Une remise en question de la participation de Québec solidaire au Oui-Québec ?

2016/09/22 | Par Guy Roy

L’auteur est coporte-parole du PCQ

Au prochain Conseil national de Québec solidaire (QS), une autre occasion pourrait bien se présenter pour tenter de faire reculer l'ultra-sectarisme toujours présent chez une certaine frange du membership de ce parti.

Voilà en effet que certaines personnes, toujours bien actives dans QS, proposent maintenant, en prévision de ce prochain Conseil national, de remettre en cause la participation de cette formation politique aux négociations toujours en cours du côté de l'organisation des OUI-Québec, et qui visent à l'élaboration éventuelle d'une même «feuille de route» sur le processus d'accès à l'indépendance. Tel semblerait maintenant être le nouveau cheval de bataille de ces ultra-sectaires. Pour eux, QS devrait tout simplement se dissocier désormais de tout ce qui concerne le regroupement des OUI-Québec.

Sur le fond, ce sont toujours et encore les mêmes arguments : le PQ serait devenu au fil des années, et ce depuis longtemps, un parti «néolibéral», et rien ne pourra changer cela, disent-ils. De toute manière, le PQ aurait aussi cessé depuis longtemps de même vouloir l'indépendance du Québec.

Alors, à quoi bon chercher une forme de convergence avec ce parti, rajoutent-ils. Pour eux, et au nom de « l'intérêt de Québec solidaire », l'approche reste très simple : pas d'alliance, en aucun cas, pas de pacte, pas de concessions avec ce qu'ils identifient eux-mêmes comme «  l'ennemi », en oubliant au passage que ce sont les libéraux qui devraient surtout nous préoccuper.

Un des principaux promoteurs de cette ligne de conduite s'appelle Benoît Renaud. Militant d'origine trotskyste, il fut un temps secrétaire-général de QS et collabore encore aujourd'hui, régulièrement, sur le site Internet «  Presse-toi à gauche ! » .

Tout dernièrement, Benoit Renaud écrivait sur le site de « Presse-toi-à-gauche ! »  à ce propos ; ce qu'il dit en conclusion de son article, pour justifier un retrait des OUI-Québec est édifiant : « Bref, nous ne faisons pas partie de la '' famille souverainiste''. Soyons-en fiers ! Cette famille dysfonctionnelle qui s’entredéchire périodiquement entre deux périodes de déni et n’arrive pas à confronter ses démons, n’est heureusement pas la nôtre. »

Précédemment, il avait aussi écrit :

« La démarche en deux étapes proposée par les OUI-Québec est un piège caché derrière un mince écran de fumée. La première étape des discussions, qui ne porte pas sur les alliances électorales mais uniquement sur la mécanique de l’accession à la souveraineté, n’est qu’une distraction temporaire dont le but est de nous faire mal paraître si on quitte la table avant d’être arrivé au bout de cette discussion abstraite. Ceci afin de nous placer ensuite devant l’urgence de " battre les Libéraux " à quelques mois des prochaines élections, donc de rendre la rupture éventuelle de plus en plus difficile. ».

Ce point de vue est également véhiculé par deux autres ultra-sectaires, soit Bernard Rioux, du groupe trotskyste Gauche socialiste (GS), et André Frappier, ce dernier étant lui aussi un ex-trotskyste. Tous deux sont en même temps deux des principaux responsables du site «  Presse-toi-à-gauche ! ».

Voici ce que ceux-ci écrivaient récemment, toujours sur le même sujet :

« En somme, penser que le " dialogue " avec le PQ se fera dans le cadre du OUI-Québec, c’est s’engager dans une impasse qui ne nous mène nulle part. En fait, non seulement les débats avec le PQ devant la population du Québec ne peut pas se faire dans le OUI-Québec, mais la tâche politique de l’heure en ce qui concerne l’indépendance, ce n’est pas de tenir des débats semi-privés dans le OUI-Québec avec des militant-e-s péquistes œuvrant dans les organisations nationalistes sur la stratégie d’accession à l’indépendance. D’autant plus que ces débats resteront sans aucun impact sur la population du Québec et sur l’orientation du Parti québécois lui-même. Le (récent) débat de Jonquière a fait la démonstration que les dirigeant-e-s péquistes sont bien conscients des vrais enjeux et des réels lieux de débats ».

Je voudrais ici revenir sur ce dossier en proposant de remettre un peu plus de gros bon sens dans tout cela.

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Commençons par le commencement. Franchement, et à supposer qu'une telle recommandation, concernant un éventuel retrait de QS des OUI-Québec, devait effectivement aboutir sur le plancher du prochain Conseil national de QS, il faut espérer que ce sera battu de la manière la plus claire possible.

Bizarrement, ces ultra-sectaires n'ont de cesse de s'objecter à toute forme de collaboration pour la relance du combat pour l'indépendance ; en même temps, ils restent complètement silencieux sur le fait que ces efforts de convergence s'appuient sur une collaboration qui est déjà effective et récurrente, sur le terrain de l'Assemblée nationale, entre la députation de QS, et celle du PQ.

En toute logique, ces ultra-sectaires devraient tout autant s'objecter à ces collaborations, mais ils ne le font pas. Cherchez l'erreur.

Il faut rajouter le fait que ces alliances, entre QS et le PQ, dans le cadre des travaux à l'Assemblée nationale, ne datent pas d'hier.

Il ne faudrait pas considérer les membres à la base de QS plus stupides que les membres de la députation qui pactisent à qui mieux mieux avec toutes les forces de l'Assemblée sur toutes sortes de questions. Pourquoi les membres à la base ou les négociateurs avec le OUI seraient-ils exclus de ces processus d'unité politique qui ont fait la force de QS au Parlement ?

Nous en avons comme meilleur exemple la demande de QS de rallier l'Assemblée Nationale autour du rapatriement du Diefenbaker. Nous avons été très fiers du travail d'Amir et de son équipe dans ce cas là. Toute l'Assemblée s'est unie autour de la demande de la compagnie des Chantiers Davie au gouvernement fédéral de rapatrier au Québec la construction du super-brise-glace qui prenait du retard dans l'Ouest et annonçait déjà des dépassements de coût.

Bien sûr, nous avons alors eu un non catégorique des Conservateurs, au niveau du Fédéral, et notre dossier là-dessus explique les tenants et aboutissants de pareil cafouillage du fédéral qui ont vu augmenter arbitrairement les coûts de construction de ce navire malgré les engagements de Chantiers Davie de le réaliser dans les coûts et délais prévus. Et ils augmenteront sans doute encore au grand dam des contribuables québécois et canadiens.

C'est Amir qui a réussi cet exploit. Devrait-on s'en désoler ? Je ne crois pas.

Autre question reliée. Puisque les libéraux ont fini par appuyer cette motion, faudrait-il en conclure que les libéraux seraient maintenant rendus à la botte de QS ? On voit bien ici tout le ridicule d'une telle logique.

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Nous avons parfois eu des mots durs pour le sectarisme de QS, mais nous n'avons jamais renoncé à proposer des interventions qui reflètent tout le potentiel de contestation des politiques dominantes de ce parti de la gauche québécoise.

Encore tout récemment, nous proposions une intervention qui a été bien reçue sur les augmentations de tarif d'Hydro-Québec. Un ancien membre de QS-Lévis y était allé de révélations sur le peu d'empressement de notre compagnie nationale d'électricité à se prononcer sur le projet d'Énergie-Est. Beaucoup voient dans Québec solidaire une ressource insoupçonnée pour unir, là où il le faut, toutes les composantes qui reflètent la contestation populaire, y compris au PQ.

Alors pourquoi faudrait-il du même coup continuer à chercher la moindre petite bête ? Et surtout ajouter le soupçon que les membres à la base de QS ne sont pas capables d'évaluer là où il faut s'unir et là où il faut combattre l'inertie, sans les avis de ces gauchistes de salon qui sont prêts à mettre des entraves à l'évolution de QS.  Pourquoi ?

Québec solidaire risque-t-il vraiment de se transformer, avec le temps, en simple faire-valoir du PQ ? Je ne crois pas non plus.

Quand on a confiance dans son programme et dans la capacité des membres de le défendre, on ne met pas toute sorte de conditions puériles à leur libre expression dans la confrontation politique qu'exige tout processus d'unité.

Québec solidaire est bien capable de se faire valoir sans le PQ et le contraire est aussi vrai. Il y a dans chaque organisation des membres aguerris aux différents combats sur la langue, l'environnement, etc ... Même sur les droits sociaux quoi que prétendent certains qui prêtent au PQ plus de néolibéralisme qu'ils ne sont capables à eux seuls isolés de combattre.

Quand il s'agit de prendre à bras le corps le fédéralisme canadien et ses aberrations, QS, tout comme le PQ, s'avèrent être des machines de guerre politiques forts respectables. Encore tout récemment on a vu le PQ dénoncer vigoureusement et sans tergiversation les renoncements de Trudeau à ses engagements électoraux en matière de transferts en santé. Couillard et Barette sont apparus comme les vrais couillons.

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Le gauchisme a jadis mené ceux qu'on appelait les marxistes-léninistes, vers la faillite. Malgré ce que nous en avons appris (est-ce le cas pour tout le monde ?), et peut-être parce que nous en avons appris quelque chose, la politique au Québec a pu progresser dans différents secteurs, comme parmi les syndicats ou dans les groupes populaires les plus vigoureux, ceux qui ont résisté, là où les intérêts populaires devaient primer.

QS devrait-t-il accepter de retomber dans le même genre de travers, dans les mêmes ornières, juste pour ne pas avoir à s'asseoir avec d'autres personnes avec qui on aurait des désaccords ? Se marginaliser, se replier sur soi, s'enfermer dans une logique sectaire que tous refusent, sauf quelques militants en mal d'imposer des vue qui vont condamner QS à croupir dans l'isolement pendant les dix prochaines années, sinon davantage, ne devrait pas être une option.

Ça n'a pas de bon sens. Je ne comprends toujours pas. Et j'espère qu'on prendra mieux en compte l'avenir de la gauche québécoise de l'intérieur de QS parce que l'énergie consacrée depuis des années à sa construction ne mérite pas de s'éteindre, à petit feu, des suites d'un entêtement stupide à se cantonner ainsi dans le sectarisme, dans une chapelle qui mène dans une voie de garage.

J'espère revenir sur les faussetés des argumentaires gauchistes parce que je dois mieux y réfléchir pour ne pas tomber dans l'invective, comme c'était l'habitude du temps des ML.

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Note: Lors du prochain Conseil national de QS, une autre position devrait être sur le plancher pour fins de discusions.  Celle-là propose plutôt, en lieu et place, que QS devrait « participer à la première étape », du processus proposé par l'organisation des OUI-QUébec et consistant à discuter de ce que pourrait être la mécanique d’accession à l’indépendance, sans cependant s’engager en tant que tel (pour le moment du moins) vers un pacte électoral (ce qui serait le sujet pour la 2e étape du processus).

Cette autre option propose également une série de positions que QS devrait défendre dans le cadre de ces discussions, dont le principe de l’assemblée constituante.  Cette autre vision est nettement meilleure, quoiqu'elle demeure quand même relativement timide.  C'est quand même mieux que ce que proposent les ultra-sectaires.