Salaire minimum au Québec : l’état des lieux

2016/04/27 | Par IREC

En plusieurs endroits aux États-Unis, des campagnes pour un salaire minimum à 15 $ commencent à porter fruit. Dans l’État de New York, le gouverneur démocrate, Andrew Cuomo, et les deux chambres législatives de l’État ont conclu un accord portant sur l’objectif d’un salaire minimum à 15 $ l’heure. Cette annonce est intervenue quelques jours après un accord similaire en Californie.

Ces juridictions feront passer graduellement, d’ici 2021-2022, le salaire minimum de 9 $ à New York et 10 $ en Californie (contre 7,25 $ au niveau national) à 15 $ selon des mécanismes différents. On estime que 5,6 millions de travailleurs californiens vont bénéficier de la mesure, soit un tiers de la main-d’œuvre de l’État, alors que 2,3 millions de travailleurs new-yorkais en bénéficieront.

Au Québec, le 1er mai prochain le salaire minimum passera à 10,75 $ l’heure. Est-ce une hausse trop modeste ? Est-il possible de faire mieux ? Les comparaisons canadiennes sont éclairantes.

 

La situation canadienne

Au Canada, c’est la Colombie-Britannique qui affiche le plus bas salaire minimum, à 10,45 $ l’heure, alors que l’Ontario détient le taux le plus élevé des provinces (11,25 $) et le Nunavut le plus élevé des territoires (13,00 $). La Colombie-Britannique prévoit toutefois augmenter son taux à 10,75 $ en septembre de cette année, ce qui le placera au même niveau que celui du Québec.

Au Québec, le passage à 10,75 $, soit une augmentation de 0,20 $ l’heure par rapport à ce qu’il est aujourd’hui, représente une hausse de 1,9 %, soit un peu plus que la hausse de l’IPC. Selon le gouvernement, cette hausse permettra d’améliorer le pouvoir d’achat de près de 260 000 personnes au Québec au bas de l’échelle salariale.

Mais il faut bien comprendre que cette amélioration est en bonne partie factice, puisque le rattrapage à venir des prix énergétiques ne sera pas adéquatement compensé par les hausses actuelles si d’autres mesures ne sont pas prises.

Si, en valeur absolue, le taux québécois semble se situer à mi-chemin entre les taux canadiens les plus bas et les plus élevés, il faut admettre qu’en valeur relative, lorsqu’on considère le rapport entre le taux du salaire minimum et celui du salaire médian pour chaque province, le Québec se tire mieux d’affaire pour le moment.

Dans le graphique suivant on peut en effet constater que l’évolution du ratio salaire minimum/salaire médian place le taux québécois au-dessus du taux ontarien jusqu’au début des années 2010, année à partir de laquelle les deux provinces suivent une évolution à peu près identique autour d’un ratio de 0,5 (le taux du salaire minimum équivalent à 50 % du salaire médian). Le taux fédéral reste quant à lui beaucoup trop bas.

Sources : pour les données du Québec et de l’Ontario, Statistique Canada, Tableau 282-0072 ; Programme du travail, Normes et équité, Taux horaires minimums au CANADA ; pour les données du Canada, OECD.stat, marché du travail, revenus. L’année 2016 est une estimation.

 

C’est cette valeur relative du ratio salaire minimum/salaire médian qui permet le mieux de comparer la situation québécoise à celle d’autres États. Comme on peut le voir dans le tableau suivant, plusieurs pays ont des salaires minimums supérieurs à ceux en vigueur au Canada.

En fait, selon les données de l’OCDE, 20 des 27 pays membres qui ont des lois sur le salaire minimum signalent des ratios salaire minimum/salaire médian supérieurs à ceux du Canada, et 13 d’entre eux ont des ratios égaux ou supérieurs à ceux du Québec et de l’Ontario.

Plusieurs pays industrialisés, et non des moindres, n’ont tout simplement pas de salaire minimum légal. Par exemple, l’Allemagne en a instauré un en 2015, pour la première fois de son histoire. L’Autriche, Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède n’en ont pas. Il existe ainsi des pays, comme les pays scandinaves, où les inégalités sont plus faibles qu’ailleurs, mais où le salaire minimum ne fait pas partie des instruments de lutte contre les inégalités. Ces pays ont choisi de s’appuyer sur les prestations sociales et l’impôt. Les différences d’un pays à un autre, voire d’une région à une autre au sein d’un même pays, en matière de salaire minimum sont donc très importantes.

Bien sûr, la hausse du salaire minimum fait toujours frémir les milieux d’affaires et les économistes libéraux qui condamnent généralement sans état d’âme ces politiques pour une meilleure distribution des revenus du marché.

Pourtant, ici comme ailleurs, alors que les inégalités de revenu s’accroissent de façon dramatique et que la faible progression des salaires est en partie responsable de la faible croissance économique, il s’agit là d’une mesure économique et sociale très pertinente.

Le gouvernement du Québec devrait s’inspirer des États les plus progressistes en planifiant sur le moyen terme, si possible en collaboration avec l’Ontario, une cible de 15 $/l’heure ou l’atteinte d’un ratio de 55 %.

 

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