Québec doit se tenir debout devant TransCanada

2015/11/04 | Par Patrick Bonin et al.

Des groupes environnementaux et citoyens demandent au gouvernement du Québec d’intervenir suite à l’annonce de l’octroi à TransCanada d’un certificat d’autorisation pour réaliser des tests sismiques dans le Saint-Laurent  pour son projet de pipeline Énergie Est.

Les groupes rappellent que TransCanada refuse de déposer un avis de projet pour son pipeline au gouvernement du Québec et de participer en tant que promoteur à d’éventuelles consultations du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE).

Pour les groupes environnementaux, il est aberrant que le gouvernement du Québec permette à TransCanada de réaliser des travaux sur le terrain alors qu’aucune évaluation environnementale n’a encore été réalisée sur le projet et que l’entreprise refuse de déposer un avis de projet et de reconnaître la compétence du Québec.

La pétrolière ne reconnait toujours pas les pouvoirs décisionnels et compétences du gouvernement du Québec en matière d’environnement et en lien avec ce projet de pipeline.

« Le gouvernement du Québec doit être beaucoup plus ferme face à TransCanada qui ne montre aucun respect pour le processus démocratique québécois. Alors que la pétrolière refuse de participer aux audiences du BAPE et de la Communauté métropolitaine de Montréal, le gouvernement du Québec continue de lui dérouler le tapis rouge et lui accorde un certificat pour faire avancer son projet de pipeline! », a déclaré Patrick Bonin de Greenpeace.

 «  Le gouvernement du Québec doit assoir sa compétence environnementale et forcer TransCanada à participer à l’évaluation qui sera menée par le BAPE. Pourquoi Québec autorise-t-il au compte-goutte des travaux à forts impacts (incluant l’usage d’explosifs dans des milieux humides) pour un projet alors que la compagnie refuse de reconnaître ses compétences en matière d’évaluation environnementale ? », a mentionné Christian Simard de Nature Québec.

 « Québec doit affirmer clairement qu’il entend forcer TransCanada à déposer un avis de projet et à participer pleinement aux audiences du BAPE. Il ne peut se satisfaire de l’évaluation qui a cours au niveau fédéral qui limite la participation citoyenne et ne tient pas compte des émissions globales de GES,  en amont et en aval liés au projet », avance Alain Brunel de l’AQLPA.

« Le gouvernement doit faire preuve de plus de rigueur dans ce dossier. Après le fiasco de Cacouna, il est étonnant de voir Québec autoriser de nouveaux travaux dans le Saint-Laurent sans avoir réalisé d’évaluation environnementale du projet », a affirmé Karel Mayrand de la Fondation David Suzuki. “En refusant de déposer son projet, TransCanada bloque la tenue d’une véritable évaluation environnementale au Québec et le gouvernement se fait complice de ce comportement en continuant d’autoriser des travaux. La confiance du public est à nouveau ébranlée », a-t-il conclu.

De plus, les groupes s’étonnent de l’empressement avec lequel le gouvernement du Québec octroie un certificat d’autorisation à TransCanada alors qu’elle a mentionné que la conclusion des travaux préliminaires dans le Saint-Laurent n’était pas nécessaire avant le dépôt de son projet final.

Les groupes trouvent pour le moins ironique le fait que l’entreprise TransCanada ait invoqué aux États-Unis le fait que le Nebraska n’avait toujours pas complété son évaluation du projet Keystone XL pour demander la suspension de son examen par le gouvernement fédéral américain. Pourtant, au Québec, la compagnie refuse de se soumettre à quelque processus d’examen public que ce soit (consultations de la CMM, BAPE…).

 

 Québec doit tenir un véritable BAPE sur le projet

Selon les groupes, le gouvernement du Québec doit annoncer qu’il tiendra un BAPE spécifique (article 31.1) sur le projet Énergie Est et non un seul BAPE dit “générique”.  Pour Anne-Céline Guyon, porte-parole du comité Stop oléoduc Portneuf Saint-Augustin, « Québec ne peut pas se limiter à donner un mandat générique au BAPE. Québec doit donner un mandat plus contraignant au BAPE en vertu de l’obligation de tenir une évaluation spécifique pour tout pipeline de plus de 2 km. Seul un mandat spécifique permettra de s’assurer une évaluation en profondeur et la participation du promoteur TransCanada ».

 Les groupes rappellent qu’en juin dernier ils avaient déploré plusieurs autres lacunes dans le mandat confié au BAPE, notamment :

 - Un mandat de BAPE générique plutôt qu’un mandat plus contraignant en vertu de l’obligation de tenir un BAPE spécifique pour tout pipeline de plus de 2 km, ce qui aurait élevé la barre de l’évaluation pour TransCanada.

 - Le fait que TransCanada soit autorisée à entreprendre des travaux préliminaires, sans évaluation environnementale publique, avant même que l’évaluation du projet entier ne soit complétée, une situation similaire à celle qui a prévalu à Cacouna en 2014.

- L’absence d’une évaluation globale des émissions de gaz à effet de serre (GES) additionnelles générées en amont et en aval de l’oléoduc, estimées entre 30 et 32 millions de tonnes de CO2 par an pour les émissions en amont seulement, soit deux fois celles du parc automobile québécois. En se limitant à la portion québécoise du projet, Québec évaluerait moins de 1 % des émissions en amont de GES qui y sont liées.

- Un échéancier de travail soumis au calendrier de l’Office national de l’Énergie, qui ne commence pas immédiatement et qui donne trop peu de temps pour procéder à une étude approfondie du projet. En comparaison l’Ontario a commencé son évaluation du projet Énergie Est en novembre 2013 et n’a toujours pas terminé.

- Un mandat qui exclut l’analyse du « volet économique » ainsi que tout enjeux lié à l’approvisionnement en gaz