À propos des livres Le Points sur langue de Louis Cornellier et Mauvaise Langue de Marc Cassivi

2016/09/13 | Par Anne Millaire

Je me suis dit, en cette chaude fin de vacances d’été : tiens voilà une belle période de lecture dont il faut bien profiter ! Et j’ai voulu m’amuser à faire une petite lecture comparative entre Le point sur la langue le dernier livre de Louis Cornellier journaliste au Devoir, essayiste et enseignant en littérature paru ce printemps et Mauvaise langue de Marc Cassivi journaliste à La presse, aussi paru ce printemps.

J’ai commencé par celui de Louis Cornelier. Que je recommande vivement. Lecture très plaisante, pleine d’humour, d’informations pertinentes et de bons conseils. J’avais l’impression de suivre le récit qu’un grand frère m’aurait fait, avec beaucoup de tendresse et d’attachements, de nos fêtes familiales et de nos traditions ancestrales, de son amour pour sa culture bien vivante, avec en prime , quelques conseils sur certaines erreurs que tous nous faisons.

Le point sur la langue – cinquante essais sur le français, une œuvre décoincée sur la langue française  : « Les puristes, les traqueurs de français me tombaient sur les nerfs. L’essentiel pour moi n’était pas là. », ou plus loin « Quand j’entendais le sempiternel discours sur la mauvaise qualité du français au Québec j’avais l’impression d’entendre parler des éteignoirs, des morts. »

Il nous offre des réflexions, des moyens de bonifier cette langue, des informations pragmatiques de tout acabit dans une écriture simple, concise et directe.

« Les langues ne disparaissent pas parce que leurs locuteurs les parlent mal. Cette théorie erronée ne s’appuie sur aucun cas avéré dans l’histoire. Les langues, voici la vérité, se dégradent, deviennent folkloriques et disparaissent parce qu’elles perdent leur utilité et leur prestige pour des raisons économiques, politiques et culturelles. »

Chacun des essais se présente en une moyenne de 3 pages qu’on peut considérer séparément et touche d’abord des problèmes liés à la langue française des Québécois, puis traite de problématiques plus complexes. Il s’intéresse par exemple à des points qui vont bien au-delà des problèmes linguistiques. Les problématiques de la langue envahissent les champs des pathologies sociales. Quand, par exemple, sur les sujets de la dyslexie ou du TDA-H, il souligne le manque d’informations scientifiques qui entourent l’abondante médication tentant de réduire les symptômes de ces anomalies, en confinant ceux qui en souffrent dans un cercle vicieux dans lequel il semblerait très difficile de se dégager.

« Médicaliser ces troubles de l’apprentissage, refuser de considérer l’influence dans cette affaire des inégalités sociales pour tout ramener […], aux “inégalités cognitives”, revient à médicaliser la pauvreté. » p.148

Plus tôt, il souligne le fait que ce ne sont pas des maladies neuronales ou physiologiques, ou génétiques, mais bien que si l’on veut y mettre une maladie il faut qu’elle soit psychosociale ou psychofamiliale. Ce qui veut dire que c’est la société qui est malade non pas l’individu.

Si l’on pousse sa réflexion plus loin, le franglais est certainement un appauvrissement, mais même s’il constitue bon an mal an un effet de mode, il est aussi le signe d’une certaine pauvreté. Je l’ai vu à l’œuvre avec ma grand-mère paternelle qui, bonne à tout faire à Westmount, le parlait non par honte du français, mais par honte de la condition sociale qui y était associée, par honte d’elle-même.  Et aujourd’hui, c’est pour faire «cool»? Est-ce la nouvelle forme de honte ?

C’est pourtant ce que défend Marc Cassivi! Ou peut-être pas. Ça va tellement dans tous les sens qu’on ne sait pas trop de quoi ça parle et à qui ça s’adresse. Il y a tant de mauvaise humeur et de violence dans les propos que j’en ai ressenti une rage extrême tout au long de la lecture. Ce n’est pas une œuvre rassembleuse en tout cas. Je crois qu’il n’a pas trop compris que ce ne sont pas l’anglais ou le franglais qui sont menacés à chaque instant et on besoin de secours ici. Enfin! Plutôt que de perdre plus de temps encore sur cette…ce….ça! Entreprise formidablement oiseuse, je ne dirai plus rien à ce sujet. Ce n’est pas pour moi ni pour vous. Alors si vous ne l’avez pas lu tant mieux pour vous, on oublie ça. Et s’cusez-la!

Alors qu’on se bat ici pour une exemplarité de l’état en matière de comportement linguistique : contre le bilinguisme institutionnalisé, « qui envoie le message aux nouveaux arrivants qu’ils peuvent fonctionner toute leur vie en anglais ». Le problème avec le bilinguisme c’est que ce n’est pas un réel bilinguisme. Qu’a-t-on entendu dans les derniers mois comme énormités : que nous n’avons pas besoin de parler français pour être bilingue à la Cour suprême du Canada.

« C’est ça le Canada linguistique de notre temps : un pays officiellement bilingue où les anglophones parlent à peu près leur langue et où les francophones doivent absolument être bilingues, c’est-à-dire, dans les faits, parler en anglais. » Cornelier.

Pauvre langue! Qu’à cela ne tienne, une célébration s’en vient! Un petit concours de création littéraire sous l’égide du Curé Labelle, roi du Nord, grand défenseur de la francophonie catholique. C’est excitant! J’espère qu’on aura l’occasion de vous lire en très grand nombre.

Je suis baptisée catholique, mais disons pour le moins, pas du tout pratiquante. Je me souviens cependant que dans la littérature, les protestants reprochaient aux francophones catholiques leur propension au plaisir, leur concupiscence. Mais William Henri Moore un parlementaire fédéral des années 1920 remarquait qu’« eux au moins – ces francophones — ils se reproduisaient pendant leur journée de repos! Le français est d’ailleurs la langue de l’amour puisque comme le dise les Anglais le “french kiss” est le baiser qui ne se fait pas du bout des lèvres, mais avec la langue. Nous, on appelle ça embrasser tout simplement.

Comme je le dis à mes étudiants: aimez votre langue, parlez-la avec amour et goûtez-la comme un bon vin. Mais résistons à la tentation, résistons pour sa survie. C’est pour ça qu’il est urgent d’agir dans nos politiques. Il faut agir maintenant et vite.

Quand on attend trop longtemps
Ça finit par un enterrement
Pis j’en ai un sur le bout de la langue
Pis qui m’empêche de turluter
Pis ça me fait bégay-gay-gay yébégay gay gay ébégayer


La Bolduc