorité d’électeurs québécois succombe soudainement au charme de Jack Layton et du NPD.

Conséquence ? Le Bloc, victime principale de l’absence de représentativité proportionnelle lors de cette élection, est quasiment rayé de la carte électorale fédérale québécoise avec seulement 4 sièges sur 75, malgré environ le quart des votes.

Gilles Duceppe annonce sa démission. Daniel Paillé tente ensuite de relancer le parti, avant de passer le flambeau à Mario Beaulieu, vainqueur de la course à la chefferie de l’an dernier.

Mais, malgré le bon vouloir des successeurs de Duceppe, la pente est difficile à remonter, d’autant plus que le Bloc a perdu son statut de parti politique reconnu à Ottawa. Résultat ? Moins de budget, moins de temps parole au Parlement et moins de visibilité médiatique.

Sans surprise, le parti est donc descendu sous la barre des 20 % d’appuis dans les sondages.

C’est dans ce contexte difficile que le Bloc évoluait jusqu’au retour inattendu de Gilles Duceppe, à la demande de Mario Beaulieu.

Un très beau geste de la part de Beaulieu, qui n’est pas sans rappeler le sacrifice de Jacques Parizeau au profit de Lucien Bouchard, lors du référendum de 1995.

Instantanément, l’appui au Bloc québécois a augmenté de 10 %, selon un sondage Léger-Marketing publié dans le Devoir et le Journal de Montréal.

 

Réaction prudente des adversaires politiques du Bloc

Le Bloc serait « mal pris » et c’est pour cela qu’il ramène Duceppe, selon le conservateur Maxime Bernier. Aussi « mal pris » que les conservateurs qui, faute de présence significative au Québec, sont obligés de garder Bernier ?

De son côté, Thomas Mulcair a affirmé que Duceppe et le Bloc voulaient uniquement « supplanter » le NPD, alors que le but, apparemment plus noble du NPD, serait de remplacer Stephen Harper et les conservateurs.

Vraiment ? Remplacer les conservateurs de Harper n’était-il pas le but raté du NPD ,lors de la dernière élection ? Alors, c’était quoi finalement ? Supplanter le Bloc ?

Si les libéraux fédéraux de Justin Trudeau furent encore plus prudents que le NPD, leurs cousins libéraux provinciaux, eux, ont feint de prendre à la légère le retour de Duceppe. À commencer par le chef Philippe Couillard : «Je ne vois pas beaucoup de renouveau dans ce parti ou dans le mouvement. Pour moi, l'indépendance est une idée du siècle dernier, qui essaie de se présenter sous de nouveaux habits ou de nouvelles apparences ».

Tellement une idée dépassée, l’indépendance, que Philippe Couillard parle maintenant, étrangement, de changements constitutionnels en mettant de la pression sur le Canada anglais! Vous disiez ? Non, Philippe Couillard n’est pas au courant que l’indépendantisme québécois est d’un siècle plus jeune que le fédéralisme canadien.

 

Duceppe cloue le bec à ses dénigreurs médiatiques

Gilles Duceppe n’a pas mis de temps avant de démontrer qu’il est encore en pleine forme, en répondant avec aplomb aux interrogations de la classe médiatique fédéraliste quant à son retour en politique.

Trop vieux ? Duceppe a le même âge qu’Hillary Clinton (et est à peine plus âgé que Philippe Couillard). Duceppe a aussi mentionné que Thomas Mulcair est arrivé en politique à un âge plus hâtif que le sien, tout en soulignant que le début de carrière de certains journalistes, encore en fonction, remonte à l’ère de Trudeau… père.

Alors, Patrick Lagacé, qui a fait ses débuts médiatiques en 1996, peut bien s’amuser à écrire (dans « Gilles Duceppe, remix ») que la carrière du chef du Bloc, en 1990, remonte à l’époque où Pat Burns coachait les Canadiens, pendant que Lysiane Gagnon et Chantal Hébert étaient là du temps de Toe Blake et de Scotty Bowman. Ça ne rajeunit finalement aucun vétéran journaliste fédéraliste que de prétendre que Duceppe est un « has-been »…

Retour revanchard ? Voilà une question que les journalistes n’ont pourtant pas posée aux politiciens fédéralistes ayant effectué un retour après une défaite électorale. Tels que le libéral Pierre Elliot Trudeau, le conservateur Joe Clark ou le néodémocrate Ed Broadbent.

Le Bloc devait-il prendre sa retraite après une seule défaite ? Vraiment ? Selon ce principe, les conservateurs, les libéraux et le NPD, qui a encaissé 40 ans de défaites au Québec avant une première vague orange, auraient donc dû jeter la serviette depuis longtemps ?

Un retour « antidémocratique » à la tête du Bloc ? Duceppe a rappelé que son retour, souhaité par Mario Beaulieu et applaudi par les membres du Bloc, respectait les règles du parti. Même si le grand démocrate, Éric Duhaime, fan des one-man-show à la sauce conservatrice ou caquiste, a récemment déclaré sur Twitter : « Comment Gilles Duceppe peut revenir comme chef du Bloc Québécois sans qu'un seul membre ait été consulté??? Toute une démocratie maoïste... »

Patrick Lagacé a de son côté déclaré que les « militrolls souverainistes justifient déjà cette mascarade au nom de l’intérêt supérieur de leur camp ».

Vous disiez ? Non Patrick Lagacé n’a aucun problème avec le fait que le Parti libéral de Philippe Couillard a été élu en présentant un itinéraire bidon, lors de la dernière élection.

Le Bloc risque de diviser le vote et de favoriser la réélection des conservateurs ? Les conservateurs de Harper, à la dernière élection, ont pourtant déjà démontré que le Canada anglais n’a pas besoin du Québec pour se donner un gouvernement majoritaire.

Duceppe n’a pas manqué de rappeler que les partis fédéralistes, contrairement au Bloc, sont, par définition, incapables de défendre à 100 % les intérêts du Québec. Que ce soit au pouvoir ou dans l’opposition.

Les exemples sont légion. Duceppe en a d’ailleurs énuméré plusieurs, comme la défense du français ou l’octroi de contrats 33 G$ aux chantiers navals de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse. En rappelant que ni les ministres conservateurs québécois, ni les députés néodémocrates ou libéraux ne se sont objectés au fait que le Québec, lui, n’ait rien reçu.

Et dire que le NPD, dont la majorité des députés viennent du Québec, a alors affirmé que c’était « A great day for Canada ».

 

Un retour embêtant pour les partis fédéralistes

Même s’il est encore trop tôt pour faire des prédictions, le retour au Bloc d’un chef populaire, aguerri et toujours aussi vif d’esprit tel que Gilles Duceppe change néanmoins la donne pour les prochaines élections fédérales automnales.

Surtout pour le camp fédéraliste politique et médiatique, qui espérait probablement danser la gigue sur la tombe du Bloc québécois à l’issue du prochain scrutin, en rêvant depuis longtemps à son enterrement…