Aide sociale: un projet de loi discriminatoire

2016/02/04 | Par Ligue des droits et libertés (LDL)

Le projet de loi prévoit un Programme objectif emploi afin d’élaborer pour chaque nouveau demandeur au programme du dernier recours (aide sociale) un plan d’intégration à l’emploi. Ce programme est conditionnel à l’obligation d’accepter tout « emploi convenable », sous peine de se voir imposer une réduction du montant de sa prestation. LDL déplore cette approche punitive qui porte atteinte aux droits des bénéficiaires actuels et futurs de la sécurité du revenu. 

« Il est difficile de voir autre chose dans le projet de loi 70 qu’un déni du droit à l’aide de dernier recours pour les primo demandeurs, affirme Lucie Lamarche, porte-parole de la LDL. Les primo demandeurs sont aussi privés, comme groupe ciblé, du droit au travail librement choisi. Ce projet de loi est ainsi nettement discriminatoire et soumet à davantage de précarité des personnes qui, comme le révèlent les données du Ministère, ont souvent un lien déjà précaire au marché du travail.».

Or, le Québec a adhéré au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui reconnaît le « droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté ». Le PIDESC reconnaît également « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence ». 

La disparition prévue d’Emploi Québec inquiète elle aussi la LDL. En effet, cet organisme répond à l’exigence posée historiquement par l’Organisation internationale du travail (OIT) de maintenir au sein de l’État membre des services publics de l’emploi. « Les services publics de l’emploi visent entre autres à garantir, dans le déploiement de l’offre d’emploi, le respect des droits du et au travail, dont la liberté fondamentale de choisir librement un emploi », explique Lucie Lamarche. 

La LDL s’indigne des fausses prémisses sur lesquelles s’appuie le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour justifier la nature de son projet de loi. En effet, le ministre Hamad a affirmé qu’il fallait briser le cycle de pauvreté, surtout s’il s’agit de jeunes aptes à travailler. Or, les données relatives au profil des prestataires de la sécurité du revenu au Québec, à l’évolution des inégalités de revenus ainsi que la nature des difficultés rencontrées par certain-e-s prestataires dans leurs démarches pour intégrer le marché du travail démontrent que ces prémisses s’avèrent sans fondement. Ces données confirment plutôt la complexité de la situation dans laquelle se trouvent les personnes qui doivent avoir recours à cette aide « de dernier recours ». « Le ministre devrait  élaborer des stratégies qui tiennent compte de cette complexité plutôt que de se livrer à une lutte à l’égard des prestataires de l’aide sociale qui s’avère finalement idéologique et qui repose sur la mise en place de mesures discriminatoires portant atteinte aux droits humains », conclut Lucie Lamarche.

 

À propos de la Ligue des droits et libertés

La LDL est un organisme à but non lucratif, indépendant et non partisan, issu de la société civile québécoise et affilié à la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Depuis plus de 50 ans, elle milite en faveur de la défense et de la promotion de tous les droits humains reconnus par la Charte internationale des droits de l’homme.