Énergie Est au Nouveau-Brunswick : l’opposition s’organise

2016/03/10 | Par Pierre-Luc Baril

Depuis le cadre du projet Énergie Est de la compagnie TransCanada, le Nouveau-Brunswick accueillerait un imposant port pétrolier à Saint-Jean. Sous prétexte de retombées économiques et de la création d’emplois, le premier ministre libéral Bryan Gallant ne ménage pas les efforts en faveur de l’oléoduc.

Lors d’une session d’information, tenue le 11 février dernier à Edmundston, dans le nord-ouest de la province, les représentants de la ville expliquaient les enjeux auxquels la municipalité doit faire face, comme des dizaines de municipalités longeant le tracé du pipeline. Il s’agit de la sécurité de son bassin hydrographique où les zones urbaines du secteur puisent leur eau potable.

L’aqueduc d’Edmundston est desservi par deux bassins hydrographiques : celui de la rivière Iroquois et celui du ruisseau à Blanchette. Le bassin du ruisseau Blanchette se situe à six kilomètres au sud-ouest du tracé préliminaire de l’oléoduc. Il en est autrement du bassin de la rivière Iroquois que le pipeline traverse sous terre. Dans l’éventualité d’une fuite de pétrole brut, c’est l’ensemble du réseau hydrographique du secteur Iroquois qui serait contaminé et, par le fait même, l’aqueduc d’Edmundston.

D’autre part, le bassin Iroquois est séparé par la frontière entre le Québec et le Nouveau-Brunswick. Tandis que le segment néo-brunswickois contient deux cours d’eau, la rivière Iroquois et le ruisseau Bélanger, le segment québécois de son côté abrite quatre ruisseaux, soit les ruisseaux Dufour, Ritchie, Victoire et du Coin. Une fuite dans un seul cours d’eau du bassin Iroquois risquerait de contaminer les autres.

La municipalité, dès l’annonce du projet en 2013, a demandée des modifications au tracé. Selon les propos de M. Cyrille Simard, maire d’Edmundston, TransCanada a pris en compte les demandes faites par la ville. Cependant, un contournement complet du bassin Iroquois, incluant la partie en territoire québécois, obligerait la compagnie à ajouter soixante kilomètres au tracé original. C’est une demande qui peut sembler bien extravagante pour une municipalité d’environ 16 000 habitants.

Transcanada ne pouvant garantir un risque nul, malgré son système de surveillance, la contamination de la source d’eau potable de la ville et son infiltration dans l’aqueduc prendrait au mieux huit heures, au pire soixante-quinze minutes.

Dans un tel scénario, il faudrait décontaminer l’aqueduc et construire une usine de filtration d’eau qui s’approvisionnerait dans la rivière Saint-Jean, si celle-ci n’est pas touchée par le déversement, bien entendu. Des conséquences dont le maire d’Edmundston se refuse à faire porter le prix à ses citoyens. « L’accès à l’eau est non-négociable », a-t-il rappelé lors de la rencontre du 11 février 2016.

Sébastien Duguay, coordonnateur en développement durable à la ville d’Edmundston, rappelait, lors de cette rencontre, que le tracé actuel traversait un grand nombre de cours d’eau alimentant Edmundston en eau potable, que le délai de contamination en cas de fuite était beaucoup trop court, et qu’Edmundston ne bénéficiait pas d’une source d’eau potable alternative fiable.

De plus, c’est toute la population d’Edmundston, celle de la communauté des Premières Nations malécites ainsi que tous les gens desservis par le bassin hydrographique qui sont à risque, soit près de 33 000 personnes.

De son côté, le maire a également profité de la rencontre pour rappeler que ce projet est du ressort du fédéral et que, comparativement à Montréal, le bassin hydrographique ne se trouvait pas sur son territoire. Il expliqua également que la situation d’Edmundston est la même que celle de North-Bay. Rappelons que North-Bay s’est ouvertement opposé au projet.

Depuis l’annonce de la position adoptée par la Communauté Métropolitaine de Montréal face au projet Énergie Est, le Québec fait face à des tirs groupés. Cependant, on constate que les préoccupations découlant de ce méga projet canadien sont également partagées par d’autres communautés, directement à risque par le passage de l’oléoduc.

L’argument économique ne s’impose pas toujours face à ceux de l’environnement et de la santé. Preuve que l’appui indéfectible de certains gouvernements provinciaux au projet Énergie Est est loin de faire l’unanimité dans leurs populations respectives et que l’opposition ou la réticence à ce projet n’est pas qu’une affaire québécoise.