Grève dans les résidences pour les personnes âgées, le 11 mai

2016/05/02 | Par Simon Paré-Poupart

Des employés manifestent devant la résidence le Marquis du grand groupe Chartwell, à Sorel-Tracy.

 

Les manifestations des dernières semaines des préposés aux bénéficiaires se concrétisent par l’obtention d’un mandat de grève d’une journée le 11 mai prochain pour 48 résidences privés pour personnes âgées, affiliés au Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (SQEES-FTQ). C’est le premier des moyens envisagés pour des employés qui tiennent à leur 15$ de l’heure, refusé par l’ensemble des propriétaires.

À deux moments déjà, au cours des dernières semaines, les préposés sont sortis des résidences pour manifester leur mécontentement face au déroulement des négociations pour le renouvellement de leur convention collective. Le but est simple : Renseigner la population sur les conditions de travail injustes des individus prenant soin des aînés.

« Jusqu’à maintenant, nous avons l’appui des médias et de la population », nous confie Richard Belhumeur, président du SQEES-FTQ. « Lorsque les gens réalisent le montant du salaire de ceux qui s’occupent de leurs parents, l’appui est immédiat », rajoute-il.

 

La tendance au salaire minimum à 15$ de l’heure

Considérant que le salaire moyen des préposés se situe actuellement entre 10$ et 12$ de l’heure, les demandes de hausse salariale ne semblent pas hors norme. Ces dernières, insufflées par la campagne aux États-Unis du Fight for 15$1, porté par le Service Employees International Union (SEIU) ont une résonnance internationale.

Au Québec, autant les syndicats que les médias ou les centres de recherche discutent des avantages de hausser le salaire minimum à 15$ de l’heure. L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a élaboré un nouvel indice, le salaire viable, qui sert à mesurer le minimum pour que le « salaire horaire permette à un salarié à temps complet une pleine participation sociale et une marge de manœuvre pour une sortie de la pauvreté »2.

Ce seuil est d’au moins 15,10$ de l’heure. En-deçà de ce seuil, les travailleurs deviennent des travailleurs pauvres, des working poors.

L’institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) complète l’analyse en dressant un portrait plus général : « La faible progression des salaires est en partie responsable de la faible croissance économique »3, en ce sens, l’État québécois a tout intérêt à encourager la hausse du salaire minimum. De plus, l’IRÉC voit en cette mesure une façon de réduire les inégalités sociales.

Mais, pour les préposés, ce combat pour le salaire est avant tout une lutte pour la reconnaissance d’un métier dévalorisé, reconnaissance qui passe par une juste rétribution par leur employeur.

 

Des patrons incapables de donner davantage

« Dans le réseau public, le salaire moyen des préposés se situe entre 19$ et 21$ de l’heure », nous explique Benoît Hamilton, conseiller aux communications du SQEES-FTQ. « Malgré le fait que les propriétaires disent investir dans les services, ils n’augmentent pas les salaires des préposés. C’est incohérent », de rajouter M. Belhumeur.

Jean Bottari, militant pour l’amélioration des conditions de travail des préposés, confirme et précise : « Pourtant, depuis la loi 90, les préposés dispensent plus de services que les employés du secteur public ». Il rajoute que « ces services, ce sont des économies que réalisent les propriétaires des résidences qui, en plus, les chargent à la carte dans un cadre où les résidents paient des loyers pouvant aller jusqu’à 5 000$ ».

La seule raison qui explique que les employeurs ne donnent pas de meilleurs salaires, « c’est simplement parce que ce sont de mauvais administrateurs », finit-il par dire.

Le président du SQEES-FTQ donne l’exemple suivant : « Au CHSLD privé Villa Belle Rive, l’offre salariale patronale de départ s’étale sur 5 ans, avec 0% d’augmentation les trois premières années ». À cet endroit, les préposés sont payés au salaire minimum.

Il poursuit : « Pourtant, pour la plupart des résidences, ce sont de grands groupes qui investissent massivement dans de nouveaux projets. Comme le Réseau Sélection, qui prévoit investir deux milliards d’ici 2019 dans la construction de nouvelles résidences ».

Selon lui, cette disparité entre le public et le privé s’explique par la logique du profit, qui anime les propriétaires. « Leur philosophie, c’est que les ressources humaines, ce sont des dépenses. Pour qu’une entreprise soit rentable, les gestionnaires doivent couper dans les dépenses, et les employés font partie des dépenses. C’est du capitalisme ».

Pourtant, les deux parties semblent identifier un problème d’attraction et de rétention des préposés. « Nous, nous offrons une solution, mais les patrons disent avoir les mains liées », nous explique M. Belhumeur.

Pour cet article, L’aut’journal a tenté de rejoindre le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Yves Desjardins, mais l’entrevue a été annulée sous prétexte que l’organisation ne veut pas s’adresser à notre journal.

Pour l’instant, les employeurs refusent de déposer leur bilan financier au Syndicat pour faire la preuve de leur incapacité à payer davantage.

 

Coalition et mobilisation

La mobilisation actuelle est le fruit d’un travail, qui a commencé en 2012. Sans parler de coalition, un pacte de solidarité s’est établi : « Les résidences accréditées à la CSN nous appuient », nous dit M. Belhumeur.

Et, malgré le refus des propriétaires de faciliter la négociation, « l’objectif n’est pas de faire fermer des résidences », nous explique-t-il. À preuve, la grève du 11 mai a été décidée après une entente avec les employeurs pour que les services essentiels soient fournis.

« Mais, c’est un avertissement. D’autres unités d’accréditation se dotent présentement de mandats de grève. La prochaine fois, si les demandes des travailleuses et des travailleurs ne sont pas satisfaites, nous allons étendre la grève et sa durée », avertit le président du SQEES-FTQ.

Il termine en disant : « C’est un sujet qui nous touche tous, puisqu’avec le désengagement de l’État, tous devront éventuellement transiter par des résidences privées. Nous avons tout intérêt à ce que ces travailleurs soient rétribués à leur juste valeur ».

Le SQEES-FTQ représente 25 000 membres partout au Québec, majoritairement dans le secteur de la Santé et des Services sociaux. Il est le plus grand syndicat dans le secteur des résidences privées pour personnes âgées. Jean Bottari est actuellement en discussion avec le premier ministre Philippe Couillard et le ministre de la Santé et des Services sociaux Gaétan Barrette pour qu’un Ordre des préposés aux bénéficiaires voit le jour.

2 IRIS. Quel est le salaire viable? Calcul pour Montréal et Québec en 2015. Note socio-économique de Philippe Hurteau et Minh Nguyen, avril 2015.

3 IRÉC. Salaire minimum au Québec. Planifier une cible de 15 $ l’heure. Fiche technique de Gilles L. Bourque, numéro 6 avril 2016.