Sortir des sentiers battus

2016/09/06 | Par Renaud Lapierre

Ex-commissaire aux États généraux sur la souveraineté
Indépendantiste culturellement et économiquement convaincu

 

« Je n’ai jamais été plus convaincu […] que
le plus grand et le plus irrémédiable malheur
pour un peuple, c’est d’être conquis »
(Alexis deTocqueville,
Regards sur le Bas-Canada)

 

De récents événements incontournables offrent une occasion rêvée de non seulement participer au débat de l’accession à l’indépendance, mais mieux encore sortir des sentiers battus. Ces événements se déclinent comme suit : une nouvelle course à la chefferie du Parti québécois (PQ), d’une part; et le mandat confié, par les trois partis politiques indépendantistes, à Oui Québec (qui regroupe toutes les organisations souverainistes), de coordonner, dans une première phase, des travaux se limitant à trouver un terrain d’entente sur le mode d’accession à privilégier qui soit commun à tous ces partis, d’autre part.

Pour l’heure, le débat engagé entre les candidates et les candidats à la chefferie du PQ apparaît inquiétant; car, cette fois, comme maintes fois, en regard de l’accession à l’indépendance, le dilemme du parti reste entier et les opinions sont tranchées. Comme toujours, en effet, il y a ceux qui sont prêts à aller au front dès la prochaine campagne électorale. Ils espèrent proposer un référendum le plus rapidement possible, dès le premier mandat, parce qu’ils ne croient plus à la stratégie du bon gouvernement. Mais, il y a également ceux qui croient qu’il reste insuffisamment de temps, avant la prochaine élection, pour choisir cette option; option qui, du même coup, se révèlerait à leurs yeux suicidaire, d’autant plus qu’il y a péril en la demeure : il faut à tout prix chasser ce gouvernement libéral qui, chaque jour, s’amuse à déstructurer les acquis de l’approche sociale-démocrate construite avec peine depuis la Révolution tranquille.

Les adeptes de la première thèse pourront compter sur une candidate extrêmement volontaire, Martine Ouellet, qui reçoit un appui inconditionnel, mais surprenant, à cette étape-ci, de Louis Bernard, pour lequel une très grande majorité de souverainistes éprouve un respect indéfectible; elle mérite également cet autre appui, celui de Sol Zanetti, chef d’Option nationale (ON), qui, à l’unisson de son fondateur — et ancien chef —, Jean-Martin Aussant, indiquait ceci : « C’est pas si compliqué de faire preuve de courage et d’être clair envers les citoyens. » Quant à l’autre thèse, elle se voit méthodiquement défendue par Jean-François Lisée. Il faut lui en savoir gré, affirmant, sans paravent, ce qui mérite au moins une analyse sérieuse, à savoir que le temps manquera dans un prochain mandat pour relancer l’indépendance, et donc, qu’il faut compter avec le temps. Ancien député péquiste, Camil Bouchard défendait les mêmes positions dans un billet publié en mars dernier sur son blogue et Gérald Larose, plus récemment, tenait des propos similaires. Ce constat étant aussi fortement appuyé par Pierre-Alain Cotnoir, sondeur expert reconnu, ayant réalisé de nombreuses études sur les perceptions des Québécois vis-à-vis de l’indépendance. Aussi écrivait-il récemment dans L’aut’journal ce qui suit : « L’opinion publique forme un système complexe. Comment des gens sensément intelligents peuvent-ils s’imaginer qu’en prônant une démarche misant sur une forme d’évangélisation politique on puisse [sic] en quelques mois ou même quelques années amener une part substantielle de l’électorat à y souscrire. »

Dans ce type de débat, ce qui est regrettable, c’est l’enfermement auquel se condamne le mouvement souverainiste, et plus spécifiquement le PQ, ne ménageant ainsi aucune ouverture d’esprit à d’autres avenues, tout en faisant rire à gorge déployée les fédéralistes. Et pourtant, il en existe d’autres. Et, c’est notre défi d’en présenter une, ici. Heureusement, Véronique Hivon et Alexandre Cloutier gardent une certaine réserve sur la mécanique d’accession à l’indépendance, pour le moment. Notons, cependant, que Cloutier semble plus réservé quant à l’obligation de convergence avec les autres partis souverainistes. On peut souhaiter que les autres candidates et candidats puissent, le temps venu, regarder attentivement l’option que nous proposons.

Pendant ce temps, le parti Québec solidaire (QS) semble s’être mis en attente du choix du prochain chef du PQ avant de participer réellement aux échanges relatifs à la convergence prévus au mandat de Oui Québec. De plus, à leur congrès de la fin mai, les militants ont adopté le maintien de la proposition initiale de 2009, c’est-à-dire un mandat ouvert, où est laissé à l’assemblée le choix du type de constitution aboutissant à un Québec-pays ou à la poursuite du lien avec le fédéral. Cette position inchangée du congrès de Québec solidaire ne facilitera pas les discussions sur la convergence visant le processus référendaire.

Tout en étant progressivement perçu, dans l’opinion publique, comme un vieux parti, le PQ, pour sa part, porte hélas! le poids de l’échec de deux référendums perdus. Bien que la faute ne puisse lui être entièrement attribuée, ses rôles de porteur et de promoteur du moment d’un référendum lui collent à la peau. Pour ce parti, le renouveau est affaire de survie et incontournable!

Au cours de la dernière élection générale, en 2014, et malgré une approche stratégique molle, pour ne pas dire floue sur cette question de la part du gouvernement Marois, ses adversaires politiques ont réussi à faire d’un potentiel échéancier référendaire un enjeu majeur de la campagne, car, dans l’esprit des électeurs, le PQ est considéré comme le seul déclencheur de cette démarche. Par malheur, une bonne majorité (64 %) de citoyens ne semble pas souhaiter un nouveau référendum (Sondage Léger-Marketing, Le Devoir, 9 octobre 2015). Elle paraît au contraire vouloir fuir ce vote comme si c’était la peste.

Avant d’aborder de front la question de la stratégie d’accession à l’indépendance, rappelons quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Malgré les résultats du dernier référendum, où 49,6 % des Québécois avaient répondu oui, dont 57 % des jeunes de 18 à 34 ans, depuis 1995, l’un après l’autre sondage montre que l’indépendance du Québec reçoit, selon les périodes, après répartition des indécis, un appui oscillant entre 35 et 45 %, les derniers indiquant autour de 41 %. Ces résultats étant plafonnés à ces niveaux, malgré le fait que la majorité des Québécois croie qu’un Québec indépendant serait viable! Ne se souvient-on pas que même un Jean Charest, en Suisse, osât l’affirmer?

Pourtant, les états d’âme contradictoires des Québécois vis-à-vis de l’indépendance sont légion. Retenons que c’est 1 800 000 d’électeurs, qui n’avaient pas l’âge pour voter, en 1995, qui y auraient droit aujourd’hui. Selon Cotnoir le pourcentage, par exemple, de jeunes (18-35 ans) favorable à une négociation avec le gouvernement fédéral atteint 80 % (1); et, selon un sondage Léger-Marketing fait pour l’Institut du Nouveau Monde, par rapport à 1995, les jeunes de 18-24 ans sont, aujourd’hui, moins souverainistes (41 % vs 63 %) (2). En revanche, et en même temps, cette même catégorie de jeunes se présente plus que jamais comme Québécoise d’abord, à près de 68 %, soit un taux de 10 % plus élevé qu’au référendum de 1995 (3). Quel défi immense cache ces chiffres!

Comme ils l’ont trop souvent été depuis 20 ans par les stratèges souverainistes de tout acabit, tous ces chiffres ne peuvent être balayés d’un revers de la main. Il y a derrière ces situations, qui ont été évolutives, des défis que l’on ne peut plus omettre. D’ailleurs, il serait dangereux de croire en un renversement spontané possible… soit grâce à un leader charismatique à la tête du PQ, ou à un coup de force extrêmement impopulaire du fédéral, ou à une campagne électorale menée de main de maître, ou à une stratégie du tout ou du rien. Aussi, au cœur d’une autre course à la chefferie du PQ et d’une volonté de tenter la convergence, s’interroger sur l’article 1 du programme du PQ est-il primordial : de là découlent toute la stratégie de mobilisation à venir — plus qu’indispensable — et le rôle des partis souverainistes dans cette démarche.

La question de fond autour de cet article amène deux thèses fortes déjà évoquées à s’affronter, savoir : la première met en jeu les tenants de l’abandon de l’étapisme, souhaitant qu’on joue, comme ils le disent, franc jeu avec les Québécois pour que l’élection d’un gouvernement indépendantiste enclenche immédiatement le processus de création du pays, leur thèse étant bien débattue dans un article intitulé « La bataille de l’article 1 », paru dans L’Action nationale (avril-mai 2014), sous la plume de Simon-Pierre Savard-Tremblay. On y fait une démonstration intéressante s’appuyant sur le fait que le boulet du référendum ait généré son propre malheur, car « [l’ensemble] des maux de l’indépendance relèvent généralement de la recherche de voies compensatoires à notre incapacité de penser concrètement un ensemble de politiques de rupture qui s’inscriraient dans le parachèvement de notre État-nation ». En clair, à force de ne vouloir faire peur à personne avec l’idée de l’indépendance, pour augmenter nos chances de gagner un référendum, nous en sommes venus à ne plus en parler, voire à ne proposer que d’être de meilleurs gestionnaires de la province avec comme argument principal pour déclencher un référendum d’attendre que les conditions gagnantes soient réunies. Ancrée sur la nécessaire démarche démocratique, la deuxième thèse, elle, soutient que le référendum doit demeurer un incontournable, malgré les difficultés additionnelles du temps qui passe, amenant des changements majeurs par l’immigration et la désaffection des jeunes plus individualistes que jamais.

Or, comme nous l’avons suggéré précédemment, il existe au moins une autre option que nous soumettons ici. Laquelle n’a jamais été essayée. Elle consiste à décharger le PQ de la responsabilité du déclenchement du référendum et à la mettre entre les mains des citoyens. Dans cette optique, pour que cette démarche ait des chances de succès, il apparaît impératif que le PQ soit au pouvoir, car la loi qui encadre les référendums devra être modifiée. Si les trois partis indépendantistes choisissaient cette avenue et que le PQ réussît à reprendre le pouvoir avec cette nouvelle perspective, il leur resterait cependant à contrer, d’ici à l’élection, l’éclatement grandissant, déjà annoncé, de la clientèle nationaliste (la nouvelle position constitutionnelle de la Coalition Avenir Québec [CAQ], le possible Nouveau Parti démocratique du Québec [NPD-Québec] et l’arrivée desdits orphelins politiques de Paul Saint-Pierre Plamondon). Pour chacun de ces courants, il existe un obstacle à relancer la démarche référendaire, de l’argument primaire des caquistes prétendant que les Québécois ne sont pas prêts à ceux des orphelins politiques, dixit Plamondon : « Dans la mesure où le Parti québécois propose de mettre en avant un projet référendaire lors des prochaines élections, il est fort à parier [sic] que le Parti libéral répétera le scénario des dernières élections et sera réélu, qu’il ait été compétent ou non durant son mandat » (Le Devoir, 2 mai 2016). 

Selon nous, il est pressant que le débat, au sein des partis indépendantistes, et le PQ en tête, sorte de toute urgence de l’obsession de la date du déclenchement d’un référendum pour le focaliser sur l’essentiel : relancer la mobilisation souverainiste. Mais, cette fois, non pas en paroles, mais bel et bien en actions! Pour ce faire, il apparaît, c’est le simple bon sens, nécessaire d’éviter, pour la prochaine campagne électorale, de prêter de nouveau le flanc à toute critique ou attaque liée à un quelconque échéancier référendaire, dont le PQ serait le déclencheur.

Dans un même ordre d’idées, les deux legs les plus importants de Pierre Karl Péladeau (PKP) resteront sans nul doute, d’une part, son appel — franchement nouveau venant de la part d’un chef du PQ — adressé aux souverainistes leur indiquant limpidement que le PQ ne doit pas être et n’est pas le porteur unique de la démarche vers l’indépendance — personne ne le contestera  —, et d’autre part, son invitation (avec Véronique Hivon, à titre de mandataire) à travailler à rechercher sincèrement la convergence avec toutes les forces vives souverainistes. Voilà des changements de cap qui deviennent des prérequis et que ne pourra ou ne devra ignorer aucune candidate ni aucun candidat à la chefferie du PQ! Ces éléments d’autocritique des stratégies passées du PQ apparaissent comme une vague de fond partagée par la grande majorité des militants souverainistes dans leur ensemble. Ces deux conditions sont essentielles à la réussite d’une démarche qui donnerait aux citoyens le pouvoir sur le déclenchement d’un éventuel référendum. Cela exige que tous les souverainistes endossent la responsabilité de mobiliser ces citoyens.

Ces constats ont comme principale conséquence pour la prochaine campagne électorale d’obliger le PQ à troquer — s’il veut devenir crédible auprès de ses interlocuteurs souverainistes, tels Option nationale, Québec solidaire (l’argument du passé touchant PKP étant neutralisé), Oui Québec et, bien sûr, les électeurs nationalistes — son rôle de porteur du déclenchement d’un référendum contre celui de facilitateur en restant évidemment résolument indépendantiste et en redevenant un pédagogue proactif avec des arguments renouvelés parce qu’on est en 2016, comme le dirait Trudeau.

Aussi le PQ devra-t-il, à la prochaine élection, offrir aux citoyens un gouvernement dont la priorité sera une gouvernance de l’État exempte de corruption, avec, comme orientation principale, le retour à l’égalité des chances et l’intégration d’une vision moderne du développement économique axé, notamment, sur l’environnement, sans pour autant renier son engagement formel pour la souveraineté en proposant une nouvelle démarche centrée sur une réelle mobilisation des forces souverainistes, femmes et hommes qui auront en main des outils qui ne leur ont jamais été offerts afin de mobiliser tous les Québécois sur le projet emballant de créer un pays.

L’approche que nous souhaitons privilégier découle de la conviction que, dans l’esprit des Québécois, le PQ demeure éminemment compétent lorsqu’il s’agit de gérer l’État, mais qu’il est considéré à titre de porteur de mobilisation pour la réalisation du Québec-pays comme moins crédible. Un constat percutant, notamment, chez les jeunes électeurs, la mobilisation réalisée en un court laps de temps par Jean-Martin Aussant et son équipe, à l’occasion de la création du parti Option nationale, en étant l’illustration la plus récente.

Mais comment s’y prend-on pour parvenir à insuffler une dose massive d’énergie mobilisatrice?

Il s’agit de renvoyer la responsabilité de l’essentielle mobilisation citoyenne sur l’ensemble du mouvement souverainiste — comme celui-ci le désire —, forçant ainsi son ralliement sous un chapeau unique, celui d’un Oui Québec fortement renforcé, et d’autre part, de confier le déclenchement d’un référendum aux citoyens eux-mêmes, comme cela a déjà été mentionné. Selon toute vraisemblance, ces deux actions permettraient de dénouer non seulement l’impasse dans laquelle s’enfonce le PQ, mais encore la parole souverainiste venant de tous les horizons, avant, pendant et après la campagne électorale. Et, vu le désintéressement général, la désillusion de la population envers la politique, notamment, chez les jeunes, cette approche forcerait toutes les forces souverainistes à se mobiliser avec un but commun d’abord, et à faire rêver ensuite, et à faire participer, enfin, à la définition du pays un maximum de nos concitoyens, donc d’en parler avec la mission d’avoir le nombre de signatures obligatoire. Le gouvernement péquiste, lui, s’engagera à offrir à ces nouvelles forces mobilisées des instruments-clés développés sous la direction et avec les moyens du gouvernement, intégrant l’apport d’une large plage d’expertise.

Alors, comment concrètement provoquer toute cette effervescence?

À la suite de tout ce qui vient d’être dit, le PQ doit préciser, noir sur blanc, dans son programme, au prochain congrès prévu en 2017, qu’il n’entend pas provoquer lui-même le déclenchement d’un référendum, du moins pour la prochaine élection. Et, en revanche, dès qu’il aura repris le pouvoir, il s’engagera à démarrer rapidement l’ensemble des actions suivantes :

  1. Apporter les modifications requises à la loi sur la consultation populaire pour permettre l’enclenchement d’un référendum par initiative populaire et s’engager à le déclencher si le nombre de signatures est obtenu. La règle du million de signatures proposée par Alexandre Cloutier pourrait être retenue. Malgré l’intérêt de sa proposition, lancée au cours de la dernière campagne à la chefferie du PQ et pour laquelle il semble heureusement avoir pris du recul, elle comporte quelques défauts que l’on gagnerait à éviter : faire porter au seul PQ tout le fardeau du nombre de signatures, et surtout, le moment du déclenchement d’un référendum, et en outre, être encore à la merci des adversaires politiques qui brandissent trop facilement le drapeau de la peur d’un référendum. Il sera ô combien plus difficile d’être contre 1 million de nos concitoyens mobilisés par des forces vives venant de tous les horizons et qui décident eux-mêmes de provoquer le déclenchement d’un référendum! Cet amendement à la loi fournirait, tout bien considéré, une assurance absolue à toute la population qu’aucun référendum ne pourrait être déclenché sans une mobilisation citoyenne majeure. Au fait, il n’est pas inutile de rappeler que cela ne ferait que compléter les intentions avouées de René Lévesque et aurait pu changer le cours des choses, sinon le cours de l’Histoire. Un ex-secrétaire général à la réforme électorale, André Larocque, imaginait que, si cet instrument législatif avait été mis en place, pendant la Commission Bélanger–Campeau, il y a gros à parier que Bourassa aurait été contraint de déclencher un référendum au moment où la souveraineté du Québec atteignait son apogée, soit la faveur de plus de 60 % des citoyens.

  1. Entamer, à l’instar de l’Écosse et de la Catalogne, au cours de leur récent référendum, une démarche appropriée en vue de définir les contours détaillés du Québec-pays, en privilégiant une contribution citoyenne la plus large possible. Notamment, en produisant, pour finir, un document de fond définissant le fonctionnement de ce Québec-Pays et en incluant, entre autres choses, le système électoral qui serait retenu, l’organisation de l’État après le rapatriement des sommes versées (quelque 48 milliards de dollars ou, en tenant compte des transferts fédéraux actuels, quelque 34 milliards [4]) par les Québécois à Ottawa, et en particulier, son impact économique dans les régions. Et plus encore, en montrant l’effet concret sur les préoccupations immédiates des citoyens : l’emploi, l’environnement, la santé, l’éducation, la justice sociale et les relations internationales. Et en s’attaquant sans détour aux questions concernant les nations autochtones et celles de nos concitoyens venant de l’immigration pour rendre à leurs yeux ce projet emballant, etc.

 

  1. Mettre en place une assemblée constituante représentative dont le mandat serait de proposer un projet exaltant de constitution d’un Québec-Pays et lui donner les moyens de rejoindre le maximum de citoyens de toutes les régions et de toutes les origines. Cette démarche, qui pourrait paraître à certains peu mobilisatrice, le serait, au contraire, si elle est organisée avec les moyens modernes de communication et pourrait être un outil fort efficace pour soutenir l’intérêt des jeunes à rêver le pays. Le gouvernement s’engagera formellement à intégrer le résultat de cette démarche, soit un projet de constitution, au référendum, s’il était déclenché, pour être accepté par la majorité de la population, ou transformé minimalement en une loi avant la fin du mandat, si aucun référendum n’était demandé, à titre de constitution de transition. Cette loi y incorporait tous les articles pouvant résister aux tribunaux fédéraux ainsi que tous ceux qui pourraient explicitement recevoir l’aval d’une majorité de nos concitoyens, forçant ainsi le fédéral à prendre acte.

Un gouvernement péquiste conviendrait de réaliser ces trois engagements et d’en publier les résultats dans la première moitié de son mandat, offrant ainsi au milieu mobilisé le temps restant pour obtenir les signatures. Notre proposition prévoit la possibilité du déclenchement d’un référendum dès le premier mandat, ou du moins, relancerait activement l’idée du pays au sein de la population et au pis aller, préparerait le terrain pour qu’un référendum puisse être tenu dans un prochain mandat.

Cette approche devrait faciliter les discussions sur la définition d’un socle commun, au sein des forces souverainistes, à la fois pour éviter la dilution des votes pendant la prochaine campagne électorale et accoucher de certaines bases du document, qui définirait le Québec-pays. Lequel serait rendu disponible une fois que le PQ aura gagné le pouvoir.

Dès lors, le PQ pourrait employer le temps qu’il lui reste, d’ici à la prochaine campagne électorale, pour choisir de prime abord le prochain chef, définir le contenu de son programme en prévision de la prochaine campagne, plus particulièrement au chapitre économique. Ce volet ayant un grand besoin d’être actualisé. Cet aspect sera d’autant important pour le nouveau chef qui pourrait avoir un déficit de crédibilité à ce chapitre, notamment, face à François Legault et aux libéraux, malgré leur performance médiocre à ce jour; ces derniers bénéficiant des moyens de l’État et tentant, comme à la dernière campagne, d’accaparer ce thème. Les partis souverainistes pourraient aussi utiliser ce temps pour accélérer le renouvellement de l’argumentation pédagogique indépendantiste qui, lui aussi, doit être actualisé, et surtout, avoir enfin l’arsenal requis pour contrer la peur économique(4) utilisée sans ménagement par les fédéralistes, au cours des référendums de 1980 et 1995. Les partis souverainistes auraient aussi la tâche de faciliter, chez leurs membres, leur implication dans la mobilisation souverainiste souhaitée.

Pour sa part, le caucus pourrait se concentrer sur ses tâches de critiques du gouvernement libéral et redoubler d’ardeur à démontrer jour après jour les limites des pouvoirs d’une province, sans toutefois diluer son énergie dans des débats internes sur la stratégie à adopter pour relancer l’indépendance. Le nouvel Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI), quant à lui, lancerait et ferait avancer les discussions autour du Québec-pays par des études rigoureuses et bien ciblées.

Il semble risquer de croire que le PQ seul pourrait, dans les deux prochaines années et avec toute la bonne volonté du monde, se choisir un nouveau chef, mobiliser la population en général, et la jeunesse en particulier, relancer l’urgence de l’indépendance, définir les outils requis et gagner une élection en promettant, de surcroît, un référendum dans un premier mandat — stratégie déjà tentée sans succès dans un contexte ô combien plus favorable à celui d’aujourd’hui.

Somme toute, le projet Québec-pays doit concrétiser un projet de société comportant l’appui de 50 % plus un de Québécoises et de Québécois; sa facilitation et son passage doivent être assurés par un parti au pouvoir, alors que la responsabilité d’une mobilisation citoyenne, enfin mise au centre du processus et dont l’ensemble du mouvement souverainiste porterait le flambeau, doit demeurer l’enjeu principal des actions des souverainistes.

  1. Cotnoir, Pierre-Alain (1er février 2016) : « La question nationale et la troisième voie », dans L’aut’journal.

  2. Sondage exclusif Léger -Marketing pour l’Institut du nouveau Monde, Sur la recherche scientifique et les aspirations des jeunes québécois (décembre 2015).

  3. Lisée, Jean-François (2012) : Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments. Montréal Stanké.

  4. Duchesne, Maxime (2016) : Finances d’un Québec indépendant, Action nationale, Montréal.

Photo : ledevoir.com