Seulement 88 députées sur 338 élus au Parlement

2016/03/07 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois.

Lors de l’élection de la 42e législature, le 19 octobre dernier, un nombre sans précédent de femmes ont été élues à la Chambre des communes, soit 88 députées.

Il est important de féliciter chacune d’entre elles, comme cela s’est fait le 17 février, lors d’une soirée non partisane à Ottawa. Mais il faut aussi saluer le courage de chaque candidate, de quelque parti que ce soit, qui s’est présentée à la dernière élection fédérale. Car la décision de se porter candidate n’est pas évidente, croyez-moi.

Plusieurs auront constaté, au fil de leur parcours politique, qu’on ne dépeint pas, encore aujourd’hui, une candidate comme un candidat. Parfois, la différence réside dans le choix des questions qu’on nous pose.

À titre d’exemple, pour une raison qui m’échappe, les journalistes sont souvent moins intéressés à l’opinion de nos collègues masculins sur la conciliation travail-famille. D’ailleurs, de mémoire, je ne me souviens pas avoir vu une seule ligne publiée sur les habits et choix de cravates de mes collègues, à moins qu’il s’agisse de Justin Trudeau, ni sur leur coiffure… alors que vous vous doutez bien que je me suis fait parler de la mienne plus d’une fois!!

Mais toutes les candidates, aux dernières élections, ont trouvé la force nécessaire pour devenir des personnages publics, parce qu’elles étaient animées d’un désir profond et sincère de changer et d’améliorer la société dans laquelle nous vivons.

Finalement, 88 femmes se retrouvent à la Chambre des communes. En chacune d’elles, je reconnais une grande qualité commune : l’audace. Parce que, bien avant d’être choisies par nos électrices et nos électeurs comme leurs représentantes, nous avons dû faire preuve de cette audace plus souvent qu’à notre tour, au cours de nos carrières respectives.

Encore aujourd’hui, il subsiste bon nombre de défis et d’inégalités auxquels font face les femmes sur le marché du travail. Encore aujourd’hui, plusieurs sont confrontées à un plafond de verre dans leur milieu professionnel ou même académique.

Après m’être battue contre ces injustices toute ma vie avec le mouvement syndical, force m’est de constater qu’il reste énormément de travail à faire, y compris dans l’enceinte de cette Chambre des communes, où j’ai vu, de mes yeux vu, des hommes et des femmes, encore aujourd’hui, prêts à se lever, à se battre et à voter CONTRE l’équité salariale !

Non, tout n’est pas rose à Ottawa. S’il est admirable qu’un nombre record de députées y siègent, à 88 femmes sur 338 élus, la parité n’est pas pour demain! Nous constituons aujourd’hui 26 % des représentants du peuple, soit à peine le quart. Lors de l’ouverture de la 39e législature, les femmes représentaient 20,87 % des élus.

Si je me réfère à ces données, c’est pour que l’on réalise que le nombre de femmes au Parlement a augmenté de 6 % en une décennie. À ce rythme, la parité sera atteinte…en 2056. Dans 40 ans ! Parmi la cohorte féminine record de cette année, combien seront encore en vie pour voir l’égalité homme-femme incarnée dans leurs institutions démocratiques ?

Il serait de bon ton d’accélérer le rythme un tantinet, non?

Je m’en porte garante. Il n’y a pas pénurie de femmes de tête, de femmes fortes et brillantes, animées du désir irrépressible d’améliorer leur monde. Il faut aller les chercher et les convaincre que la politique est un milieu de choix pour réaliser ses aspirations, se réaliser.

Je suis bien placée pour savoir que les partis politiques essaient de les convaincre. Les assemblées législatives savent qu’elles doivent être exemplaires dans notre société.

Je sais aussi qu’une généreuse proportion d’hommes souhaitent cette parité.

Mais il subsiste des préjudices insidieux à l’égard des femmes, aussi subtils que dommageables, qui limitent, en amont, le nombre d’entre elles qui atteindront le sommet de leurs ambitions.

Trop souvent, j'ai vu le travail des femmes ne pas être reconnu à sa juste valeur. Trop souvent, j'ai vu le mérite de leur travail être dilué, voire repris par d'autres. Trop souvent, j'ai vu la différence de ton lorsqu’il s’agit de respecter l'autorité d'un homme ou d'une femme. Trop souvent, j'ai vu les mêmes qualités qui font d'un homme un « leader » ou un « jeune loup » se transformer en « folle » ou en « ingérable », lorsqu’il s’agissait d’une femme.

Pour qu’il y ait des femmes politiciennes, il faut des entrepreneuses, cinéastes, gestionnaires, syndicalistes, scientifiques, universitaires, musiciennes, productrices, journalistes, comédiennes; des femmes de tous horizons, qui vont où elles le veulent bien, mais surtout au bout de leurs rêves.

Le 8 mars, nous célèbrerons ensemble la Journée internationale de la femme.

N’hésitons surtout pas à les saluer, ces audacieuses.