Les conséquences du départ de Thomas Mulcair

2016/04/20 | Par Bruce Mabley

Le weekend dernier, l’ex chef du NPD fédéral Thomas Mulcair a subi une défaite aussi humiliante qu’inattendue.  Les raisons expliquant ce débâcle sont bien diverses.  D’abord, le fait d’avoir fait un gâchis de la dernière élection fédérale en octobre 2015 avec la perte de 59 sièges n’a sans doute pas aidé. Au moment du déclenchement des élections, il semblait très possible que le NPD puissent accéder au pouvoir alors que le Parti libéral tirait de l’arrière en troisième place. Au terme d’une longue campagne électorale, laquelle brillait par sa prudence et son centrisme politique, le NPD n’arrivait plus qu’à panser ses blessures.

D’autres observateurs ont souligné l’incohérence entre le passé libéral et centriste de Monsieur Mulcair et les valeurs traditionnelles du NPD – budget déficitaire, pro-environnement à outrance jusqu’à s’opposer aux pipelines et à l’exploitation des sables bitumineux, vues sur la question palestinienne et, bien sûr, le Leap Manifesto. Il y aurait eu donc clivage idéologique que Mulcair était incapable de franchir.

Et pourtant, tout n’était pas joué avant le vote de dimanche dernier.  À tout le moins, Mulcair aurait pu plaider en faveur d’un délai de deux ans après quoi, il aurait pu choisir de quitter ou présenter sa candidature de nouveau.  Le NPD n’était même pas obligé de le renvoyer dimanche dernier. Par ailleurs, presque tout le monde reconnaissait sa valeur en tant que parlementaire habile. Il a quasiment battu Harper par lui-même en chambre. Cependant, les militants lui ont montré la porte tout de suite. En attendant, il ferait son chemin de croix à la Chambre des communes comme chef politique déchu.

Monsieur Mulcair vient de subir une des pires défaites dans l’histoire de la politique canadienne. Pourquoi? Qui a voté contre Mulcair? Citons d’abord et avant tout l’establishment pro-syndicaliste ontarien du NPD, qui n’a jamais digéré la mort le Layton et le transfert du centre névralgique de leur parti vers le Québec français. 

Il ne faut pas oublier non plus les auteurs du Leap Manifesto, eux qui  ne pouvaient pas accepter la position de Mulcair ni sur le déficit, ni sur la politique étrangère. N’oublions pas les NPD des prairies qui ont voté contre lui en raison du fait que  ce dernier n’a pas pu rejeter les provisions énergétiques du Leap, ni empêcher que le débat sur ce le Leap puisse se prolonger pendant les deux prochaines années chez le NPD.

Au Québec, Mulcair a eu de votes mais moins que prévus. C’est tout simplement que la plupart des NPD francophones au Québec sont bel et bien des souverainistes. La position de Mulcair sur le port du niqab, et sa logique en droit anglais, n’a fait qu’aliéner l’aile québécoise du parti et des appuis populaires, ce qui n’a pas manqué de donner un nouvel élan au Bloc québécois.

Au Québec, la population a rejeté le port du niqab au nom des valeurs nationales comme celles incarnées par la Charte des valeurs québécoises du Parti québécois. Dans le reste du Canada,  le niqab, quand il fut mise en cause, c’était pour des raisons de liberté individuelle et non pas au nom d’une vision ou projet national.

Déjà on sentait que le NPD allait payer les frais de cette différence  fondamentale entre deux nations et deux peuples à l’autel de leur politique sur le port du niqab.

En un mot, les militants francophones NPD au Québec à quelques exceptions près ne partagent pas au fond d’eux-mêmes le sentiment fédéraliste que véhiculait Thomas Mulcair.

Certes, l’histoire allianciste et libérale de Monsieur Mulcair n’a pas aidé. Ceux et celles qui ont voté pour Mulcair étaient pour la plupart des députés NPD qui devait leur siège à la vague orange de part et d’autre. Au Québec, ce fut un vote de solidarité fraternelle, rien de plus. L’idéologie néo- libérale à la Mulcair n’était pas au rendez-vous.

On pense y voir un peu plus clair maintenant. L’establishment NPD voulait redevenir  le centre névralgique et politique du NPD. L’ouest, qui est en pleine crise économique en raison de la chute des prix de pétrole, ne voulait plus se faire représenter par le centre du Canada, et surtout pas par le Québec.

En fait, la défaite de Monsieur Mulcair est aussi la défaite du fédéralisme canadien. L’est contre l’ouest, le schisme idéologique entre le néo-libéralisme de Mulcair et le socialisme du Leap et la vieille histoire toute canadienne du Québec  français contre le reste du Canada.

Dorénavant le NPD au Québec sera marginalisé et épuisé. Leur chef québécois a été humilié d’une manière éhontée devant toute la population canadienne et force est de croire qu’une des conditions gagnantes du référendum sur la souveraineté vient d’être érigée.

Il est donc probable que ceux et celles, qui avaient appuyé le NPD au Québec en 2011 et en 2015, vont graviter vers les partis souverainistes dès la prochaine élection provinciale. Oui, même le NPD fait du ‘Quebec  bashing’ quand c’est le temps. 

La vague orange est terminée au Québec et elle sera vite remplacée par une montée des souverainistes québécois.  Le désaveu cinglant du leadership de Mulcair aurait permis de mettre en relief, une fois de plus, les différences irréconciliables entre le Québec  français et le reste du Canada.