Quand Lisée voulait rénover la fonction publique

2016/09/19 | Par Pierre Dubuc

Jean-François Lisée s’est donné pour mission de rétablir la réputation du secteur public, attaquée par la droite. L’idée maîtresse développée dans son livre « La gauche efficace » est de confier aux employés de la fonction publique la gestion de leur travail, de transformer leur unité syndicale en petite entreprise. Voyons comment il présente les choses :

« Avec les organisations entrepreneuriales syndicales (Fonds de solidarité, Fondaction), la direction de l’établissement public crée l’unité de travail « cafétéria » avec les employés et les cadres qui y travaillent. Qu’on leur délègue entièrement la gestion du budget de leur unité et qu’on leur dise que 25% de toute augmentation des revenus provenant de gains de productivité, augmentation des ventes, réduction du personnel pour départs volontaires à la retraite, leur seront retournés en primes et augmentations de salaire. Les autres 75% reviendront à l’État. Faisons de même pour les buanderies et tous les services de soutien qui n’offrent pas un service de base (soins de santé, éducation).

« Une fois cette réforme établie et rodée – après des projets-pilotes et une période d’adaptation –, rien n’interdirait à ces micro-entreprises publiques de salariés de déborder de leur cadre d’origine et de se faire concurrence entre elles, dans le service public, et même à l’extérieur. Une seconde étape devrait ensuite consister à exposer ces unités internes à la concurrence des soumissions du privé – toujours avec le maintien garanti de l’emploi, du salaire et des conditions de travail. »

Jean-François Lisée n’a pas inventé cette formule. Comme il le spécifie dans son livre, elle a été utilisée à Indianapolis. Mais nous ajouterions qu’elle n’est pas une idée de gauche. Cependant, nous voulons bien admettre qu’elle puisse une idée de la « gauche efficace », si celle-ci accepte d’y inclure Jean-Paul Gagné, l’éditorialiste du Journal Les Affaires.

En effet, dans l’éditorial de l’édition du 20 septembre 2003 intitulé « Pas de modernisation de l’État sans ouverture de l’article 45 », Jean-Paul Gagné demandait un amendement à l’article 45 du Code du travail – qu’il obtiendra – en soulignant que le gouvernement Charest ne pourra s’attaquer à la réingénierie de l’État sans sous-traitance et sans partenariat privé-public. « Son assouplissement, écrit-il, permettrait de céder certaines activités à des organismes sans but lucratif, à des organismes communautaires, à des coopératives, à des sociétés privées et même à des entreprises que les fonctionnaires pourraient eux-mêmes créer, comme l’ont fait des employés de la ville d’Indianapolis. »

Jean-François Lisée suggère d’importer au Québec une idée du maire d’Indianapolis qui a transformé, il y a quelques années, le syndicat des cols bleus de sa municipalité en micro-entreprise avec pour mandat d’entrer en concurrence avec le secteur privé pour l’octroi de contrats municipaux. Il propose d’appliquer ce modèle aux cafétérias, aux buanderies et aux autres services de soutien de la fonction publique.

La mission du syndicalisme est de protéger les travailleurs de la concurrence que le système capitaliste installe entre eux. Drôle de conception du syndicalisme que de transformer ses unités en entreprises capitalistes et de les mettre en compétition entre elles!

Toujours la même approche chez Lisée : unir la gauche et la droite au profit de la droite!