Que faire avec les immigrants qui ne respectent pas leur engagement à apprendre le français?

2016/02/04 | Par Pierre Dubuc

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) a publié un important rapport de recherche faisant le point sur les pratiques du gouvernement du Québec en matière de francisation et d’intégration des immigrants depuis 1991.

Une de ses principales conclusions est que plus de 200 000 immigrants, soit 20 % de l’ensemble de la population immigrée du Québec, ne parlaient toujours pas le français en 2011.

Ils étaient, peut-on lire dans le rapport, 159 575 à parler uniquement anglais et 43 255 à ne parler ni français ni anglais. Parmi eux, plus de 111 000 sont arrivés après 1991 dont près de 43 000 entre 2006 et 2011.

« De tels chiffres laissent voir que, contrairement à son objectif de consolider le caractère français du Québec, la politique d’immigration menée depuis au moins 25 ans et la défaillance des programmes de francisation contribuent largement à l’anglicisation de Montréal», constate Jean Ferretti, l’auteur de la recherche.

Le chercheur conclut qu’«il est donc inexact de prétendre que la population immigrée anglicisée serait celle des contingents anciens. Les arrivées récentes contribuent de manière importante au recul du français »

 

40 % ne s’inscrivent pas

Le rapport relève que plus de 40 % des immigrants déclarant ne pas connaître le français en arrivant au Québec ne s’inscrivent pas aux formations de francisation. Cette proportion est stable depuis 1991 et monte à plus de 50 % pour certaines communautés.

Une partie de l’explication réside dans le fait que « depuis 2011-2012, alors que le nombre d’immigrants ne connaissant pas le français est en augmentation, le financement des programmes de francisation diminue dans l’ensemble des ministères concernés par la francisation (MIDI, MELS et MESS) ».

Une situation d’autant moins justifiable que parallèlement, sur la période 2010-2012 à 2014-2015, le ministère de l’Immigration a retourné environ 70 M$ de crédits autorisés au fonds consolidé.

 

Un engagement non tenu

Mais cela ne constitue qu’une partie du problème. Dans son rapport, Jean Ferretti rappelle que, depuis 2011, les candidats à l’immigration au Québec doivent signer la Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise, qui implique notamment un engagement à apprendre le français, afin de voir leur demande d’immigration acceptée.

Cependant, constate-t-il, « cette Déclaration n’est pas respectée dans de nombreux cas » et « ni les incitatifs financiers ni les bénéfices en termes d’accès au marché de l’emploi ne semblent suffisants pour motiver certains individus à apprendre le français ».

Alors, que faire? Ferretti souligne que Benoit Dubreuil et Guillaume Marois dans leur livre Le Remède imaginaire évoquent l’idée de rendre la perception de certaines aides publiques conditionnelle à la fréquentation des cours de français.

Mais Ferretti écarte, avec raison cette mesure parce qu’elle a « l’inconvénient de ne pénaliser que les immigrants démunis ». Une alternative, selon lui, « consisterait à augmenter les allocations de participation à ces cours ».

Mais l’expérience démontre qu’il n’est pas certain qu’une telle mesure serait efficace et suffisante.

 

Le français, un préalable pour l’obtention de la citoyenneté

Dans l’édition du mois d’octobre 2016 de l’aut’journal aussi disponible sur notre site Internet – Charles Castonguay, reprenant une proposition émise par Jacques Godbout, il y a plusieurs décennies, a plutôt proposé que « tout nouveau résident du Québec fasse preuve d’une connaissance appropriée du français avant d’obtenir la citoyenneté canadienne ».

De même, lors de la dernière campagne électorale fédérale, l’Institut de recherche sur le Québec a invité les partis politiques en lice à « rendre l’octroi de la citoyenneté canadienne conditionnel à une connaissance suffisante du français pour les personnes résidant au Québec ».

Selon le professeur Castonguay, « que l’obtention de la citoyenneté canadienne passe, pour tout résident du Québec, par une connaissance préalable du français, doterait par ailleurs d’un minimum de concret la reconnaissance par Ottawa de la nation québécoise ».

Selon lui, pour faire en sorte qu’un nouvel arrivant domicilié au Québec soit tenu de connaître le français avant d’obtenir la citoyenneté canadienne, il ne serait pas nécessaire qu’Ottawa convoque une conférence constitutionnelle. Il lui suffirait de modifier en ce sens sa loi sur la citoyenneté.

Charles Castonguay précise que « la connaissance du français exigée des candidats à la citoyenneté au Québec pourrait être du même niveau que celle du français ou de l’anglais qu’exige actuellement la loi sur la citoyenneté. Cela comporterait néanmoins une puissante charge symbolique qui orienterait sensiblement les esprits en faveur de l’usage du français comme langue publique commune ».

Il ajoute : « Tout comme Québec a plaidé la nécessité de sa Charte de la langue française en soulignant l’anglicisation démesurée de ses nouveaux arrivants, il pourrait appuyer sa nouvelle revendication en faisant valoir que le poids de sa population francophone s’effondre maintenant comme jamais. Celui-ci a en fait atteint en 2011 son plus faible niveau enregistré depuis 1871 ».