L’électrification des transports n’est pas la panacée

2015/10/13 | Par RNCREQ

Réagissant au dévoilement plus tôt aujourd’hui du Plan d’action sur l’électrification des transports, le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) est satisfait que le gouvernement se donne des objectifs et des moyens plus réalistes et appropriés pour le soutien de la filière. L’organisme tient cependant à lever quelques drapeaux concernant l’importance de ce plan d’action au regard des impératifs de mobilité et d’aménagement du territoire durable au Québec. Ce nouveau plan d’action est ainsi moins ambitieux que le précédent puisqu’il prévoit que le Québec aura sur ses routes 100 000 voitures électriques (et hybrides ?) en 2020 (contre 200 000 dans l’ancien plan), ce qui est beaucoup plus réaliste.

Le RNCREQ appuie le recours à l’électricité pour remplacer le pétrole dans les véhicules. C’est une option qui fait énormément de sens au Québec puisque notre électricité est abordable et de source renouvelable. Nous reconnaissons en outre qu’il s’agit d’une option qui suscite un fort appui et peut servir de motivation globale en faveur d’une véritable révolution énergétique au Québec.

Il est donc important que le gouvernement favorise la pénétration du marché des véhicules électriques au Québec, tant par l’implantation d’incitatifs que de réglementations, mais aussi grâce au soutien de la filière industrielle de l’électrification, qui pourrait positionner avantageusement le Québec sur la scène internationale dans ce domaine.
 


L’électrification des transports n’est pas la panacée

Il est donc nécessaire de soutenir l’électrification des transports, mais pour le RNCREQ, il ne s’agit pas de la priorité dans les moyens à mettre en œuvre pour favoriser la mobilité durable et réduire nos émissions de GES. Les faibles bénéfices du Plan d’action sur la lutte contre les changements climatiques en témoignent, puisqu’il est estimé que les réductions des émissions de GES seront de 150 000 tonnes par année, pour un investissement total de 421 millions de dollars.

Pour le RNCREQ, l’électrification des transports n’est pas seulement, et même surtout pas, un moyen efficace de lutter contre les changements climatiques. Il s’agit ici essentiellement d’une question de positionnement stratégique et de politique industrielle.

« Il faut éviter de trop compter sur cette avenue comme solution unique au défi du transport des personnes. L’électrification des transports n’est pas sans impacts (fabrication des voitures, infrastructures de recharge, gestion des batteries, etc.) et a le défaut de prendre du temps et de coûter relativement cher. Par ailleurs, elle ne permet pas de réduire tous les impacts négatifs associés au modèle de l’auto-solo (congestion routière, obésité, coût pour le développement et l’entretien des infrastructures, étalement urbain, etc.) et n’encourage pas les changements de comportements. Même en terme d’effet sur la balance commerciale, on risque de ne pas y gagner au change, à moins de veiller à ce que des véhicules électriques soient, du moins en partie, fabriqués ou assemblés ici » précise Philippe Bourke, directeur général du RNCREQ.

 

Rabais à l’achat d’un véhicule électrique et voies réservées : un privilège pour les plus riches ?

Socialement, la mise en œuvre du rabais à l’achat d’un véhicule électrique est également discutable. Il est évident que ce sont les ménages les plus aisés qui peuvent se permettre d’acheter une voiture neuve, et qui plus est électrique.

Vu de cette manière, le rabais à l’achat d’un véhicule électrique constitue une mesure inéquitable pour les consommateurs, et qui aide ici les plus riches uniquement, grâce aux fonds publics.

Rappelons que les rabais offerts d’ici 2016 par le gouvernement totaliseront 93 millions de dollars d’ici le 31 décembre 2016, en provenance à 60% du Fonds vert. Pour que le gouvernement atteigne son objectif de 100 000 voitures électriques d’ici 2020, si les paramètres restent inchangés, la facture pourrait donc atteindre 800 millions de dollars pour le gouvernement du Québec.

Afin de favoriser la vente de voitures électriques au Québec, le RNCREQ suggère plutôt au gouvernement d’étudier la possibilité de progressivement passer d’un système de rabais à l’achat à un système de bonus-malus sur l’achat des nouveaux véhicules, qui serait fiscalement neutre.

Le RNCREQ recommande en outre au gouvernement l’adoption d’une Loi zéro émission, comme l’ont fait la Californie et plusieurs autres États américains.

En ce qui concerne l’accès aux voies réservées pour les voitures électriques, la mise en place de cette mesure constituerait un dangereux précédent et une fois encore, un passe-droit réservé à une certaine catégorie de la population.

Les voies réservées doivent demeurer accessibles uniquement à l’usage des autobus et des covoitureurs.  

 

Mettre les priorités à la bonne place

En ce qui a trait au transport des personnes au Québec, les gains d’efficacité énergétique des moteurs depuis les années 90 et la baisse du nombre de kilomètres parcourus par voiture ont été annulés par l’augmentation du nombre de véhicules en circulation et par l’augmentation de la puissance, du poids et des accessoires des véhicules.

De plus, c’est le nombre de camionnettes, de fourgonnettes et de véhicules utilitaires sport (VUS) qui a particulièrement augmenté au Québec : il a plus que doublé entre 1995 et 2013.

Il est absolument nécessaire d’enrayer cette tendance. Le RNCREQ veut rappeler ainsi que la priorité pour le gouvernement du Québec est d’investir dans le transport collectif (pas nécessairement électrique) pour rendre les alternatives à l’automobile plus nombreuses et plus adéquates.

On profitera ainsi des multiples bénéfices environnementaux, sociaux et économiques associés au développement du transport collectif.

Afin de réduire durablement les besoins de motorisation des Québécois ainsi qu’atteindre ses objectifs de réductions des émissions de GES, le gouvernement du Québec devra aussi et surtout s’atteler à l’adoption d’une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme vu son rôle structurant.