Le chat sort du pipeline... et y retourne. Pour combien de temps?

2015/06/17 | Par Pierre Dubuc

Selon Radio-Canada, plutôt que réitérer la position du Parti Québécois qui a pris position, à plusieurs reprises, contre le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada, le chef péquiste s'est contenté de répéter que son opinion dans ce dossier n'est pas importante puisque le projet est de juridiction fédérale.

« Cette décision n'appartient pas aux Québécois, elle appartient au gouvernement fédéral, à des fonctionnaires de l'Office national de l'énergie, c'est ça la situation, a-t-il dit. Je vous ai déjà dit que ma position importe peu, c'est aux Québécois de prendre cette décision. Or, il se trouve que dans l'environnement constitutionnel actuel, les Québécois n'ont pas voix au chapitre ».

Comment expliquer alors que la Colombie-Britannique qui a les mêmes pouvoirs constitutionnels que le Québec ait pu s’opposer avec succès à la construction du pipeline Northern Gateway qui a avait pour but d’acheminer le pétrole sale de l’Alberta jusqu’au Pacifique? (À ce sujet, lire ce texte sur Vigile)

L'explication de la réponse de PKP aux journalistes réside dans la relation d’affaires  « privilégiée » entre PKP et le premier ministre Harper, ardent promoteur des intérêts pétroliers de l’Alberta.

Quand il était propriétaire des médias Sun Media et Sun News, PKP était un chaud partisan du gouvernement Harper. Les journaux de Sun Media ont publié en page frontispice, la veille du jour du scrutin, lors de la dernière campagne électorale fédérale, une photo de Stephen Harper avec ce titre sans équivoque « He’s our man ».

Signalons également que PKP a été reçu avec sa conjointe au 24 Sussex et qu’il a contribué à la caisse électorale du Parti conservateur.

La vente de ses médias au Canada anglais et son élection à la tête du Parti Québécois n’ont pas mis fin à l’intérêt de PKP pour le maintien de bonnes relations avec Stephen Harper.

Québecor, dont il est l’actionnaire de contrôle, est toujours dépendant pour son développement du gouvernement Harper.

Vidéotron, une filiale de Québecor, doit son développement passé et son expansion future à des décisions du gouvernement fédéral.

Vidéotron peut concurrencer les Trois Grands de la téléphonie, Bell, Telus et Rogers – qui contrôlent plus de 90% du marché au Canada –, parce que le gouvernement Harper a décidé d’accorder un traitement de faveur à des petits joueurs comme Videotron dans l’octroi du spectre.

Ainsi, lors des dernières enchères, Vidéotron a payé 11 cents le mégahertz, alors que le prix pour les Trois Grands était d’environ 3 $ le mégahertz. Bell a calculé que cela équivalait à une subvention d’environ 857$ millions à Vidéotron.

Au cours des dernières années, Vidéotron a acheté du spectre à Toronto, Calgary et Vancouver. Mais pour se développer au Canada anglais, Vidéotron et les autres petits joueurs comme Wind Mobile doivent pouvoir utiliser les tours de diffusion des Trois Grands avec des frais d’itinérance à prix compétitifs.

Le CRTC vient de se rendre à leurs désirs, mais le prix ne sera fixé… qu’après l’élection fédérale!

Québecor et ses futurs partenaires au Canada anglais ont tout intérêt à maintenir de bonnes relations avec le Parti conservateur de Stephen Harper, car il est loin d’être assuré qu’ils bénéficieraient d’un pareil traitement de faveur des Libéraux ou du NPD.

Et le maintien de bonnes relations avec le gouvernement Harper ne passe sûrement par une opposition au pipeline de TransCanada.

Vidéotron est la vache à lait de Québecor et sa rentabilité est cruciale pour Québecor, après les échecs de Quebecor World, Sun Media, Sun News, l’absence de rentabilité de TVA et du Réseau des Sports, l’échec des hebdos régionaux, etc.

Dans notre livre PKP dans tous ses états, nous avons montré qu’à chaque fois que PKP a eu à choisir entre les intérêts de ses entreprises et les intérêts du Québec – et ceux même du Parti Québécois – il a toujours choisi ses intérêts personnels.

Citons seulement le cas de l’amphithéâtre de Québec, alors que PKP a forcé le Parti Québécois à présenter le projet de loi 204 qui mettait à l’abri des tribunaux l’entente qui liait Québecor et la ville de Québec.

Cela a provoqué la démission de quatre députés et une crise majeure au Parti Québécois.

Aujourd’hui, alors que tout le Québec progressiste et environnementaliste s’oppose avec véhémence à la construction du pipeline Énergie Est, PKP trouve « la situation complexe » et affirme que rien ne peut être fait.

Le chat sort lentement du pipeline.

Dernière heure

Après les tergiversations de la veille, PKP est revenu sur sa position et a signé un communiqué conjoint avec Bernard Drainville, Sylvain Gaudreault et Martine Ouellet contre le projet de pipeline.

Le chat est retourné dans le pipeline. Mais pour combien de temps?