Trois jours sans eau à Montréal

2016/02/04 | Par Normand Beaudet

L’humain peut vivre plusieurs semaines sans manger, mais ne peut vivre plus
de trois jours sans eau. En matière de sécurité civile, la question de
l’approvisionnement d’une communauté en eau est un enjeu jugé comme critique.
C’est une priorité absolue!

Imaginez maintenant qu’on doive fermer l’approvisionnement en eau de la
grande région de Montréal, pour une durée indéterminée. C’est la pagaille, les
gens se ruent et vident les commerces des cruchons d’eau. Les autorités savent
que les réservoirs gravitationnels de la ville de Montréal ne leur donnent que
quelques jours, tout au plus. Les dirigeants n’ont qu’un certain nombre d’heures
pour organiser un approvisionnement alternatif pour des millions de personnes en
eau potable. Le grand Montréal est arrêté plus rien ne fonctionne, même les
pompiers n’ont plus d’eau… .Doit-on évacuer Montréal et ses banlieues?

Scénario catastrophe, peu plausible vous croyez? Et bien détrompez-vous? Ce
n’est pas du cinéma, c’est la réalité qui tracasse les autorités de la sécurité
civile depuis la mise en fonction de la ligne 9B de Enbridge, autorisée par
l’Office fédéral de l’Énergie.

La ligne 9B, c’est ce vieux pipeline de gaz qui permet maintenant à des
centaines de milliers de gallons de bitumineux dilué par des chimiques de
franchir le fleuve dans le coin de Saint-André d’Argenteuil. C’est maintenant
une douzaine de tuyaux d’approvisionnement en hydrocarbures qui traversent le
fleuve en périphérie du Lac des Deux-Montagnes, à proximité et en amont des
prises d’eau de la grande région de Montréal. Pour les dirigeants le controversé
pipeline Transcanada, n’est que le tout dernier dans la liste; la goutte qui
fait déborder le vase en quelque sorte.

Notons ici qu’un tout récent rapport de la Polytechnique a été commandé par
le gouvernement du Québec sur les bonnes pratiques en matière de traverses de
cours d’eau. La conclusion, on devrait forcer ces tuyaux à traverser le fleuve
dans un tunnel, isolant les hydrocarbures de l’eau, et cette pratique devrait
s’appliquer à tous les pipelines qui traversent des cours d’eau à important
débit.

La profonde inquiétude des autorités vient du fait qu’aucune des
installations de la grande région de Montréal n’est équipée pour purifier une
eau contaminée par des hydrocarbures. Une fuite de pétrole brut créerait des
dépôts persistants à proximité des puises d’eau et polluerait
l’approvisionnement en eau de millions de citoyens pour des périodes qu’aucun
spécialiste ne peut présentement déterminer.

Loin du caprice politique, l’opposition de nos dirigeants au projet
Transcanada ressemble de plus en plus à un choix entre l’approvisionnement
sécuritaire en eau ou l’exportation d’hydrocarbures. Comme être vivant composé à
60 % d’eau, la réponse à ce dilemme nous semble clair et limpide.



Photo : AP