SPEAK WHITE !

2016/05/10 | Par Michel Rioux

L’histoire a quand même de ces curieux retournements…

En 1968, un groupe d’artistes lançait l’idée d’un spectacle – Poèmes et chants de la résistance – pour soutenir financièrement Pierre Vallières et Charles Gagnon, arrêtés devant le siège des Nations-Unies, à New York, où ils manifestaient en faveur de l’indépendance du Québec.

Michèle Lalonde écrivit alors un poème qui allait devenir emblématique de la lutte québécoise de libération nationale : SPEAK WHITE !

Big deal
Mais pour vous dire
L’éternité d’un jour de grève
Pour raconter
Une vie de peuple-concierge

Charles Gagnon devait créer quelques années plus tard le groupe marxiste-léniniste En lutte/In struggle, dont on retient après toutes ces années qu’au-delà de l’impérialisme américain et de la domination du Canada anglais, ce groupuscule avait fait du projet d’indépendance du Québec ce qu’on appelait la contradiction principale à laquelle il fallait s’attaquer.

Or il se trouve qu’en juin 1977, alors qu’on débattait de l’avenir de la langue française autour du projet de Charte de la langue, En lutte/In struggle dénonçait avec virulence la loi du Dr Laurin. Dans le journal du groupuscule, la manchette clamait : La Charte du français au Québec : Une loi discriminatoire qu’il faut combattre ! Et des militants portaient une affiche où on pouvait lire : Combattons pour l’égalité des langues et des nations.

Françoise David venait de joindre les rangs de cette confrérie. Quiconque s’est intéressé un peu à ce qui se passe du côté des langues n’est pas sans constater qu’en mettant deux langues sur le même pied, on met un pied sur la langue la plus faible.

 

SPEAK WHITE !

La CBC s’est émue de ce que la ministre Le Bouthillier ne parle pas anglais. « Les ministres devraient-ils parler les deux langues officielles ? », s’est-on demandé la larme à l’œil. Une question qui ne s’était jamais posée dans l’autre sens, par contre.

 

SPEAK WHITE !

Le comté de Riel, au Manitoba, dont la majorité des électeurs parle la « langue francophone », pour reprendre l’expression de l’ineffable Mélanie Joly, a élu une députée unilingue anglaise. Qui a été nommée ministre responsable de la… francophonie manitobaine ! Il appert que la présidente de la Société francophone du Manitoba sera heureuse de travailler avec madame Squires à l’avancement de la société franco-manitobaine. Une manifestation du syndrome de Stockholm, peut-être ?

Le Canada ne compte pas moins de 42 de ce genre d’associations entretenues à grands frais pour entretenir la fiction canadienne. Le jovialiste Jean-Benoît Nadeau, à qui Le Devoir a confié une chronique, encensait récemment Jean-Marc Fournier, ministre de la Francophonie canadienne, dont il louange la « constance inouïe » : « Si l’Alberta envisage de se doter d’une loi sur les Services en français, il y a un peu de Jean-Marc Fournier là-dessous. » Non mais !

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Sylviane Lanthier, le félicite pour « son discours étoffé sur la francophonie… ». Ah bon !

 

SPEAK WHITE !

Or c’est ce même gouvernement auquel appartient Jean-Marc Fournier qui a présenté un projet de loi sur les raisons sociales des entreprises dans laquelle apparaît une nouvelle notion juridique : la « présence du français » en lieu et place d’une « nette prédominance du français ».

Plier les genoux, ça s’appelle une génuflexion. Ce projet de loi est défendu par la ministre Hélène David, la sœur de Françoise. Décidément, on a de la suite dans les idées dans la famille…

 

SPEAK WHITE !

Le journal The Gazette a publié un article expliquant les détails de ce projet de loi. Quelques jours plus tôt, la même journaliste avait produit un texte indiquant que le fédéral pourrait verser jusqu’à 3 millions $ pour soutenir les anglophones du Québec. Le nom de cette journaliste : Michelle Lalonde ! Quand on parle de ces curieux retournements dont l’histoire a le secret…

 

SPEAK WHITE !

Quatre des 30 ministres fédéraux sont d’origine indienne. Sept sont francophones. Au Canada, on compte 430 705 membres de la communauté punjabi, soit 1,3 % de la population. Croyons un instant Jean-Marc Fournier qui affirme, avec ses lunettes roses, qu’il y a 10,6 millions de francophones au Canada sur 36 747 000 habitants, soit environ 30 % de la population. Le véritable portrait de la fiction canadienne.

Fi donc des deux peuples fondateurs, comme le soutient Justin Trudeau : « Toute cette idée d’un statut spécial pour le Québec ou de la reconnaissance du Québec comme société distincte dans la Constitution ou de la reconnaissance des Québécois comme une nation, le problème que j’ai avec cela, c’est que cela crée des divisions, que cela sépare des groupes au sein d’autres groupes. Qui sont les Québécois pour être reconnus comme une nation ? »

 

Photo : UQAC