Le véritable rapport de force pour le Québec réside dans le Bloc québécois

2015/08/18 | Par Gabriel Ste-Marie

L’auteur est économiste et candidat du Bloc québécois dans Joliette

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Stephen Harper considère avoir « réglé » la question du Québec avec la reconnaissance par le Parlement canadien de « la nation québécoise dans un Canada uni ». En fait, aux yeux de l'establishment canadien, la question québécoise est « réglée » par la marginalisation du Québec avec le déplacement du centre de gravité de l'activité économique vers l'Ouest du pays et la chute de notre poids démographique, qui se traduit au plan politique par l'ajout de 27 nouvelles circonscriptions au Canada anglais contre seulement trois au Québec. Plus que jamais, l'élection d'un gouvernement majoritaire sera possible sans représentation significative du Québec.

Les politiques économiques sont à l'avenant. Lors de la crise de 2008, Ottawa a investi plus de 13 milliards $ dans l'industrie automobile en Ontario, mais seulement quelques centaines de millions dans l'industrie forestière québécoise. Le chantier naval de la Davie à Québec a été « oublié » lors de l'octroi du contrat de 33 milliards $ pour des frégates.

Dans les présentes négociations sur l'Accord de Partenariat Transpacifique, le gouvernement Harper s'apprête à sacrifier la gestion de l'offre en agriculture pour sauver l'industrie automobile en Ontario - menacée par une entente entre les États-Unis et le Japon - et favoriser l'exportation du bœuf de l'Ouest vers les pays asiatiques.

L'abandon de la gestion de l'offre sera un désastre pour les producteurs laitiers et avicoles de ma circonscription, comme la ferme laitière de Guillaume Chevrette à Ste-Ambroise, de même que pour l'ensemble du Québec rural. Mais Stephen Harper n'en a cure. Déjà, dans le traité de libre-échange avec l'Europe, il a permis de doubler l'importation des fromages européens hautement subventionnés. Il s'agit d'un rude coup pour nos fromagers, notamment pour la fromagerie Du Champs à la Meule à Notre-Dame-de-Lourdes, aussi dans ma circonscription.

Ce n'est pas l'ajout de quelques députés conservateurs de plus - fussent-ils ministrables - qui va infléchir le rapport de force en faveur du Québec auprès d'un Stephen Harper qui ne se gêne pas pour écarter du revers de la main les représentations du gouvernement du Québec, comme on l'a vu avec le registre des armes à feu et la politique à l'égard des jeunes contrevenants.

 

Le NPD et la « nation » québécoise

Le Québec aurait-il un meilleur rapport de force au sein du Canada avec l'élection d'un gouvernement néodémocrate? On peut en douter si on se réfère à son bilan comme opposition officielle, à l'histoire du parti et au parcours politique de son chef.

Gilles Duceppe a rappelé le silence de la section québécoise du caucus du NPD, alors que les membres de la section canadienne-anglaise festoyaient à la suite de l'octroi du contrat des frégates. À mettre également dans la balance, l'approbation du parti à l'aide du gouvernement fédéral au projet hydroélectrique du Bas-Churchill du gouvernement terre-neuvien, une aide dénoncée par un vote unanime de l'Assemblée nationale du Québec.

Ce ne sont pas là de simples « erreurs » de parcours. Au congrès du NPD de Vancouver, tenu six semaines après la dernière élection, aucune résolution concernant la question québécoise n'a été présentée, alors que les élus du Québec formaient plus de la moitié de la députation!

Pis encore, leur congrès a ressuscité la vieille étiquette « nationale » pour nommer les instances de l'organisation, comme le rappelle le politicologue André Lamoureux, dans le Bulletin d'histoire politique (automne 2012). Ceci a infirmé la décision prise en 1961, alors que la délégation du Québec, dirigée par le syndicaliste Michel Chartrand, avait mené une charge à fond de train pour faire changer toutes les appellations des instances du parti et adopter le qualificatif « fédéral » en remplacement du terme « national », dans le cadre d'une lutte épique menée pour la reconnaissance de l'existence des « deux nations ».

La Déclaration de Sherbrooke de 2006 est de la même eau. Le mot « nation » n'y apparaît qu'à un seul endroit et entre guillemets. Ailleurs, on utilise plutôt toutes sortes de périphrases : on parle de « la reconnaissance du caractère national du Québec », de la « reconnaissance d'une minorité (sic) nationale avec un caractère distinct au sein d'un ensemble plus large », du droit de la « collectivité (sic) québécoise », des « gens (sic) du Québec ».

Au plan linguistique, le Québec est, selon la Déclaration de Sherbrooke, « une société à majorité francophone, dont le français est reconnu comme langue de travail et langue commune de l'espace public ». C'est loin de la Charte de la langue française. Notre Charte proclame le français langue officielle. Elle proclame aussi le français langue commune du Québec - pas juste de l'espace public, mais aussi des autres sphères.

La Déclaration ne reconnaît pas explicitement à la nation québécoise un territoire qui lui soit propre. Ceci ouvre la porte aux menaces de partition du territoire québécois dans l'éventualité où le Québec deviendrait indépendant, comme l'a proclamé le député Roméo Saganash, lorsqu'il était candidat à la chefferie du parti.

Dans la Déclaration de Sherbrooke, le NPD propose un fédéralisme asymétrique et coopératif, dont l'élément majeur est le droit de retrait en matière de modification constitutionnelle avec pleine compensation financière pour le Québec dans le cas d'une modification touchant aux champs de juridiction exclusive des provinces.

Cet élément de la Déclaration avalise ainsi le pouvoir de dépenser de l'État fédéral dans des programmes à frais partagés selon l'esprit de l'Entente-cadre sur l'union sociale canadienne, une entente adoptée en 1998 sans l'accord du Québec. Cette orientation ouvre donc nécessairement la voie à une interférence dans les domaines de compétence des provinces, comme on le voit avec la promesse de créer un ministère des Affaires municipales. D'ailleurs, selon mon collègue et député Louis Plamondon, les députés du NPD auraient déposé 17 projets de loi qui interfèrent avec les domaines de compétence des provinces depuis 2011, alors qu'ils formaient l'opposition officielle.

 

Je me souviens

Tout comme le Parti conservateur et le Parti libéral, le NPD ne peut faire fi de la nouvelle réalité économique et démographique du Canada. Ainsi, il fait cause commune avec la population de la Colombie-Britannique qui s'oppose à l'oléoduc Northern Gateway, mais s'allie aux intérêts pétroliers contre la population du Québec pour le projet Énergie-Est de TransCanada.

Dans le cas des trois partis du Bloc canadien, une députation même importante du Québec au sein du caucus et, éventuellement, du cabinet ne peut représenter adéquatement les intérêts du Québec. Par exemple, en 1982, 74 députés sur 75 votèrent en faveur du rapatriement de la Constitution. Je suis convaincu que le résultat aurait été le même s'ils avaient été membres d'un NPD dirigé par Thomas Mulcair plutôt que du Parti libéral de Pierre Elliot Trudeau. Rappelons-nous que Mulcair a déclaré, à l'occasion du 30e anniversaire du rapatriement de la Constitution, que la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 représente « un modèle pour le monde entier » et « un document qui reflète nos valeurs communes ».

La Charte, est-il nécessaire de le rappeler, consacre la primauté de Dieu, fait la promotion du multiculturalisme, nie les droits linguistiques du Québec et ne reconnaît pas son droit à l'autodétermination, et n'est pas reconnue par l'Assemblée nationale du Québec.

Le Bloc québécois, lui, est né de l'échec de la tentative de réparer en partie cet affront avec l'Accord du Lac Meech. Par la suite, à six reprises, les Québécois ont démontré que la seule façon de se faire respecter au Canada était de voter pour le Bloc québécois. La dernière élection a confirmé par l'exemple négatif que le « vrai pouvoir » pour le Québec à Ottawa réside toujours dans le Bloc québécois.