Le Bloc Québécois de plain-pied dans la lutte contre le projet Énergie Est

2016/04/26 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

Au cours des dernières années, peu d’enjeux pancanadiens ont soulevé autant de passion chez les Québécoises et les Québécois que le projet d’oléoduc Énergie Est, de la pétrolière albertaine TransCanada. Le pipeline est un enjeu transversal, qui touche à une multitude de points sensibles.

Il soulève des débats en matière d’environnement, avec ses effets néfastes sur la qualité de l’air et les menaces potentielles sur notre approvisionnement en eau. Il est source de sérieuses interrogations en matière de santé, de droits des peuples autochtones, de juridiction entre les pouvoirs constitutionnels des différents paliers de gouvernements.

Traversant d’ouest en est le territoire québécois, le projet Énergie Est touche au cœur même de l’identité québécoise. Quand le gouvernement fédéral et la compagnie TransCanada n’ont de cesse de déclarer que, légalement, le dernier mot en ce qui concerne le pipeline revient à l’Office national de l’énergie, situé à Calgary, il est inévitable que la dimension nationaliste, voire indépendantiste, surgisse au grand jour.

Car, au-delà de la loi, il y a la légitimité du projet. Et les Québécoises et Québécois sont nombreux à dire haut et fort qu’on ne leur imposera pas de force l’oléoduc.

Alors que la position de Justin Trudeau est un secret de polichinelle, l’opposition à Énergie Est s’organise sur tous les fronts et gagne en vigueur.

La lutte se mène devant les tribunaux, où TransCanada a maille à partir avec le Centre québécois du droit de l’environnement et ses partenaires, les groupes Équiterre, Coule pas chez nous ! et Nature Québec. Même le gouvernement du Québec doit faire appel aux tribunaux pour obliger la pétrolière à tenir compte des lois québécoises.

La lutte se mène aussi dans l’arène politique, où la vive opposition du Bloc Québécois compense le silence assourdissant des députés québécois des autres partis politiques, représentés au Parlement canadien.

À cela s’ajoutent les voix de centaines de maires et mairesses de municipalités québécoises, qui parlent haut et fort contre le passage du pipeline sur leur territoire.

La lutte se mène aussi, et surtout, sur le terrain, où les organismes environnementaux organisent des marches et discutent avec leurs concitoyens pour les convaincre de la nécessité de s’opposer au projet.

Le Bloc Québécois n’est pas en reste. Il a tenu récemment dans une trentaine de circonscriptions québécoises une Journée nationale de promotion de l’indépendance autour du thème d’Énergie Est, une initiative qui – j’en suis très fière – prenait son envol dans ma circonscription de Repentigny.

Le Bloc parraine également une pétition d’initiative citoyenne, conjointement avec le Parti vert, visant à concrétiser l’opposition des gens des quatre coins du Québec au pipeline. Cet enjeu majeur nous commande de dépasser les considérations partisanes.

Faire front commun, c’est aussi la conclusion à laquelle sont aussi arrivées les Organisations Unies pour l’Indépendance (OUI-Québec). Le 2 avril dernier, l’organisme réunissait autour d’une même table tous les partis indépendantistes et des acteurs de la société civile pour discuter de la nécessaire convergence des luttes contre Énergie Est.

Nous avons eu le privilège d’entendre des allocutions de Robert Laplante, directeur général de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), de Gabriel Nadeau-Dubois, d’Alain Therrien du Parti Québécois, de Sol Zanetti d’Option nationale, de Marie-Ève Rancourt de Québec solidaire et de mon collègue et député de Montcalm, Luc Thériault.

Deux conclusions s’imposaient à l’écoute de chacun des discours prononcés. De prime abord, nous devons travailler ensemble pour faire obstacle à Énergie Est, malgré les pressions exercées par la pétrolière TransCanada et le gouvernement fédéral. La division selon les allégeances politiques ne nous permettra pas d’affronter un adversaire aussi puissant que le « complexe pétro-industriel » canadien.

Mais, surtout, tous en viennent à la même conclusion : le Québec ne pourra jamais se doter d’une politique énergétique qui lui ressemble, tant et aussi longtemps qu’il sera assujetti à celle que préconise le Canada.

Car, au-delà des affiliations politiques, des réalités régionales différentes s’affrontent. L’Ouest, riche en pétrole, souhaite l’exploiter au maximum. Le Québec, leader nord-américain en énergie renouvelable, veut miser sur ses forces, comme l’hydroélectricité.

La division actuelle au NPD illustre à merveille cette réalité. En dépit des valeurs progressistes et environnementales à l’origine même de ce parti, les délégations de l’Ouest canadien militent pour augmenter la production de pétrole issu des sables bitumineux. C’est le cœur de leur économie ! Et ces provinces bénéficient de l’appui des gouvernements fédéraux successifs, qui ont tendance à y voir de belles occasions d’affaires.

C’est simple : le Canada se fait sans nous. Le poids du Québec au sein de la Confédération canadienne diminue constamment, alors que le poids de la Confédération canadienne sur le Québec s’accentue.

Lorsque la politique énergétique canadienne est tout à l’avantage des régions pétrolifères, le Québec est ralenti dans ses efforts pour passer aux énergies propres.

Les Québécoises et Québécois financent le quart des dépenses des programmes canadiens. La presque entièreté de l’argent de leurs impôts, destiné au développement des énergies vertes, a abouti dans les mains des pétrolières de l’Alberta !

Les gouvernements fédéraux successifs n’ont pas pris au sérieux le Protocole de Kyoto. Aujourd’hui, les libéraux s’apprêtent à renier, à coups de pipelines, les engagements pris lors de la Conférence de Paris. Au même moment, le gouvernement du Québec se donne de nouvelles cibles de réduction de notre dépendance au pétrole. Un pas québécois en avant, deux pas canadiens en arrière !

L’urgence de changer nos habitudes de consommation d’énergie et notre mode de vie fait l’unanimité au sein des communautés scientifiques et des institutions sérieuses. Nous devrons, nous aussi, faire un choix politique difficile. Car nos différends sont irréconciliables.