Pour un référendum municipal consultatif dans les municipalités situées sur le tracé de l'oléoduc Énergie-Est

2015/08/20 | Par Roméo Bouchard

Même si les municipalités concernées (et le gouvernement québécois lui-même) n'ont pas le pouvoir d'accorder ou de refuser les autorisations requises pour la construction et le passage d'un oléoduc inter-provincial, cette juridiction étant réservée à l'Office national de l'Énergie du Canada (ONE), il demeure qu'une position claire de leur part peut contribuer puissamment à construire un rapport de force et constituer un indicateur solide du degré d'acceptabilité sociale, économique, écologique et politique d'un tel projet.

L'impact de la position exprimée par les municipalités situées sur le tracé de l'oléoduc Énergie-Est est particulièrement important, compte-tenu des implications à long terme d'une telle installation sur l'intégrité du territoire municipal, sur la qualité de vie de citoyens, sur l'aménagement du territoire et sur les coûts reliés aux services de sécurité spéciaux exigés.

Les municipalités locales et régionales ont en effet le mandat spécifique d'assurer la sécurité civile et  l'aménagement du territoire ainsi que les services de proximité et les services communautaires pour les citoyens qui l'habitent.

Dans quelques municipalités concernées, les citoyens ont obtenu une prise de position claire de leurs élus contre le projet. Mais il est évident qu'une résolution municipale dans un grand nombre d'entre elles aura plus de poids si elle s'appuie sur le résultat d'une consultation rigoureuse de leurs citoyens.

En effet, dans l'état actuel des institutions politiques locales, souvent réduites à une sorte de tutelle des autorités gouvernementales, la légitimité démocratique des conseils municipaux et des conseils des maires de MRC est assez faible.

Dans un cas comme celui de l'oléoduc Énergie-Est, qui implique des dizaines de municipalités à travers le Québec et dont les conséquences sont considérables, les élus municipaux devraient avoir à cœur de légitimer leur position par une consultation formelle de leurs citoyens.

Et cette consultation, pour avoir sa pleine légitimité, pourrait et devrait prendre la forme d'un référendum municipal, précédé d'une période d'information et de délibération permettant à tous d'évaluer le POUR et le CONTRE d'un tel projet, tant au point de vue social et économique qu'environnemental.

 

Un référendum municipal

Trois lois encadrent les pouvoirs municipaux locaux et régionaux : le Code municipal du Québec, la Loi des Cités et villes et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Les dispositions qui concernent la tenue de référendums municipaux sont inscrites au titre II, articles 514 à 579, de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Il existe deux types de référendums :

  1. Le référendum obligatoire, exigé soit par la loi elle-même ou suite à un nombre suffisant de signatures d'un registre, porte sur des décisions précises, essentiellement liées à des emprunts, des projets de fusion, défusion ou annexion, et des modifications des règlements de zonage et d'urbanisme. Dans de tels cas, une procédure détaillée doit être suivie, qui exige passablement de ressources : désignation des personnes habiles à voter, procédures d'enregistrement des demandeurs habilités au registre, confection de la liste référendaire, scrutin référendaire, etc. Le nombre de signatures requis pour la tenue du référendum est le suivant (article 553) : si le nombre de personnes habiles à voter est de 25 ou moins, 50%; entre 25 et 5000, 10% ou 500; entre 5000 et 20,000, 500; 20,000 et plus, 2.5%.

  1. Le référendum consultatif, qui n'est pas obligatoirement soumis à l'ensemble de cette procédure :

    1. 517 : à titre consultatif, le conseil d'une municipalité peut soumettre une question qui est de la compétence de celle-ci à l'ensemble des personnes habiles à voter ou à celles de la partie de son territoire concernée par la question. La question doit être formulée de façon à appeler une réponse par « oui » ou « non »; elle est définie par une résolution qui, aux fins du présent titre, est réputée faire l'objet du référendum. Le conseil peut décréter qu'un scrutin référendaire doit être tenu sans que ne s'appliquent les dispositions du chapitre IV (articles 532-559), essentiellement les dispositions concernant la signature du registre.

 

Type de référendum souhaitable

On pourrait tenter d'exiger un référendum obligatoire en assimilant la décision sur le passage de l'oléoduc à celle d'un emprunt municipal, compte-tenu des dépenses et des risques à court et à long terme que peut constituer un tel projet pour la municipalité. Le débat mérite sans doute d'être entrepris, mais il risque d'impliquer une longue saga juridique.

À court terme, et pour les besoins de la cause pendante de l'oléoduc, il m'apparaît plus sage de conseiller aux citoyens de chaque municipalité située sur le tracé de l'oléoduc Énergie-Est de demander à leur conseil municipal la tenue d'un référendum consultatif, en collaboration avec le Mouvement Coule pas chez nous et d'autres partenaires éventuels disposés à partager avec le conseil municipal le travail d'information et de financement de l'exercice.

De toutes façons, la position de la municipalité n'a elle-même qu'une valeur consultative au niveau de l'ONE qui accorde les autorisations : elle ne serait donc pas davantage contraignante si elle faisait l'objet d'un référendum obligatoire.

Un référendum consultatif, cependant, pour qu'il ait toute sa force démocratique, doit être accompagné d'une période d'information et de délibération qui permette à tous d'exposer et d'évaluer les impacts sociaux, économiques et environnementaux du projet.

Il doit également respecter le cadre défini dans la Loi sur les élections et les référendums municipaux, donc, être fait sous l'égide du conseil municipal, ce qui lui confère une légitimité plus grande que s'il était organisé uniquement par les citoyens, en marge du conseil municipal.

Tout en fournissant des outils et des suggestions, les promoteurs de l'opération « référendums municipaux » doivent, selon moi, laisser une large marge de manœuvre et d'initiative aux citoyens locaux qui connaissent leur milieu et les personnes impliquées. Chaque communauté devrait prendre l'opération en charge : c'est aussi une façon pour elle de se responsabiliser.