Trudeau-Notley-Wynne : ménage à trois pour le pipeline

2016/02/12 | Par Pierre Dubuc

C’est la grande histoire d’amour entre le premier ministre Justin Trudeau et la première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne.

Kathleen a fait campagne pour Justin, lors de la dernière campagne électorale fédérale, et maintenant Justin lui prête main forte pour l’élection partielle dans la circonscription de Whithby-Oshawa.

Derrière cette relation privilégiée, il y a le fait qu’un grand nombre de membres de l’entourage du Premier ministre, dont son chef de cabinet Gerald Butts, ont fait leurs classes dans le gouvernement libéral de Dalton McGuinty, le prédécesseur de Mme Wynne à la tête du Parti libéral ontarien.

 

Ménage à trois

Mais, au cours des dernières semaines, le couple s’est agrandi pour devenir un ménage à trois avec l’inclusion de Rachel Notley, la première ministre de l’Alberta.

Justin Trudeau s’est rendu à Calgary pour « venir au secours de l’Alberta » et promettre qu’il fera tout en son pouvoir « pour acheminer le pétrole de l’Alberta à l’étranger ».

Auparavant, Rachel Notley avait rendu visite à Kathleen Wynne et les deux s’étaient mises d’accord « pour faire avancer le projet de pipeline Énergie-Est le plus rapidement possible ».

En fait, derrière ce ménage à trois, il y a plus que la présence de conseillers politiques jouant à la chaise musicale.

Une étude de Charles St-Arnaud, économiste chez Nomura, vient de révéler que les prêts directs des grandes banques canadiennes aux groupes pétroliers et gaziers sont évalués à 42 milliards $, soit 6% des prêts commerciaux.

En prenant en compte les secteurs dépendant directement de l’industrie pétrolière, l’exposition des grandes banques canadiennes s’élève à 123 milliards $, soit 17% des prêts commerciaux.

Pas étonnant que la presse albertaine et la presse ontarienne aient uni leur voix dans un concert de « Québec bashing » pour décrier l’opposition des maires de la communauté urbaine de Montréal au projet Énergie-Est.

Déjà, Bay Street a donné sa bénédiction aux propositions environnementales et l’industrie pétrolière s’est même dite favorable à une taxe sur le carbone!

Une taxe sur le carbone, accompagnée d’objectifs de réduction d’émission de GES, améliorera l’image du Canada sur la scène internationale. Avec un tel certificat de bonne conduite environnementale, les pétrolières espèrent pouvoir faire débloquer le dossier de la construction d’oléoducs, comme Énergie Est, dont elles ont impérativement besoin.

 

Justin renie son père

Justin Trudeau répète à tous vents qu’il se veut rassembleur et s’oppose à tout ce qui, selon lui, divise le pays.

Curieusement, tout ce qui divise concerne le Québec : la reconnaissance de la nation québécoise, la Charte de la laïcité, la réouverture de la Constitution, le registre des armes à feu…

Mais son attitude est toute autre lorsqu’il s’agit de l’ouest du pays. Durant la campagne électorale, il est allé jusqu’à renier la principale politique économique de son père – la Nouvelle politique économique (NEP) –, en affirmant qu’il « est mauvais d’utiliser nos richesses naturelles pour diviser les Canadiens ».

PET avait fait adopter la NEP dans le but d’approvisionner en pétrole l’industrie manufacturière de l’Ontario et du Québec à un prix inférieur au prix mondial afin de renforcer sa position concurrentielle.

Justin Trudeau promet de ne pas le refaire : « C’était la mauvaise manière de gouverner dans le passé, c’est mauvais aujourd’hui et ce sera mauvais dans l’avenir. Je vous le promets : je n’utiliserai jamais les richesses de l’Ouest comme outil de division afin de gagner des votes dans l’Est » (cité dans Hughette Young, Justin Trudeau, l’héritier (VLB Éditeur).

Bien entendu, la construction du pipeline Énergie-Est n’est pas un « outil de division ». Après tout, il n’y a que le Québec qui s’y oppose !