Vidéotron renonce à construire son propre réseau pancanadien

2015/09/18 | Par Pierre Dubuc

Québecor a annoncé, le 16 septembre dernier, que Vidéotron renonçait à construire son propre réseau pancanadien de télécommunications et que l’entreprise pourrait vendre le spectre disponible à Wind Mobile ou collaborer avec elle.

En 2014, Vidéotron avait fait connaître son intention de développer son réseau à travers l’ensemble du Canada. L’entreprise appuyait ses ambitions sur les politiques du gouvernement Harper visant à favoriser l’émergence d’un quatrième joueur dans le monde des télécommunications pour concurrencer les Trois Grands que sont Bell, Rogers et Telus.

Lors des différentes enchères, Ottawa réservait du spectre à prix réduits pour les petits joueurs comme Vidéotron, Wind Mobile, Mobilicity et autres. Ainsi, lors des dernières enchères, Vidéotron a payé 11 cents le megahertz, alors que Telus a déboursé 3,02 $ et Bell 2,96$. Cela équivalait à une subvention à Vidéotron de 857 millions $, selon Bell.

Cependant, pour être en mesure de prendre pied dans le marché du reste du Canada, Vidéotron et les autres petits joueurs réclamaient, faute de pouvoir construire leur propre réseau, la possibilité d’utiliser les réseaux des Trois Grands à bas prix. Le CRTC en a accepté le principe, mais le prix de ces frais d’itinérance ne sera fixé qu’au lendemain de la prochaine élection.

Vidéotron détient du spectre dans les marchés de Toronto, Ottawa, Calgary et Vancouver pour une valeur de 300 millions $. Mais la valeur pourrait être beaucoup plus importante si le gouvernement fédéral en autorise la vente aux Trois Grands. Certains en estiment la valeur à 1,5 milliard $.

Jusqu’à tout dernièrement une telle transaction était prohibée, mais le gouvernement a récemment contrevenu à la politique établie en faveur des petits joueurs en permettant la vente de spectre détenu par Mobilicity à Rogers.

Si la vente à un des Trois Grands n’est pas autorisée, Vidéotron offrira son spectre à Wind Mobile, soit pour de l’argent comptant, des actions de l’entreprise, ou les deux, a déclaré Jean-François Pruneau, le directeur des finances de Québecor.

Cette annonce met fin aux ambitions canadiennes de Pierre Karl Péladeau, actionnaire de contrôle de Québecor. De toute évidence, Québecor n’a pas les poches assez profondes pour concurrencer les Trois Grands sur ce terrain et PKP fait sans doute le calcul qu’il aurait une oreille moins attentive à Ottawa si Harper n’était pas réélu.

 

Le repli sur le pré carré québécois.

Au départ, lorsqu’il s’est impliqué dans la direction des affaires de Québecor à la fin des années 1990, PKP avait des ambitions internationales. À coups d’achats d’imprimeries en faillite, qu’il remettait sur pied, il a fait de Quebecor World la plus importante imprimerie commerciale au monde.

Mais le marché de l’imprimerie était en déclin et la trajectoire de Quebecor World s’est terminée par une retentissante faillite, entrainant même la maison-mère Québecor au bord du précipice. Selon Michel Nadeau, alors vice-président de la Caisse de dépôt et placement, c’est l’achat de Vidéotron, avec l’aide de la Caisse, qui a sauvé Québecor de la faillite.

« PKP aurait-il pu éviter la déconfiture de Quebecor World? », s’est demandé Jean-Paul Gagné dans les pages du journal Les Affaires du 11 avril 2015. « Constatons simplement, répond-il, que ses principaux concurrents ont survécu. »

Puis, PKP a ramené ses ambitions à l’échelle du Canada avec l’achat de Sun Media, la plus importante chaîne de journaux du Canada anglais et, plus tard, avec la création de la chaîne de télévision Sun News. « It’s a great day for Canada », déclarait PKP lors de l’acquisition de Sun Media.

Quelque 15 ans plus tard, PKP liquidait Sun Media pour la somme de 316 millions $, soit à peine 25% de sa valeur d’achat. Quant à Sun News, elle fermait ses portes, sans trouver de repreneur, en enregistrant des pertes évaluées à 50 millions $.

Au Québec, PKP était sur les rangs pour l’achat du Centre Bell et le Canadien de Montréal. Mais il s’est fait damer le pion par la famille Molson.

Furieux contre le premier ministre Charest, qu’il accusait d’avoir favorisé les Molson, il a déclenché par le biais de ses médias une intense campagne contre le gouvernement sous le thème « Le Québec dans le rouge », jusqu’à ce que ce dernier accepte que le gouvernement du Québec investisse 200 millions $ dans l’amphithéâtre de Québec.

Par la suite, ses médias ont favorisé, à coups de pages frontispices et de sondages favorables, l’émergence de François Legault et de la CAQ. PKP s’en est servi pour faire pression sur le Parti Québécois, jusqu’à ce que celui-ci présente le projet de loi 204, qui mettait l’entente sur l’amphithéâtre entre Québecor et la Ville de Québec à l’abri des tribunaux. Il en est résulté une crise majeure au Parti Québécois avec la démission de quatre députés.

Parmi les autres investissements douteux de PKP, signalons le lancement d’hebdos régionaux pour concurrencer les hebdos de Transcontinental. Selon Jean-Paul Gagné du journal Les Affaires, « cette guerre fut si catastrophique que Québecor a dû rendre les armes et vendre ses publications à sa rivale, une transaction qui a été conclue en 2014 ».

Un autre investissement à surveiller est l’entente de 1,44 milliard $ sur 12 ans avec Rogers pour la diffusion de matchs du Canadien le samedi soir et lors des séries éliminatoires. Cela s’est traduit par une perte de 2,6 millions de la filiale Québecor Media au cours de la dernière année et des compressions à TVA.

Chez Québecor, on prie pour que le Canadien se rende en finale de la coupe Stanley!