Lisée ment effrontément sur la question linguistique!

2016/08/30 | Par Pierre Dubuc

Dans une note, à la page 153 de son dernier livre Le journal de Lisée. 18 mois de pouvoir, mes combats, mes passions (Éditions L’Actualité), Jean-François Lisée écrit :

« Selon une légende assez répandue, je proposerais de remplacer les principes du ‘‘français langue officielle et langue commune’’ par le concept de ‘‘prédominance du français’’. C’est faux. Je ne veux pas remplacer, mais ajouter. C’est parce que le français est langue officielle et commune que, par la force des choses, il est prédominant. Alors à quoi bon? Parce qu’il est bon d’indiquer que le français n’est pas seul : il y a les langues des Premières nations et de notre minorité anglophone. On prédomine, mais on ne vise pas éliminer les autres. Ce n’est pas sans importance, lorsqu’on est minoritaires. »

Du grand Lisée! Toujours tenter de concilier l’inconciliable, de fusionner des positions opposées!

Selon sa logique abracadabrante et alambiquée, il faudrait donc saluer la Cour Suprême qui, dans l’arrêt Ford de 1998, invalidait l’unilinguisme dans l’affichage pour le remplacer par la « nette prédominance du français », parce qu’elle « ajoutait » l’anglais au français!

Et quand il nie vouloir remplacer les principes du « français langue officielle et langue commune » par le concept de « prédominance du français », il MENT effrontément !

Dans son livre Sortie de secours (Boréal), publiée en 2000, il suggère de « constitutionnaliser le principe de prédominance du français dans l’affichage, pour établir cette réalité une fois pour toutes dans une future constitution québécoise ».

Dans un chapitre intitulé « La prédominance du français : un concept rassembleur collé sur le réel », il incite le gouvernement « à ajouter dorénavant à ces objectifs (de français langue officielle et langue commune) le concept-clé de prédominance du français ».

 

Unilinguisme ou bilinguisme?

Sur la question linguistique, il y a deux voies opposées, contradictoires et irréconciliables. D’un côté, il y a une politique linguistique qui découle de la Charte de la langue française et de ses deux principes fondamentaux : le français, langue officielle et le français, langue commune.

De l’autre, il y a une politique linguistique qui origine de l’arrêt Ford de 1988 de la Cour suprême du Canada, qui impose le principe de la « nette prédominance du français » - donc le bilinguisme – en prenant pour référence la Charte canadienne des droits, la Charte de Trudeau. Ces deux approches ne sont pas interchangeables. Il faut donc choisir sa Charte.

 

Rappel historique

En décembre 1988, la Cour suprême du Canada invalidait l’article de la Charte de la langue française sur l’affichage. La Cour, par l’arrêt Ford de 1988, statue que la notion de liberté d’expression comprend les messages commerciaux et que l’interdiction d’employer une autre langue que le français est incompatible avec le droit à l’égalité garanti par les chartes.

Cependant, magnanime, la Cour considère comme justifié le fait d’exiger la présence du français dans la publicité commerciale et les raisons sociales. Elle affirme même que l’exigence de la nette prédominance du français serait juridiquement et constitutionnellement admissible.

Le Québec français se souleva d’un bloc contre ce jugement. Manifestations et assemblées se succédèrent. Les locaux d’Alliance Québec furent incendiés. Sous la pression populaire, le gouvernement Bourassa fait adopter, en décembre 1988, la loi 178.

En s’appuyant sur la clause dérogatoire, cette loi édicte que l’affichage, à l’extérieur des établissements, devait continuer de se faire uniquement en français, mais que l’affichage à l’intérieur des établissements pouvait se faire en français, ou à la fois en français et dans une autre langue, à condition que le français soit nettement prédominant.

La décision du gouvernement Bourassa d’invoquer la « clause nonobstant » soulève un tollé au Canada anglais et certains commentateurs politiques lui attribuent une part de responsabilité dans l’échec de l’entente du Lac Meech en 1990.

Aussi, cinq ans après l’adoption de la loi 178, soit à l’échéance de la clause dérogatoire, le même gouvernement Bourassa bat en retraite et décide de donner suite à l’arrêt Ford. La loi 86 modifie la Charte de la langue française pour permettre l’emploi d’une autre langue pourvu que le français soit nettement prédominant.

Quand le Parti Québécois prend le pouvoir en 1994, son programme prévoit le retour à l’unilinguisme français dans l’affichage et l’extension des dispositions de la loi 101 aux cégeps, mais la décision est différée après la tenue du référendum de 1995.

Lorsque Lucien Bouchard remplace Jacques Parizeau, il s’empresse de rassurer la communauté anglophone, lors de son célèbre discours au Centaur – dont Jean-François se vante d’être le rédacteur – en s’engageant à ne pas donner suite à ces deux promesses.

Au congrès du Parti Québécois de novembre 1996, il affronte les militants sur ces questions en affirmant qu’il ne pourrait se regarder dans le miroir s’il respectait leur volonté. Les militants lui rendent la monnaie de sa pièce avec un vote de confiance d’à peine 76,2% et Bouchard menace de démissionner.

Pour contrer la grogne militante, Lucien Bouchard annonce la création d’États généraux sur la langue dont il confie la présidence à un homme de confiance, Gérald Larose, qu’il a associé à la création du Bloc Québécois alors qu’il était président de la CSN. Par la suite, les deux ont été les figures de proue de la tendance des « non-alignés » à la Commission Bélanger-Campeau.

En décembre 2000, pendant les travaux des États généraux sur la langue, le premier ministre Lucien Bouchard, par l’intermédiaire d’un article du journaliste Denis Lessard de La Presse, « précise » le mandat de la Commission Larose. « Statu quo au cégep et dans l’affichage », disait la manchette de La Presse. Le rapport de la Commission Larose proposera le statu quo sur ces deux questions.

Cependant, la Commission introduisit un nouveau concept celui de la « nette prééminence du français », frère jumeau du concept de « nette prédominance du français » de la Cour suprême.

 

Restaurer la Loi 101

Il faut saluer le courage politique de Martine Ouellet qui propose de redonner au français son statut de langue officielle au Québec et s’engage à enchâsser dans la Constitution initiale et définitive d’un Québec indépendant la langue française comme langue officielle de la République du Québec.

Cela tranche avec la trahison de Lisée et les positions mollassonnes de Cloutier sur la question linguistique.

 

Photo : Ledevoir.com