Au-delà du Flushgate de Montréal

2015/11/25 | Par Martine Ouellet

L’auteure est députée du Parti Québécois

Décidément, le fameux Flushgate de Montréal a fait couler beaucoup d'eau... Mais au-delà de la crise d'image que Denis Coderre a du gérer et de la joute partisane de Stephen Harper, nous devons passer à l'action dès maintenant pour éviter que le Québec rejoue dans le même film.

L'épisode des eaux usées de Montréal aura au moins permis de conscientiser les Québécois sur ce problème qui traîne depuis plusieurs années dans l'ensemble du Québec.

L'une des raisons, c'est qu'investir dans une route a un impact beaucoup plus visible pour les citoyens que lorsque l'on investit dans un égout caché sous terre. Pas facile pour un politicien de couper un ruban dans un égout !

Un déversement de 8 milliards de litres d'eaux usées est spectaculaire et très polluant. Cependant, à chaque année, la même quantité est déversée par la ville de Montréal, lors de multiples déversements.

Ces déversements ont lieu principalement lors des grandes pluies, donc ils sont plus dilués et moins polluants. Ils surviennent puisque les installations ne sont pas en mesure de traiter tout le volume lors de fortes pluies, ce qui oblige les municipalités à rejeter les surplus directement dans les cours d'eau, sans aucun traitement.

Pour mettre fin à cette pollution à Montréal, comme partout au Québec, l'heure est au réinvestissement dans des ouvrages de rétention, ce qui permettrait d'emmagasiner l'eau, lors des grandes pluies, pour ensuite la faire traiter par les usines existantes.

Abordons la question dans son ensemble pour le Québec. L'enjeu des eaux usées ne date pas d'hier. Il faut remonter à 1978 pour retracer l'origine du Programme d’assainissement des eaux du Québec (PAEQ), géré par la Société québécoise d'assainissement des eaux (SQAE), qui a permis la mise en place d'infrastructures d'assainissement dans presque tout le Québec.

Le SQAE avait pour mission de fournir aux municipalités des services de gestion et de financement appropriés, afin qu’elles puissent se donner des équipements d’assainissement des eaux usées de qualité, au meilleur coût possible, et ce, dans l’intérêt de leur population.

Ces actions gouvernementales avaient permis de développer une expertise publique exceptionnelle en gestion des eaux usées. Expertise publique que nous avons perdue avec l'abolition de la SQAE au cours des dernières années.

Aujourd'hui, grâce à ces initiatives du gouvernement Lévesque, la presque totalité des municipalités possède un système d’assainissement des eaux usées. Malheureusement, il existe encore quelques petites municipalités qui n'ont pas d'usine de traitement des eaux usées et dont les égouts vont directement dans les cours d'eau.

Ces petits villages n'ont pas les moyens de financer une usine d'assainissement. Exceptionnellement, le gouvernement du Québec devrait fournir l'argent nécessaire afin qu'elles puissent avoir un traitement des eaux usées et ainsi éviter les déversements dans la nature.

Dans le meilleur des mondes, toutes nos usines comporteraient un traitement d'assainissement avancé. Cependant, le traitement des eaux n'est pas égal partout. Une majorité de municipalités se contente d'un traitement primaire avant de rejeter le tout dans nos lacs et nos cours d'eau.

Ce traitement permet d'enlever les déchets solides de plus de deux centimètres, de décanter les matières en suspension dans l'eau et une certaine déphosphoration. Les bactéries et les médicaments sont donc directement rejetés dans l'eau.

La prochaine étape pour le Québec est d'ajouter la désinfection. Grâce à elle, les virus, les bactéries et divers produits, comme les produits pharmaceutiques, ne seront plus rejetés dans la nature.

Depuis 2007, la ville de Montréal s'est engagée à faire de la désinfection. Le projet est retardé année après année. En date d'aujourd'hui, la désinfection est prévue pour 2018. Il commence à être urgent que Montréal désinfecte son eau. Il faudrait également que l'ensemble des municipalités du Québec suive le pas.

Pour ce faire, un vaste programme d’infrastructures de désinfection pour les municipalités d’un milliard $ sur 10 ans devrait être mis en place. En plus de mieux protéger notre environnement, cette initiative permettrait de créer environ 10 000 emplois dans toutes les régions du Québec pour la construction des infrastructures.

Nous pourrions profiter de la mise en place de ce programme afin de recréer l'expertise publique perdue avec la disparition de la SQAE. Une nouvelle Société québécoise des eaux (SQE) serait chargée de gérer le programme ainsi que de fournir une expertise aux municipalités pour l'ensemble des volets associés à la gestion de l'eau au Québec.

La préparation des appels d’offres, la gestion des contrats et le suivi seraient assurés par la SQE, ce qui permettrait à l'ensemble des municipalités d'avoir un service de qualité. La construction serait assurée par l’entreprise privée permettant la création d'emplois dans tout le Québec.

Avec la nouvelle Société québécoise des eaux, le Québec serait à l'avant-garde pour améliorer la santé publique, recréer l'expertise de l'État québécois et, voyons encore plus loin, exporter cette expertise publique partout dans le monde!

 

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