Soutenons Djemila

2016/09/14 | Par Louise Mailloux

L’assemblée a eu lieu le 12 septembre 2016 au Lion d’or, à Montréal

Au Québec, il semble déjà bien loin le temps où l’appui à la laïcité faisait l’unanimité dans la gauche, dans les syndicats, chez les féministes et les militants laïques. Bien loin aussi le temps où les féministes étaient solidaires et se réclamaient d’un seul féminisme. Loin aussi le temps, où le sens critique était présent quand nous discutions de religion.

Aurait-on imaginé, il y a à peine vingt ans, qu’après avoir déconfessionnaliser nos commissions scolaires et mis fin à l’enseignement religieux dans nos écoles publiques, qu’après avoir retiré des manuels scolaires les stéréotypes sexistes dans le but de promouvoir l’égalité des sexes, l’on se retrouverait aujourd’hui avec des petites filles voilées dans ces mêmes cours d’école et des enseignantes voilées dans les classes et les garderies?

Aurait-on imaginé un État qui subventionne, les yeux fermés, des écoles privées confessionnelles où l’on soumet les élèves à des versets haineux, violents et sexistes tirés du Coran et qui oblige les élèves à porter le voile islamique?

Et de voir aujourd’hui, les militants laïques subir les pires insultes et être accusés de racisme et d’islamophobie? Et le comble, de voir certains d’entre eux, comme Djemila Benhabib, amenés devant les tribunaux pour avoir dénoncé ces pratiques condamnables dans une émission de radio ?

Le Québec change sous l’effet d’une immigration à dominance musulmane qui nous amène une nouvelle religion, l’islam, pour qui la séparation du religieux et du politique demeure une hérésie. Au Québec comme partout en Occident, l’islam pose de nouveaux défis à la laïcité et n’est pas non plus sans conséquence sur le mouvement féministe. Mais le plus inquiétant demeure encore son instrumentalisation politique; l’islamisme, dont bien des musulmans, vivant à nos côtés, nous mettent en garde, pour l’avoir vécu dans leur pays d’origine. Djemila en est un exemple éloquent.

La partie la plus visible de cette idéologie fasciste et totalitaire est le voile et toutes ses autres versions que l’on impose aux femmes et aux fillettes musulmanes. Ce voile n’est pas une question futile. Si c’était le cas, les islamistes ne s’entêteraient pas à vouloir l’imposer. Il n’est pas non plus un simple vêtement comme on s’obstine à nous le présenter.

Ce voile est lié au contrôle de la sexualité des femmes et au désir des hommes. Il fait de la femme un objet sexuel et il a pour fonction de soustraire les femmes musulmanes au regard des hommes qu’elles pourraient épouser, minimisant ainsi les occasions de séduction. C’est la raison pour laquelle les femmes voilées ne se dévoilent qu’en présence des hommes de leur famille et cachent leurs cheveux, leur cou, leurs oreilles, leurs bras et leurs jambes aussitôt qu’elles se retrouvent en public.

C’est la pudeur islamique qui prend sa source dans un patriarcat enrobé de religieux et de sacré et qui fait croire aux fillettes et aux femmes que leur corps est impur et source de tentation pour les hommes. Voilà ce que l’on enseigne aux jeunes filles dans ces écoles musulmanes; la honte et la détestation de leur propre corps.

Présenter ce voile comme un simple vêtement, nous empêche de comprendre sa fonction réelle et contribue à le banaliser, à neutraliser toute la charge politique qui est contenue dans ce bout de tissu de même que de passer sous silence la résistance et le combat de milliers de femmes qui ont connu et connaissent toujours l’humiliation, la prison, la violence et même la mort pour avoir refuser de le porter.

Le voile, un simple vêtement? Vous avez entendu Shiva. Allons donc! Nommez-moi un seul vêtement, un seul qui a causé et cause toujours autant de souffrance dans le monde ? Et s.v.p. Mme Massé, fichez-nous la paix avec votre string!

Présenter ce voile comme un simple vêtement arrange bien les islamistes mais cela fait aussi l’affaire des politiciens comme Philippe Couillard, Stéphanie Vallée et Justin Trudeau qui s’empressent de nous dire qu’il n’est pas question que l’État dise aux femmes comment s’habiller. C’est l’excuse facile des politiciens pour se débarrasser d’une question sensible et ne pas avoir à légiférer sur celle-ci. De la lâcheté bien davantage que de la naïveté.

L’État n’a jamais dit aux femmes comment s’habiller. L’Église oui, mais pas l’État. Et quand l’État interdit le port de signes religieux dans ses institutions publiques, il n’est pas en train de dire aux femmes comment s’habiller mais il défend la séparation du politique et du religieux et assume ses responsabilités en protégeant la laïcité de ses institutions.

Ce voile est tout, sauf futile. Symbole éclatant de l’islamisme, il est la tête de pont de leurs visées théocratiques et de leur volonté d’imposer la charia. Vous savez, il y a deux choses que les islamistes détestent plus que tout le reste, c’est la laïcité et la liberté des femmes. C’est pourquoi ils mènent une offensive sur ces deux fronts, avec le voile comme cheval de bataille.

Partout en Occident, ce voile marque le point de rupture qui divise en deux l’histoire du féminisme. Le vieux féminisme, le dépassé et le nouveau féminisme, ouvert et évolué qui défend le port de signe religieux et sexiste pour les femmes musulmanes. Voilà, pour l’évolution. Avancez en arrière. On ne naît pas burkini mais on le devient, ça c’est fini! De Beauvoir, fini! Et toutes celles qui suivent en marchette, ça achève de toute façon.

Notre féminisme démodé et dépassé a obtenu pour toutes les femmes, quel que soit leur origine, leur couleur ou leur religion, le droit de vote, l’égalité dans le mariage, la contraception, l’avortement, des cliniques de planning familial qui ont permis aux femmes de poursuivre leurs études post-secondaires et d’entrer sur le marché du travail, l’équité salariale, l’autonomie financière, les garderies, les congés de maternité, l’ouverture à des professions masculines, des politiques contre le harcèlement sexuel au travail, la criminalisation du viol. Dépassé ça? On n’a même pas terminé!

Parait qu’il faut maintenant s’ouvrir au féminisme islamique. Mais il a fait quoi jusqu’à maintenant le féminisme islamique? A-t-il abrogé les versets sexistes du Coran, où il est dit que les femmes doivent obéir aux hommes et que ces derniers ont le droit de les battre si elles désobéissent? Où l’on compare les femmes à un champ de labour que les hommes peuvent cultiver à leur guise? Et l’impureté des menstruations? Et l’inégalité dans l’héritage? Et la répudiation et la polygamie qui sont le privilège des hommes? Et le voilement des fillettes dans les écoles? On aimerait cela les entendre les féministes islamiques. Ça nous changerait de Benhabib!

Je vais vous dire à quoi il sert le féminisme islamique; il sert à défendre le voile et l’islam, à diviser les féministes alors que nous étions solidaires, à nous culpabiliser en nous traitant de blanches, de racistes, de colonialistes et d’islamophobes et à berner les jeunes féministes en leur faisant faire croire qu’elles sont cool parce qu’elles pensent que le voile est un vêtement et que l’État n’a pas à dire aux femmes comment s’habiller.

Depuis quelques années, l’offensive anti-laïque et antiféministe a franchi une nouvelle étape; celle de la judiciarisation du débat public sur la laïcité. Des musulmans recourent aux tribunaux pour intimider et bâillonner certains militants laïques, les ostraciser, les écarter du débat public, en faire des exemples et décourager les vocations.

Dans une société dite libre et démocratique, il est scandaleux d’utiliser le système judicaire pour réduire au silence ses adversaires politiques. Le Québec est une démocratie, pas une dictature et il n’est pas question d’y limiter la liberté d’expression qui est au coeur de notre culture et de nos institutions.

On connaît tous l’engagement profond, indéfectible et exemplaire de Djemila Benhabib pour la laïcité et la liberté d’expression et son infatigable et courageux combat contre l’islamisme qu’elle a connu de près dans le pays de son enfance; l’Algérie.

La cause qu’elle défend dépasse bien largement sa personne. Cette cause est aussi la nôtre, celle de tous les québécois parce qu’elle engage l’avenir et les fondements même de notre démocratie.

La bataille juridique qui va s’enclencher, lors de son procès au Palais de justice de Montréal le 26 septembre prochain, sera d’une importance politique décisive en ce qu’elle va tracer la voie de l’avenir pour le Québec; soit de protéger la liberté d’expression ou soit d’empêcher toute critique de l’islam et de l’islamisme.

À nous d’être à ses côtés, pour lui témoigner notre appui et notre estime.