Pour le Premier Mai : posez un geste militant!

2016/04/29 | Par Pierre Dubuc

Selon toute vraisemblance, le gouvernement Couillard devrait bientôt déposer un projet de loi sur les relations de travail dans le monde municipal, fort probablement avant le 12 mai, date limite pour qu’un projet de loi puisse être adopté avant la fin de la session parlementaire.

Le projet de loi s’inscrira dans le cadre du Pacte fiscal intervenu entre le gouvernement et l’Union des municipalités. Celle-ci a accepté des compressions de 320 millions $, sur quatre ans, dans les transferts de 3,2 milliards que le gouvernement verse aux municipalités, en échange de la promesse d’un projet de loi leur permettant d’imposer les conditions de travail à leurs employés municipaux.

 

Un geste anticonstitutionnel

Nous ne savons pas quelle sera le libellé du projet de loi. Dans un premier temps, on a laissé entendre que les municipalités pourraient décréter les conditions de travail après un an de négociations.

Cependant, le gouvernement devra faire des acrobaties juridiques pour légitimer sa loi, car un récent jugement de la Cour suprême du Canada (Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (2015 CSC 4)), a statué que l’interdiction faite aux salariés du secteur public de cette province de faire la grève entravait substantiellement leur droit à un processus véritable de négociation collective, portant ainsi atteinte à leur liberté d’association reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés.

Le maire Marc Demers de la Ville de Laval – qui fait partie du 20% des municipalités ayant voté contre le Pacte fiscal – en a bien compris les enjeux lorsqu’il a déclaré : « On s'attaque à certains grands principes qui sont régis par la Charte canadienne et la Charte québécoise ».

Il s’est aussi opposé au Pacte fiscal pour des raisons pratiques. Il a déclaré aux journalistes : « Je privilégie les vertus de la négociation. Il y a un dicton qui dit que la pire des ententes vaut mieux que la meilleure des sentences. J'y crois, parce qu'en général, il y a de la bonne volonté de part et d'autre ».

 

Un cadeau aux maires Labeaume et Coderre

Il est bien connu que le gouvernement Couillard répond à une demande des maires Labeaume et Coderre, qui veulent avoir les mains libres pour démanteler les conventions collectives des employés municipaux, en s’attaquant tout particulièrement au plancher d’emplois garantis, ce qui ouvrirait toute grande la porte à la sous-traitance.

La meilleure des preuves est l’état des négociations entre la Ville de Montréal et le syndicat qui représente ses 440 ingénieurs. Les négociations traînent depuis six ans, période au cours de laquelle les ingénieurs n’ont touché aucune augmentation salariale. La Ville exige des concessions au chapitre, entre autres, des congés de maternité, paternité et maladie, même si le salaire des ingénieurs, ajusté à l’inflation, a chuté de 20% au cours des 25 dernières années.

Selon le président du Syndicat, André Émond, le résultat est une perte d’expertise et un recours accru à des firmes privées.

Dans une entrevue accordée à l’aut’journal, il déclare : « Les scientifiques de la ville de Montréal ne sont plus toujours en mesure de répondre aux questionnements des consultants sur les projets en cours. L’expertise interne s’appauvrit et pour y pallier, il faut recourir à l’expertise privé. Conséquemment, il y a une perte de savoir et nos travailleurs voient leur crédibilité diminuée ».

Les conséquences de cet état de fait pourraient être désastreuses pour les citoyennes et les citoyens de Montréal, selon André Émond.

« Imaginez, par exemple, que cela veut dire que des firmes privées pourraient prendre en charge l’approvisionnement en eau potable de la ville de Montréal avec la possibilité que nous n’ayons plus l’expertise interne pour comprendre ce qu’elles font et feront », précise-t-il.

Il est important de rappeler que le Syndicat des Cols bleus de la Ville de Montréal a joué un rôle capital dans la création, à la fin des années 1990, de la Coalition Eau-Secours, qui a réussi, entre autres à cette époque, à sauver de la privatisation les usines d’épuration des eaux de la Communauté urbaine de Montréal, de Gatineau et de Lévis.

Donner aux maires la possibilité d’abolir les planchers d’emploi, c’est céder la ville au secteur privé et revenir aux pratiques de collusion et de corruption révélées par la Commission Charbonneau.

 

Toute la structure salariale affectée

On comprend que les maires Labeaume et Coderre veulent avoir les coudées franches pour leurs projets pharaoniques de Jeux Olympiques et de stade de baseball. Ce dernier projet, évalué au bas mot à un milliard de dollars, est particulièrement indécent pour une ville qui possède déjà un stade omnisport, avec le Stade Olympique, et qui est la capitale du chômage au Canada avec un taux de chômage de 11% !

Réduire les salaires et les conditions de travail des employés municipaux réjouira les Richard Martineau de ce monde, mais représenterait une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble des salariés, tant des secteurs privé que public.

Les conditions salariales et de travail négociées par les syndicats municipaux ont souvent servi de barème aux travailleuses et travailleurs de la fonction publique, mais aussi du secteur privé. Les réduire plombera l’ensemble de la structure salariale et minera, entre autres, la lutte pour un salaire minimum à 15 $.

Plus fondamentalement encore, pas besoin de la tête à Papineau pour comprendre que la remise en cause de la liberté de négocier des 300 000 syndiqués visés par le Pacte fiscal municipal serait éventuellement étendu à l’ensemble du secteur public et inspirerait les patrons du secteur privé.

Avant que le projet de loi soit déposé – et dans l’objectif d’empêcher son dépôt – les syndiqués concernés vous invitent à signer une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale par la députée péquiste Martine Ouellet qui demande au gouvernement du Québec :

  • De refuser de donner aux élus municipaux le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs propres employés, puisque même par l’intermédiaire d’un médiateur, la Ville serait juge et partie;

  • De s’assurer que ce pouvoir exceptionnel demeure la prérogative exclusive du gouvernement du Québec.

Pour le Premier Mai, posez un geste militant! Signer la pétition qui est accessible à l’adresse suivante : https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-5901/index.html