La source... de bien des maux

2016/05/09 | Par Michel Saint-Laurent

Voici le premier de deux textes où il sera question d'une doctrine politique, le néolibéralisme, très répandu dans le monde aujourd'hui et dont les effets pervers se font de plus en plus sentir, partout sur la planète. Je traiterai d'abord de ses origines, puis de ses effets et, enfin, des remises en question et des alternatives qui, de plus en plus, se font jour.

 

Le chat sort du sac

Dans nos sociétés dites démocratiques, un terme galvaudé qui remplit rarement ses promesses, de plus en plus de gens entretiennent un certain cynisme, pour ne pas dire un cynisme certain, à l'endroit de la classe politique, de ces hommes et femmes que nous élisons, supposément pour nous représenter et veiller à nos meilleurs intérêts. De plus, depuis quelque temps, à intervalles réguliers, des enquêtes journalistiques nous apprennent combien l'élite économique fausse le jeu, démocratique justement. On nous révèle l'existence de plein de magouilles, petites et grandes, que les nantis de ce monde, banques, grosses compagnies et individus richissimes, utilisent pour faire en sorte de contribuer, le moins possible, à l'assiette fiscale, à se soustraire à l'obligation citoyenne de faire leur juste part.

Les Wikileaks et Panama Papers, parmi d'autres enquêtes récentes, nous font voir l'inépuisable appétit des riches à s'en mettre plein les poches, à en engranger toujours plus. Mais ce qui choque tout autant, sinon plus, est de savoir que cela se passe, très souvent, avec l'assentiment des gouvernements. Dans bien des cas, ceux-ci ont contribué à la création de toutes ces combines comptables, voire les ont encouragées.

Pendant ce temps, les mailles du filet social, qui avait été créé à une autre époque, s'effritent et sont remplies de trous béants par lesquels certains sombrent littéralement dans l'abîme. L'éducation, les soins de santé, les conditions de travail décentes, les soins aux aînés, l'aide aux démunis, l'environnement, et j'en passe, tous ces secteurs de la vie en société, qui devraient constituer la priorité de nos gouvernements, en prennent pour leur rhume. On coupe partout, austérité oblige. Il n'y a pas d'argent dans les coffres de l'État, nous serine-t-on sans arrêt. Il faut réduire l'endettement. Mais qui a créé cet endettement? Et surtout, où est passé tout cet argent, ces milliards que l'on découvre, aujourd'hui, bien planqués dans les paradis fiscaux? Quelle est cette immense couleuvre que l'on tente de nous faire avaler?

Heureusement, de plus en plus de citoyens, de tous les milieux, dans de nombreux pays en proie aux mêmes problèmes, voire certains politiciens éclairés, réagissent et expriment leur ras-le-bol. Ils en ont marre de vivre dans des sociétés de plus en plus inégalitaires, pleines d'injustices. Soucieux du bien-être de la majorité de la population, ils traquent cette oligarchie de quelques Crésus privilégiés qui décident de tout, dans leur seul intérêt. Ce faisant, ils pointent du doigt une doctrine, le néolibéralisme, cette idéologie qui, depuis une trentaine d'années, s'est immiscée partout. Selon ces gens révoltés, c'est là la source de bien des maux qui affligent le monde contemporain. D'aucuns estiment qu'il faudrait en changer. Allons voir de quoi il en retourne.

 

Un peu d'histoire

D'abord, un petit rappel historique, car l'état des choses actuellement n'est pas le fruit du hasard, n'est pas apparu comme ça, ne nous est pas tombé du ciel sans crier gare. Il y a un fil d'Ariane qui tient tout cet édifice. La situation difficile actuelle dans laquelle plusieurs pays se retrouvent, la misère qui afflige de plus en plus de gens, tout cela est le résultat de choix et de décisions politiques et économiques bien réfléchis, pris dans le passé, en toute connaissance de cause. Le malheur est que la plupart d'entre nous n'en savons rien car cela s'est passée, et se passe encore, le plus souvent, derrière des portes closes, autour d'une petite clique de tout-puissants qui ont mis la plupart des gouvernements à leur main. Notre rôle dans ce triste spectacle consiste à subir, à encaisser, sans rechigner.

 

Naissance d'une doctrine

Le terme « néolibéralisme » serait d'abord apparu lors d'une rencontre à Paris, en 1938. Deux économistes autrichiens, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, en seraient les propagandistes. À cette époque, aux États-Unis, c'était la mise en place du New Deal, théorie de démocratie sociale mise de l'avant par le président américain d'alors, Franklin Roosevelt. Il s'agissait, en gros, de créer un État social égalitaire, assurant de bonnes conditions de vie pour la majorité des citoyens et citoyennes. Mais nos deux penseurs ci-haut mentionnés voyaient très mal l'avènement d'un tel projet de société. Pour eux, ces interventions de l'État menaient tout droit au collectivisme, voire au communisme du méchant concurrent russe à l'époque de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

Ralliant autour de lui des universitaires, des hommes d'affaires, des journalistes et des activistes de différents pays, Friedrich Hayek créa donc la Mont Pelerin Society, avec le soutien financier de grands millionnaires et de leurs fondations. Tout cet aréopage de gens éclairés (sic) procéda à la définition de cette idéologie qui en avait, principalement, contre l'intervention de l'État dans la marche des affaires. Ils étaient surtout opposés à tous projets de régulation et de taxation qui devaient, selon eux, mener tout droit à un État totalitaire. Ils ont également mis sur pied, principalement aux États-Unis, des « Thinktanks » diverses, sortes de groupes de réflexion visant à raffiner et à promouvoir cette idéologie, comme l' American Enterprise Institute, l' Heritage foundation, le Cato Institute, l' Institute of Economic Affairs, et j'en passe. Ils ont aussi investi des universités, particulièrement celles de Chicago et de Virginie, apportant un soutien financier à différents départements et facultés.

 

Les années de gloire

Puis, ce fut l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, au Royaume-Uni et de Ronald Reagan, aux États-Unis, dans les années 1980. Tous les éléments du néolibéralisme furent alors appliqués avec force et détermination. Des coupes massives d'impôt pour les plus riches, l'assaut sur les syndicats de travailleurs, la dérégulation, la privatisation, le recours au secteur privé pour les services publics, ce fut l'âge d'or du néolibéralisme. Le Fonds monétaire international, la Banque Mondiale, l'Organisation mondiale du travail participèrent, eux aussi, à cette offensive, le plus souvent sans aucun consentement démocratique des populations concernées. La doctrine du néolibéralisme se répandit ainsi à l'échelle mondiale. Plus tard, même des partis politiques jusqu'alors identifiés à la gauche, tels le Labour anglais, de Tony Blair et le Parti démocrate américain, de Bill Clinton, ont emboîté le pas. Plus près de nous, pensons au gouvernement dit socialiste (sic) de François Hollande, en France et même au Parti québécois de chez nous, qui s'est longtemps targué d'être « social-démocrate ». Tous, à divers degrés, ont épousé les préceptes du néolibéralisme. À suivre...