Convergence souverainiste : les conditions de la réussite

2016/04/25 | Par Roméo Bouchard

Le projet de convergence anti-libérale et souverainiste que nous ont proposé récemment dans Le Devoir Pierre-Karl Péladeau et Véronique Hivon est si bien ficelé et si ouvert qu'il n'est pas facile d'en discerner les enjeux concrets. Allons-y progressivement.

 

Une « feuille de route » commune

La première étape à laquelle sont conviés le PQ, QS, ON et les organismes et groupes citoyens souverainistes de partout, autour de la table des OUI-QUÉBEC, c'est une mise en commun des points de convergence.

Plusieurs de ces points de convergence sont déjà évidents: les valeurs de justice sociale et d’égalité, la laïcité des institutions publiques, la place du français, le développement durable, la réforme du mode de scrutin, un processus démocratique d'accès à l'indépendance, et même - c’est nouveau - la création d'une assemblée constituante représentative pour écrire la constitution d'un Québec indépendant « pouvant apporter des réponses progressistes et novatrices à nos défis ».

Tout reste à faire en ce qui concerne le mode d'accession à l'indépendance, mais on sent très bien - tout comme à OUI-QUÉBEC et à ON - qu'on privilégie la stratégie catalane: prise du pouvoir dans une élection de type référendaire, mise en marche de l'indépendance, assemblée constituante avec mandat souverainiste et, pour clore le processus, référendum sur le projet de constitution du pays.

Tout reste aussi à discuter en ce qui a trait à la nature de l'assemblée constituante, sachant bien que QS, dans son programme actuel qui sera rediscuté en mai, propose une Constituante ouverte élue au suffrage universel, alors que d'autres préconisent un mandat souverainiste et des membres tirés ou sort ou simplement désignés par le gouvernement.

Mais le fait que l'assemblée constituante figure désormais comme un pivot central de la convergence constitue une victoire énorme pour les promoteurs du projet constituant dont les partis, y compris QS, ne parlaient à peu près pas il n'y a pas si longtemps. On parle de moins en moins de souveraineté de l’État seulement, et de plus en plus du pays et de la démocratie que nous voulons. Au moins, le débat public sur la Constituante et la Constitution peut maintenant commencer.

 

Une coalition électorale et parlementaire

Mais pour permettre aux souverainistes de prendre le pouvoir, si possible majoritairement, et donc de mettre leur « feuille de route » en application, il faut une coalition électorale et parlementaire, ce qui n'est pas facile avec un scrutin à majorité simple et un système parlementaire britannique où le gouvernement peut échoir au parti qui arrive le premier, même avec un pourcentage de vote de 30%, comme ça s'est déjà vu. Les votes des partis souverainistes ne s'additionneront que s'ils présentent une liste commune de candidats, et si, une fois élus, ils s'engagent à former un gouvernement comportant des ministres choisis dans tous les partis de la Coalition.

Cette deuxième étape sera difficile pour tous les partis impliqués. Plusieurs modes de répartition des comtés aux partis participants ont été avancés, basés sur les pourcentages de votes obtenus ou anticipés par chaque parti ou sur l'avance des partis dans les différents comtés.

Mais pourquoi n'en profiterait-on pas pour permettre davantage aux citoyens de choisir leur candidat plutôt que de réserver ce privilège aux partis, en tenant des primaires, du moins dans les comtés les plus discutés.

Quant à la répartition des postes ministériels, on a vu que l'élection des souverainistes catalans a failli mal tourner à propos justement de la désignation du premier ministre ou président.

 

L'autre pas à franchir...

Il m'apparaît de plus en plus évident que le pivot de la convergence, comme je le répète depuis quelques années, est la convocation d'une assemblée constituante non partisane et sans mandat autre que de consulter la population en vue de proposer un projet de constitution pour le Québec et de le soumettre au peuple pour adoption par référendum.

Pour que cette assemblée constituante soit non partisane et représentative, il faut que les membres en soient désignés par le peuple de tout le Québec et par un processus qui échappe au noyautage par les partis politiques : on s’entend de plus en plus pour dire qu’il faut faire appel, d’une manière ou d’une autre, au tirage au sort.

Il faut aussi que les constituants désignés puissent disposer de toutes les ressources humaines et matérielles nécessaires et que le débat public soit équitablement encadré.

Il faut enfin que l'assemblée constituante soit sans mandat souverainiste et laisse pleine liberté au peuple et aux constituants: Lisée, Michel David et la plupart des indépendantistes s’y refusent par crainte que les fédéralistes y soient majoritaires, mais ils oublient que si les fédéralistes sont toujours majoritaires au terme du processus constituant et du débat qu’il suscitera dans la population, ceux-ci bouderont de toutes façons une constituante pipée d’avance et ils voteront non au référendum final pour l’adoption d’une constitution souverainiste. On ne contourne pas indûment la démocratie par une enfirouapette!

Cet engagement central devrait s'accompagner d'un programme de gouvernement de coalition et de transition pour assurer la gestion des affaires de l'État, dans le respect du mandat et du travail de l'assemblée constituante, jusqu'à la mise en place des nouvelles institutions prévues par la nouvelle constitution.

Les points de convergence à ce chapitre devraient pouvoir être établis assez facilement, dans l'esprit de la déclaration que vient de formuler le PQ: « Le projet de pays ne trouvera sa pleine valeur que s'il permet d'apporter des réponses progressistes et novatrices aux défis qui sont les nôtres ». J'ajouterais: « ...et des réponses démocratiques au défi de la participation permanente des citoyens aux décisions ».