Gildan Actiwear : le fruit le plus achevé de la mondialisation

2016/10/07 | Par Yves Engler

Une firme montréalaise, créée avec l'aide de fonds publics, peut transférer son siège social dans un paradis fiscal, déménager sa production à l'étranger et toujours pouvoir compter sur l’appui diplomatique, économique et militaire d’Ottawa pour promouvoir ses intérêts réactionnaires à travers le monde.

Dans le cadre de sa couverture de l'affaire des Panama papers, le Toronto Star rapportait récemment que Gildan Activewear a légalement bénéficié, au cours des cinq dernières années, d'un taux d'impôt réduit de 2,8 % sur des revenus déclarés de plus de 1,3 $ milliard ! Et il n'est même pas certain que Gildan ait payé au Canada une partie des misérables 37,9 $ millions que cela représente !

Après avoir bénéficié de subventions gouvernementales et du soutien financier du Fonds de solidarité, Gildan a ouvert, il y a 16 ans, une filiale à la Barbade pour éviter de payer de l'impôt au Canada. L'entreprise profite d'un accord fiscal, qui permet à une compagnie de rapatrier des profits de ce petit pays des Caraïbes, où le taux d'imposition est de 1,5 %, sans qu'ils ne soient imposés au Canada.

Parallèlement, les accords de libre-échange ont permis à Gildan de transférer des emplois syndiqués du Canada et des États-Unis vers le Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine et Haïti, où elle applique une politique antisyndicale agressive dans ses ateliers de misère.

Ne fabriquant pas de marque de prestige (jusqu'à récemment), Gildan a misé sur la production de t-shirts et de bas au plus faible coût possible. La moindre hausse des salaires, lamentablement insignifiants qu'elle paie dans ces pays, est une menace à son modèle d’affaires à ultra-bas-coûts, qui rivalise même avec des pays où les salaires sont ridicules comme le Cambodge et le Bengladesh.

Malgré le fait que Gildan ait transféré sa production vers des pays de « cheap labour » et son siège social dans un paradis fiscal, Ottawa a continué de promouvoir ses intérêts.

En 2004, le gouvernement canadien a participé au renversement du gouvernement élu d'Haïti et a appuyé, cinq ans plus tard, un coup d'État militaire au Honduras, entre autres pour protéger le modèle d’affaires à ultra-bas-coûts de Gildan.

Au début de 2003, le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide avait décrété une hausse du salaire minimum quotidien de 36 gourdes (1$ US) à 70 gourdes. Les milieux d’affaires du pays et internationaux s’y sont opposés, car ils utilisent Haïti, où sont versés les plus bas salaires de l'hémisphère, pour contrer les demandes des travailleurs des autres pays des Caraïbes et d'Amérique centrale.

À l'époque, la majeure partie de la production de Gildan en Haïti était confiée au sous-traitant haïtien Andy Apaid, le dirigeant du «Groupe des 184» , qui complotait pour le renversement du gouvernement élu d'Aristide.

Par une étrange coïncidence, deux jours après le coup d’état planifié par les États-Unis, la France et le Canada, le Département d’État américain mentionnait que «certaines compagnies canadiennes songent à transférer leur production de vêtements en Haïti».

En 2009, Gildan était devenu le plus important employeur privé du pays, avec près de 8 000 emplois directs et indirects dans le domaine de la confection à Port-au-Prince.

Plus à l'ouest, le président du Honduras, Manuel Zelaya, a haussé le salaire minimum de 60 % au début de 2009. Gildan s’est opposé à cette décision. La même année, Ottawa a tacitement appuyé le coup d’état qui a évincé du pouvoir ce président élu.

Trois semaines après le coup d’état militaire, suite aux pressions du Maquila Solidarity Network, Nike, Gap et deux autres entreprises de la confection, basées aux États-Unis et exploitant des usines au Honduras, ont appelé au rétablissement de la démocratie.

Gildan, dont la moitié de la production mondiale provient de ce pays, a refusé de signer la déclaration. Depuis le coup d'état, le nombre d'employés de Gildan au Honduras est passé de 11 000 à 26 000, faisant de cette entreprise le plus gros employeur privé du pays.

Un portrait de l'entreprise, publié par le Globe and Mail, présentait Gildan comme « le fruit le plus achevé de la mondialisation ».

Une entreprise qui paie peu d'impôts, qui verse de bas salaires et qui se sert de l'État pour faire avancer ses intérêts réactionnaires à l'étranger : le néolibéralisme à son meilleur !