Les deux visages climatiques de Justin Trudeau

2016/03/29 | Par Monique Pauzé

À la fin de l’automne dernier, je participais à la Conférence de Paris sur le climat. Les scientifiques et dirigeants du monde entier s’y sont entendus sur la nécessité d’agir énergiquement et immédiatement pour endiguer les changements climatiques.

Parmi ceux-ci se trouvaient le premier ministre canadien Justin Trudeau, de même que la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna. Cette dernière expliquait que « les changements climatiques sont indéniables et nous n’avons plus le temps d’en débattre. Il est urgent pour nous de relever ce défi ».

M. Trudeau, quant à lui, déclarait que « le Canada peut faire davantage pour s'attaquer au problème mondial que représentent les changements climatiques, et il agira en ce sens. Nous le ferons parce que la science est incontestable et qu'elle nous dit que les changements qui ont commencé à toucher notre planète auront de profondes répercussions sur notre avenir ».

Quelle ne fut donc pas ma surprise, revenue dans ma circonscription de Repentigny, de constater que ce même gouvernement avait l’intention d’aller de l’avant dans le dossier de l’oléoduc Énergie Est. Pourtant, n’est-il pas contradictoire de lutter contre les changements climatiques en encourageant une hausse de 40 % de la production d’une des industries les plus polluantes au monde?

Le Québec fait partie de ces États qui font de vrais efforts dans la lutte aux changements climatiques. Avec notre bourse du carbone, cofondée avec la Californie, avec nos industries innovantes et le virage vers les énergies vertes que nous prenions, dès les années 60, en misant sur notre hydro-électricité, nous avons déjà (heureusement!) les deux pieds dans le 21e siècle.

Pas étonnant, donc, que bon nombre de Québécoises, de Québécois, de communautés des Premières Nations et d’organisations d’ici s’opposent au passage du pipeline Énergie Est sur notre territoire.

Pas étonnant que l’on ait des craintes lorsqu’on apprend qu’en plus du pétrole bitumineux de l’Ouest, l’oléoduc servira à faire transiter le pétrole de schiste hautement inflammable du Dakota du Nord.

Pas étonnant que l’on s’interroge sur la validité d’un tel projet alors que son promoteur, TransCanada, a démontré devant le BAPE qu’il n’avait pas la moindre idée des impacts concrets d’un déversement dans un cours d’eau.

Ce sont pourtant 121 000 litres de pétrole par minute qui passeraient à travers 830 de nos cours d’eau, dont notre fleuve. Nous savons pourtant qu’un litre de pétrole déversé peut contaminer un million de litres d’eau.

Et nous savons aussi que la compagnie, selon sa propre évaluation non corroborée par une source externe, serait incapable de colmater un déversement avant 13 minutes.

Rappelons que cet été, en Alberta, une brèche dans un pipeline tout neuf a causé un déversement de 5 millions de litres de produits pétroliers avant que la compagnie propriétaire puisse réagir.

Le premier ministre Trudeau parle de resserrer la qualité des évaluations environnementales vue l’incurie de l’Office national de l’énergie, qui a été vertement critiquée par la commissaire à l’environnement en janvier dernier.

Il y était, pourtant, à Paris! De quelle autre évaluation environnementale a-t-il besoin sinon celle faite par tous les dirigeants et scientifiques du monde, comme quoi il faut se sortir de notre dépendance au pétrole? Le Premier ministre semble pourtant déterminé à siphonner jusqu’à la dernière goutte de pétrole bitumineux albertain.

Il doit pourtant comprendre que l’âge de pierre n’a pas pris fin parce qu’il n’y avait plus de pierres; l’âge de pierre a pris fin parce que l’humanité s’est mise à faire mieux! Une malheureuse conclusion s’impose : Ses engagements pris envers la communauté internationale de lutter contre les changements climatiques n’étaient que du vent, tout comme l’ont été les efforts canadiens dans la foulée du protocole de Kyoto.

Après avoir fait payer les contribuables québécois pour grassement subventionner l’industrie pétrolière de l’Ouest, au détriment de nos propres industries, le fédéral tente de nous imposer un pipeline qui ne profitera qu’aux autres. Un pipeline qui viendra ajouter aux risques déjà élevés liés au transport par train, qui lui aussi augmentera au Québec.

Mais on demandera au Québec de se sacrifier, car ce serait dans l’intérêt général du Canada. Or, chez nous, personne ne reconnait à l’Office national de l’énergie, à Calgary, la légitimité pour choisir au nom des Québécoises et Québécois les risques qu’ils considèrent comme acceptables et les orientations économiques qu'ils estiment souhaitables.

Mon collègue Luc Thériault, député de Montcalm, parraine en ce moment même une pétition contre l’oléoduc Énergie Est. Il s’agit d’une initiative citoyenne non partisane, appuyée par le Parti vert du Canada et Équiterre. Soyons nombreuses et nombreux à faire entendre notre voix. Parce que nous sommes maîtres chez nous, parce que nos regards sont tournés vers l’avenir, c’est à NOUS de dire NON à Énergie Est.

www.PetitionContreEnergieEst.quebec

L’auteure est députée du Bloc Québécois.