Unifor syndicalise 200 employés de Bell

2016/04/04 | Par Rose St-Pierre

Le 21 et 22 mars derniers, les travailleuses et les travailleurs du service à la clientèle de Bell Télé ont été appelés à se prononcer sur leur possible syndicalisation. C’est dans une proportion de 80 % que les salariés ont choisi le syndicat Unifor pour les représenter. Un vote sans équivoque et courageux, car comme le précise John Caluori, directeur adjoint chez Unifor. « Bell est un employeur sans merci. C’est dur de négocier et dur de se syndicaliser avec Bell. En mon sens, les employés ont fait preuve de courage, mais ils ont aussi pris la meilleure décision de leur vie. »

Certains se rappelleront de la fermeture de plusieurs boutiques appartenant à Bell Canada à l’été 2008, fermetures qui semblaient étrangement liées au processus de syndicalisation entamé par le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP-FTQ). Les sept magasins – trois à Montréal, un à Granby, un à Québec et deux à Ottawa – ont été fermés en raison de leur faible rentabilité, assurait-on du côté de Bell. Une boutique à Montréal, le magasin de Québec et de Granby étaient alors en processus de syndicalisation avec le SCEP, qui a depuis fusionné avec les TCA pour former Unifor.

Les salariés au service à la clientèle de Bell Télé, soit environ 200 personnes, majoritairement des femmes et des immigrantes, ont donc manifesté leur volonté de façon claire. « Un vote à 80 %, pour 200 employés, c’est plutôt rare. Il est difficile de syndicaliser autant de salariés aujourd’hui sans tenir des campagnes de longue haleine », déclare John Caluori. M. Le vote est en effet intervenu après une campagne de recrutement très rapide auprès des travailleurs basés à Dorval.

Ce vote secret, maintenant une étape obligatoire depuis l’adoption du nouveau Code canadien du travail, fait suite à un processus d’accréditation qui prévoit que des cartes d’adhésion au syndicat soient déposées de façon majoritaire. Même si un peu plus de 70 % des salariés se sont procurés une carte de membre, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) demande maintenant un vote secret obligatoire.

Cette nouvelle étape permet souvent à l’employeur de décourager ses employés et de faire campagne activement pour bloquer le processus de syndicalisation. Dans le cas de Bell, la proportion de salariés souhaitant s’affilier à Unifor était encore plus importante au moment du vote obligatoire.

« C’est environ 10 % d’employés de plus qui ont choisi de nous faire confiance. C’est fascinant! Généralement, on observe toujours une réduction. Ça nous a énormément surpris. À ce sujet, il faut féliciter le travail de l’équipe de recrutement dans ce dossier », mentionne M. Caluori.

Entre le dépôt des cartes de membre et le vote secret s’écoulent deux semaines, où l’employeur réunit généralement les salariés pour leur promettre des augmentations ou de meilleures conditions de travail. Mais pour M. Caluori, Bell n’a pas réussi à convaincre ses employés parce que l’employeur n’a plus aucune crédibilité auprès de l’équipe au service à la clientèle.

« Lorsqu’on promet des augmentations de salaire depuis 7 ans, mais qu’on a toujours rien offert, on perd toute crédibilité. Plus l’employeur en promet, plus les employés sont convaincus de se syndicaliser. Ça a peut-être achevé de souder cette équipe qui a réalisé qu’on était dorénavant trop avancés pour reculer. »

Depuis plusieurs années, le syndicat Unifor a tenté à plusieurs reprises de syndicaliser ce groupe de travailleurs, sans succès. L’écho de la fermeture des boutiques de Bell Canada n’était pas sans conséquence. « Aux campagnes de sensibilisation menées par le syndicat, l’employeur répondait avec des campagnes de peur et des congédiements. On a toujours échoué à syndicaliser. Menaces, transferts, fermetures; on était prêt à tout pour bloquer le syndicat. »

Mais cette fois-ci, les employeurs ont eu écho d’une initiative d’Unifor qui souhaitait questionner le CCRI sur l’inclusion des employés de Bell Télé dans la convention collective des employés de bureau de Bell (affilié à Bell Canada). En effet, si la plus grande compagnie de télécommunication au pays offre maintenant des services internet, de téléphonie, de télévision et de mobilité, la clientèle peut difficilement distinguer ces différentes entités.

« L’employeur considère toujours ces bureaux comme différents. Le traitement varie d’un secteur à un autre, alors que le client, lui, considère Bell comme un tout. Après tout, on compose le même numéro de téléphone, peu importe le service », précise M. Caluori. Unifor avait donc opté pour la voie légale afin de syndicaliser les employés du service à la clientèle.

Le CCRI a donc dû afficher la demande dans les bureaux de Bell et c’est par ce moyen que les employés ont pris connaissance de l’initiative d’Unifor. « À partir du moment où le CCRI a affiché dans les lieux de travail, on a reçu plusieurs appels. C’est véritablement ce qui a fait lever la campagne. En une semaine, on avait mobilisé tous les salariés. »

La première assemblée du syndicat se tiendra dans les semaines à venir. On veut rapidement procéder à l’élection d’un exécutif et d’un comité de négociation. On recueillera ensuite les demandes des membres afin d’élaborer un cahier de négociations.

Chez Bell Télé, les vacances et les horaires sont établis en fonction de la productivité des employés et non pas de leur ancienneté. « C’est une aberration », explique M. Caluori. Les cibles de performance sont constamment modifiées et cela tend à créer une compétitivité entre les travailleurs.

M. Caluori indique ne pas être sans crainte pour la suite. « Il y a toujours des craintes, bien sûr, surtout quand on travaille avec Bell qui est un énorme employeur qui n’a pas froid aux yeux. Mais pour l’instant, on n’en est pas à craindre des congédiements, ou autre chose. Les négociations entre Bell et Unifor mènent souvent à de bons résultats. »

Les salariés du service à la clientèle viendront ainsi joindre la grande famille Unifor chez Bell, où le syndicat représente des milliers de membres, employés de bureau et techniciens.