La source... de bien des maux (2)

2016/05/12 | Par Michel Saint-Laurent

Après un bref rappel historique des origines du néolibéralisme et d'un survol de son heure de gloire, dans les années 1980, où en sommes-nous, aujourd'hui? Mais tout d'abord, parlons communications.

À cet égard, les propagandistes de l'idéologie du néolibéralisme sont très habiles. D'abord, la plupart récusent l'étiquette. Ils s'affichent rarement néolibéraux. Le mot n'est à peu près jamais prononcé. Puis, ils sont passés maîtres dans l'art d'enrober leurs discours des mots « choix et liberté », s'élevant ainsi contre le supposé envahissement tentaculaire de l'État dans les affaires, qui les brime.

L'Autrichien Friedrich Hayek, l'un de ses instigateurs, parlait même de sa préférence pour une « dictature libérale », en lieu et place d'un gouvernement démocratique qui serait exempt de politiques néolibérales. C'est tout dire...

 

Qui mène?

Par ailleurs, nous sommes de plus en plus nombreux, dans maints pays, à constater que la notion de liberté mise de l'avant par les chantres du néolibéralisme est bien sélective et s'adresse à une petite caste de privilégiés. Très bien sauvegardée par des gouvernements complaisants, à genoux devant leurs velléités, et de grands médias assujettis, on constate qu'il s'agit surtout de la liberté des puissantes entreprises de brasser leurs grosses affaires, en étant dérangés le moins possible.

À preuve, toutes ces clauses inscrites dans les traités de libre-échange, qui pullulent en ce moment, clauses qui vont jusqu'à permettre de poursuivre les gouvernements qui pousseraient l'affront jusqu'à vouloir établir des balises et des contrôles sur leurs activités économiques, dorénavant mondialisées?

Voici un exemple, bien de chez nous, du pouvoir inconsidéré que s'octroient les grosses compagnies qui planent au-dessus des gouvernements.

TransCanada, dans son projet de construction du pipeline Énergie Est devant traverser le Québec en charriant du pétrole des sables bitumineux à plein régime, clame, sur toutes les tribunes, qu'elle n'en a rien à cirer des lois environnementales du Québec, la décision d'accepter ou non ce projet relevant du strict gouvernement fédéral. La volonté du peuple québécois, on s'en balance! Nous, on sait ce qui est bon pour vous...

 

Morale, éthique... connais pas!

Il y aurait tant à dire sur les effets pernicieux des politiques mises de l'avant au nom du néolibéralisme. Ici, au Québec, toutes les coupes dans les programmes sociaux sont en droite ligne avec l'application de ce capitalisme à outrance.

De plus en plus, les gouvernements plient l'échine et n'agissent qu'en fonction de la donne économique et des diktats que leur impose l'oligarchie financière, celle-là même qui leur permet, en toute mansuétude, de gouverner le bon peuple. Et la moralité fout le camp!

Dans la décision récente du nouveau (sic) gouvernement canadien du Parti libéral de maintenir le contrat de vente de blindés fabriqués ici au régime sanguinaire de l'Arabie saoudite, une des raisons bancales invoquées est proprement révoltante.

Sans sourciller, l'ineffable Stéphane Dion a dit qu'il s'agissait de respecter la parole donnée, le contrat signé par le précédent gouvernement. En contrepartie, il se traîne les pieds dans l'affaire Raïf Badawi, ce ressortissant canadien qui croupit dans une geôle saoudienne. Dites-moi, qu'est-ce qui a plus de valeur, un tas de ferraille ou la vie d'un homme? De toute évidence, l'argent n'a pas d'odeur!

 

La sacro-sainte compétition

Puis, dernièrement, on a vu cet autre ministre fédéral, des Transports celui-là, Marc Garneau, affirmer, le plus sérieusement du monde, que puisque Air Canada fait face à une concurrence féroce, ce sont ses mots, elle avait besoin de flexibilité (sic) pour lui permettre : « d'organiser ses activités d'une façon adaptée à l'évolution du transport aérien. C'est important, disait-il, parce que cela permet à la compagnie de faire face à la compétition dans un marché global agressif ».

C'est avec cette langue de bois qu'il justifie donc l'abandon de la cause des employés d'Aveos, injustement congédiés en 2012 par Air Canada. On passe au suivant, et vogue la galère! Voilà une belle illustration d'où logent nos gouvernements! Entre la défense de travailleurs lésés dans leurs droits et des compagnies éléphantesques devenues trop grosses pour faire faillite, ils pencheront toujours du côté du pachyderme corporatif.

N'est-ce pas précisément cette notion de compétition à outrance, libérée de tout impératif humain, qui nous mène droit dans un mur? Par elle, on justifie tous les écarts, allant de la délocalisation des compagnies dans des pays offrant une main-d'oeuvre bon marché, à l'étouffement des revendications syndicales et jusqu'au recours à toutes ces magouilles comptables pour payer le moins d'impôt possible.

 

Le profit avant tout!

Un mot sur toutes ces entourloupettes fiscales, véritable cirque honteux. Les passe-droits accordés récemment par l'Agence du revenu canadien à des clients de la firme-comptable KPMG, pris la main dans le sac de l'évitement fiscal, sont tout à fait scandaleux et démontrent qui mène.

En corollaire à cette mentalité du profit coûte que coûte, dans des pays où la compétition tous azimuts pousse à la surconsommation effrénée, nous réalisons, à chaque nouvelle catastrophe environnementale, à quel point c'est l'environnement de la planète entière qui en souffre, qui en fait les frais.

L'impact négatif de cette ponction irréfléchie, insatiable, sur les ressources de la planète se fait de plus en plus sentir. Jusqu'où ira cette course folle vers l'autodestruction?

À cet égard, il est bon de rappeler que les mises en garde ne datent pas d'hier. Déjà, en 1984, l'écologiste québécois Michel Jurdant, dans un livre-choc Le défi écologiste, livrait un réquisitoire contre la société de gaspillage d'alors et nous prédisait des lendemains qui déchantent. Nous y sommes...

 

Que faire?

Devant cet état de fait peu reluisant, que faire? Il y a, certes, urgence d'agir, le temps presse. Dans de nombreux pays, la résistance s'organise. Des appels à des réformes radicales, voire carrément au remplacement d'un système économique et politique en faillite, fusent de partout. Des mouvements citoyens tels Indignés/Occupy , dans divers pays, notre propre  Printemps érable  et, dernièrement, le mouvement  Nuit debout , en France, témoignent d'une volonté ferme de nombreux citoyens et citoyennes de reprendre la parole et de passer à l'action.

Ces gens en ont contre une classe politique bien trop affairiste, assujettie à ses bailleurs de fonds des milieux financiers. Ils aspirent à réinventer la chose publique, déçus des vieux partis, tant de gauche que de droite, qui ont lamentablement échoué à les défendre et qui, dorénavant, font aussi partie du problème.

En plus de ces mouvements citoyens, certes, parfois mal organisés, un tantinet brouillons, cherchant leurs assises, d'autres façons de faire voient le jour et se développent. Les chantiers d'économie sociale, les coopératives, les initiatives de partage de biens et services, sorte de troc moderne, les expériences de démocratie directe, participative, les appels à des modes de représentation proportionnelle, les nombreux mouvements d'opposition aux projets destructeurs de l'environnement, les appels à une presse libre, etc., partout, des alternatives apparaissent.

Cependant, il ne faut pas se leurrer. Il faudra trimer dur, se serrer les coudes. Ne sous-estimons pas la partie adverse. Les forces du statu quo, à qui l'état actuel des choses profite, ne lâcheront pas le morceau sans mener combat. Les forces progressistes, unies, de tous les pays, devront être prêtes à en découdre avec les oligarchies qui nous gouvernent aujourd'hui. J'ose espérer, malgré tout, que la volonté des peuples de se libérer de leurs chaînes saura être la plus forte. Utopie...?

 

Illustration :  Athos Boncompagni - 123rf.com